Vieillissante, polluante et confrontée à un marché tendu, entre coût de l’énergie et concurrence chinoise, la sidérurgie française comme européenne semble être dans un tourmente sans fin, à l’image d’ArcelorMittal certes mais aussi de ThyssenKrupp qui a vendu 20% de ses activités à Daniel Kretinsky voici un an, avant d’annoncer la suppression de 11 000 emplois fin 2024.
GravitHy en avance de phase
Pourtant, une toute autre filière se constitue à l’image des projets d’acier vert qui depuis trois ans, émergent. A l’instar de GravitHy, initié en 2022 par le consortium réunissant Inno Energy, Engie New Ventures, Forvia, Plug, Primetals Technologies et Idec et qui prévoit de produire du DRI – Direct reduceed iron, c’est-à-dire du minerai de fer pré-réduit – cette matière première qui contribue à fabriquer de l’acier vert. Un projet qui a mis certes du temps à trouver son rythme de lancement mais qui a surtout réussi à lever 60 millions d’euros en mars dernier, faisant ainsi la démonstration en quelque sorte, que l’acier vert à tout un avenir devant lui.
D’autant que GravitHy n’est pas seul sur son segment mais bénéficie du soutien de tout un écosystème industriel, la filière étant bien conscience que la décarbonation de l’un sert la décarbonation de l’autre. Ainsi, le tour de table réalisé il y a tout juste un mois, rassemble-t-il Rio Tinto, Siemens, Japan Hydrogen Fund ou encore Marcegaglia.
Ecosystème industriel
Et si ce dernier, groupe sidérurgiste italien originaire de Mantoue, participe au financement de GravitHy, c’est parce qu’il compte bien s’appuyer sur sa production de minerai de fer. Repreneur depuis juin 2024 d’un autre site industriel de Fos, Ascométal, l’entreprise familiale transalpine prévoit de le faire basculer en usine productrice d’acier bas-carbone. Pour cela, elle a mis au point un projet, baptisé Mistral, qui vise à construire une nouvelle unité et d’en accélérer le rythme de production, faisant passer celui-ci de 100 000 tonnes annuelles d’acier spéciaux actuellement, à 2 150 000 tonnes annuelles d’acier standard à horizon 2028.
Le basculement d’acier spéciaux en acier standard répond à un besoin précis : ne plus être dépendant des fournisseurs ailleurs en Europe, qui fabriquent encore à partir d’énergie fossile.
En s’installant à proximité de Marcegaglia, GravitHy trouve ainsi un client de premier rang. Mistral est par ailleurs également l’un des projets soumis à la vaste CNDP en cours à Fos et autour de l’Etang de Berre. Mais Jacques-Yves Floch, prévient, si Mistral ne voit pas le jour, c’est bien toute la sidérurgie française et européenne qui s’en trouveraient malmenées.
La fin annoncée des hauts-fourneaux ?
Cet ancien directeur d’ArcelorMittal à Dunkerque, aujourd’hui directeur du site Marcegaglia à Fos, estime que l’acier vert est l’avenir de la filière. « La décarbonation des hauts-fourneaux est coûteuse et peu efficace. Et il est probable que les hauts-fourneaux cessent leur activité à terme. Si on considère un scénario optimiste, la capacité de production d’acier va baisser de 20% en Europe d’ici 5 ans, sachant qu’elle s’établirait alors à 160 millions de tonnes. Si l’on considère un scénario plus pessimiste, elle pourrait chuter de 50%. Il faut ajouter à cela des cokeries (usine de synthèse de coke et de gaz, NDLR) dont l’acceptabilité va devenir nulle. L’option qui s’offre à la sidérurgie, c’est le bas carbone ».
Car, dit encore Jacques-Yves Floch, si la filière des fours électriques n’est pas parfaite, elle est cependant moins productrice de poussière, de laitiers et de goudron.
A Fos, l’acier vert a donc un avenir qui se dessine. Le projet Mistral prévoit de mobiliser un investissement de 750 millions d’euros. Si la finalité de la commission nationale du débat public est positive, les travaux débuteraient mi-2026 pour une livraison fin 2027, début 2028. Et la proximité du Grand Port Maritime ouvre aussi tout un champ d’exportation mondial. De quoi lancer la sidérurgie sur des routes plus durables.