Entrée en viticulture comme on entre en religion, mais avec son propre credo, Carine Riccobono croit en l’âme des vins dédiés au vivant, fidèles à la nature qui les engendre et gorgés de plaisir. Un sacerdoce bachique de cœur et d’instinct qui bouscule les normes.
C’est l’histoire d’une passion familiale, transmise par un père enraciné dans l’un des vignobles les plus pittoresques du Sud-Ouest, à l’orée de la galaxie des bordeaux, les coteaux de Cadillac, bourgade de Guyenne dont le nom désigne des vins charmeurs et caressants. Nous ne sommes pas ici sur l’aire des grands crus classés, mais au sein d’une ruralité ayant préservé la sérénité d’un univers où l’on vit caché, donc heureux, à l’abri des turbulences du temps et des humeurs d’une société déboussolée. Un coin de douce France où l’art de vivre observe le rythme des saisons pour demeurer en harmonie avec l’âme des lieux. Une âme façonnée par le paysage, les arbres, la vigne, la Garonne et sa lumière magique. Non loin de là, à Malagar, trempant sa plume dans les secrets apaisés de cet univers, François Mauriac écrivit quelques-unes des pages les plus illustres de la littérature française. Une âme que Carine Riccobono restitue dans ses vins.
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Fille de Michel Darriet, qui fut propriétaire du château Arnaud-Jouan, descendante d’une famille implantée sur ce fief depuis 1822, née dans la culture du vin, acquise aux valeurs paysannes de la vigne, Carine Riccobono décide un jour de présider personnellement à la destinée du domaine. Epaulée par son fils Marius, elle réidentifie sa petite patrie à l’enseigne du Domaine des Perchés, symbole d’une altitude inspirée par un horizon chargé de mémoire. Le sacerdoce, légitimé par l’ampleur de son dévouement, procède d’un élan du cœur puisque, s’émancipant des codes de l’aristocratie viticole bordelaise, où la particule tient plus souvent du tarif que de la vertu du raisin, Carine Riccobono produit d’abord le vin qu’elle aime, en lequel elle croit, qui consacre le vivant, pas celui conçu pour décrocher de bonnes notes dans les guides ou flatter les cotations du marché. Signalant l’approche spirituelle de cette vocation, aménagé en sanctuaire, éclairé par des vitraux, le chai où les vins s’assagissent est appelé la Chapelle. Les ferments du Seigneur sont toujours vénérables.