Hasard du calendrier. Alors qu’Éric Lombard et Marc Ferracci signaient le matin même le contrat stratégique de la filière nucléaire de 2025 à 2028, actant notamment la construction de six nouveaux EPR, le collectif ligérien Fusion42 annonçait dans la même journée son lancement officiel.
Le collectif Fusion42, qui deviendra association d’ici à la fin de l’année, est porté par l’UIMM Loire, la CCI Lyon Métropole-Saint-Etienne-Roanne et Mecaloire, soutenus par la Préfecture. Une centaine d’entreprises ligériennes, principalement des PME du secteur de la mécanique, ont fait valoir leur intérêt pour le projet et devraient adhérer dans les prochains mois.
L’ambition : aller chercher leur part du nouveau gâteau de la relance nucléaire française initiée par Emmanuel Macron lors du discours de Belfort en février 2022.
« Les six futurs EPR représentent un budget de presque 100 milliards d’euros [79,9 milliards selon le dernier chiffrage NDLR]. Et on double la mise avec le sujet de la maintenance des équipements déjà existants. Ces deux marchés sont gigantesques. La Loire représente environ 1% du PIB de la France : si nos entreprises prenaient 1% des marchés, cela représenterait un apport d’activité économique phénoménal », observe Philippe Rascle, nouveau président du Medef Loire.
Très industrielle avec 24,9% de ses effectifs salariés travaillant dans le secteur de l’industrie en 2023, contre 15,9% au niveau national (source : « Évolutions économiques dans la Loire 2023 »), – avec une omniprésence historique de la métallurgie/mécanique (1er secteur industriel du département avec 17.160 salariés en 2023) -, la Loire pourrait en effet disposer des capacités et du savoir-faire nécessaires.
Déjà, plusieurs entreprises sont bien positionnées. Par exemple, SBS, PME de Boën-sur Lignon qui a réalisé 14,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, fabricante de pièces forgées et pour laquelle le nucléaire représente déjà 30% de l’activité. Ou encore Loire Industrie, dont plus de la moitié du chiffre d’affaires (23 millions d’euros) est signée dans le nucléaire. Ces deux PME ont d’ailleurs intégré l’année dernière le nouvel accélérateur nucléaire de BPI. Citons aussi Novaressort, qui, avec 7,2 millions d’euros de chiffre d’affaires, voit la part du nucléaire dans son activité grandir : elle fournit de plus en plus de ressorts pour les crayons à uranium. Ou encore Clextral avec ses pompes destinées à l’industrie nucléaire. CEPM (8,5 millions d’euros de chiffre d’affaires), spécialisée dans les systèmes mécaniques, produit, elle, en direct pour Framatome.
« Beaucoup d’entreprises de la Loire travaillaient autrefois dans le nucléaire mais la filière s’est démobilisée après les annonces de François Hollande annonçant la mort du nucléaire. Il faut maintenant reconstruire », observe Philippe Rascle.
Gagner en visibilité
« Entre nos industries et nos centres de formation (ISTP-IRUP, Ecole des Mines, Enise), la Loire dispose d’un écosystème très favorable pour prendre sa place dans cette relance du nucléaire. L’enjeu de reconversion ou du moins de diversification est majeur dans un contexte de difficultés rencontrées par les sous-traitants de l’automobile », estime de son côté Alexandre Rochatte, le Préfet de la Loire.
Pour autant, a contrario d’autres territoires français clairement identifiés sur le nucléaire, tels que la Vallée du Rhône, la Normandie, ou encore la Saône-et-Loire, la Loire ne dispose pas d’une telle reconnaissance. Problématique à laquelle va donc s’atteler Fusion42, en engageant notamment des opérations de communication et des participations groupées sur les grands salons du secteur, en particulier le World Nuclear Exhibition (WNE) à l’automne prochain. Sont également prévus la création d’un site web dédié et d’une base de données entreprises, qui pourra être fournie aux donneurs d’ordre en recherche de sous-traitants. Fusion42 se rapprochera également des grands pôles déjà constitués, notamment Nuclear Valley.
« Nous devons nous positionner dès à présent pour monter dans le train des deux premiers EPR. Ils nous permettront d’être bien placés pour les suivants », insiste le président du Medef42.
Monter en compétence
Autre chantier auquel va s’atteler le consortium : la montée en compétences des entreprises de la mécanique.
« Pour celles qui ne sont pas encore sur le nucléaire mais qui pourraient s’y positionner, la marche peut parfois être un peu haute car ce secteur nécessite des certifications spécifiques, des nouvelles pratiques autour de la sécurité et cybersécurité etc. Nous allons les accompagner sur tous ces points», expose Philippe Rascle.
Des demandes de financement, soutenues par la Préfecture de la Loire, seront déposées auprès de la Région Aura, de BPi ou du SGPI dans le cadre de France 2030 pour des acquisitions groupées d’accréditation notamment. En revanche, le Préfet a prévenu, il n’y a pas de programme dédié dans le cadre France 2030 pour des investissements productifs dans le nucléaire, les enveloppes étant plutôt réservées à l’innovation.
