« Big bang » à venir dans une filière en crise, celle de la collecte et du tri des textiles français. Alors que le marché mondial des vêtements explose avec la « fast fashion » (+ 40 % en 15 ans), et que la Chine et l’Afrique rachètent de moins en moins d’habits invendus ou de seconde main, la France veut agir. À la veille du Sommet Choose France, organisé demain à Versailles, le ministère de la Transition écologique vient de dévoiler les grandes lignes de sa réforme de la filière à responsabilité élargie du producteur ( « REP ») pour les vêtements, chaussures et linges de maison.
Face à la difficulté de rentabiliser la collecte et la vente d’habits usagés à des recycleurs étrangers (le marché est en perte de vitesse), le gouvernement prend le taureau par les cornes. L’idée est, selon l’entourage de la ministre de la Transition écologique, de faire « changer d’échelle la filière », en la rendant plus « industrielle ». De sorte qu’elle soit « capable de collecter, trier, et surtout recycler davantage ». Le tout, majoritairement sur le territoire français. À la clé, la création de nouveaux emplois.
Des nouveaux sites de recyclage en France
Concrètement, d’ici à début 2026, l’État va permettre à Refashion – l’éco-organisme agréé du secteur – d’investir directement dans de nouvelles infrastructures industrielles de tri et de recyclage de déchets. Aujourd’hui, Refashion fonctionne sur un modèle où il subventionne le fonctionnement des acteurs de la collecte et de tri de textile. L’idée est donc d’aller plus loin. Mais le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher l’assure, « les acteurs en difficulté seront soutenus ».
Les grandes associations aussi dans la boucle
Autre point sur lequel l’entourage de la ministre a été clair : les grandes associations de la solidarité, de l’économie circulaire et de l’économie sociale et solidaire (ESS), Emmaüs, comme Le Relais ou La Croix Rouge, continueront à être soutenues et consultées dans le cadre de ce grand « big bang » de la filière. « Ces acteurs-là sont bien implantés et travaillent très bien », insiste le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Avant d’ajouter que d’ici à la mise en place de ce nouveau « cahier des charges » de la REP, l’État restera bien aux côtés de ses entreprises et sites existants.
Améliorer la traçabilité des textiles mis au rebut fait aussi partie des priorités de cette réforme, l’objectif étant de savoir « savoir exactement ce qui va à l’étranger, et ce qui reste en France ». Et pour cause, selon le rapport 2023 de Refashion, chaque année, environ 270 000 tonnes de déchets textiles sont collectées en France. Parmi eux, « 60 % des produits triés » sont revendus en fripe, dont 90 % à l’étranger.
Or, confiait récemment à l’AFP Sandra Baldini, directrice du pôle consommation de Refashion, « les acheteurs africains se détournent [de la France], pour aller acheter des fripes, voire du neuf en Chine ». Ce qui coûte beaucoup moins cher à ces grossistes que de s’offrir de la seconde main européenne. « On ne peut plus continuer comme ça », avait même confié l’experte.
D’autres chantiers en cours
La lutte contre la pollution de la filière textile se fait aussi sur d’autres fronts politiques. Pas plus tard que vendredi, la ministre de la Transition écologique a annoncé la validation, par la Commission européenne, d’une initiative majeure : le déploiement d’ici au second semestre 2025 d’un « éco-score » de l’empreinte environnementale des vêtements neufs. Celui-ci apparaîtra sur les étiquettes physiques ou en ligne des habits. Si cet « éco-affichage » n’est pas obligatoire pour les marques – et « perfectible » pour plusieurs ONG – c’est une avancée inédite en France. À l’instar de la création du Nutri-Score pour les aliments.
Par ailleurs, une proposition de loi contre la « fast-fashion » est en cours d’examen au Parlement. Adopté en mars par les députés, l’examen du texte a été retardé par la chute du gouvernement Barnier. Désormais entre les mains du Sénat, la loi a subi des modifications de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Avec, selon plusieurs associations, un « détricotage » de certaines mesures de lutte contre le « green washing » des grandes marques de prêt-à-porter, ou des pénalités financières. Le texte arrivera le 2 juin en séance publique à la Chambre haute.
Parmi les industries les plus polluantes du monde
Pour rappel, l’industrie du textile est sur le podium des plus polluantes du monde. Selon l’Agence européenne de l’environnement, elle émet 4 milliards de tonnes de CO2 par an. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), cela représente 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Soit davantage que les émissions de l’aérien et du maritime additionnées.
En outre, la quantité de vêtement acheté a explosé depuis le début des années 2000. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, la quantité de vêtements achetés dans l’UE a bondi de 40 % entre 1996 et 2012. Au niveau mondial, leur production a doublé entre 2000 et 2014.
À lire également