Une salve massive de droits de douane infligés au monde, puis… un post sur Truth Social pour annoncer que tout est gelé durant quatre-vingt-dix jours, sauf pour la Chine. L’imprévisibilité de Donald Trump est connue depuis son premier mandat, mais à un tel niveau, c’est du jamais vu !
Ces volte-face successives risquent-elles d’entamer, voire de briser la confiance des investisseurs envers la grande Amérique ? La question est désormais posée après la débâcle vécue cette semaine par les obligations américaines, des actifs « refuge » qui jouent le rôle de clé de confiance des investisseurs vis-à-vis de l’économie américaine.
Crise de foie sur le marché obligataire américain
Entre lundi et mercredi, le taux moyen des obligations américaines à 10 ans a littéralement flambé, montant jusqu’à 4,5 %. Du jamais vu depuis 1982 pour ce type de produit boursier utilisé par les investisseurs comme une garantie pour couvrir leurs opérations sur le marché des actions, plus volatil et risqué.
Du côté de l’économie américaine, il faut rappeler que les « T-bonds » (treasury bonds) jouent un rôle absolument central : ils financent pas moins de 30 % de l’immense dette américaine, et pèsent en tout 29 000 milliards de dollars, ce qui en fait le marché financier le plus important du monde.
En clair, une implosion du marché obligataire américain entraînerait une crise financière mondiale plus forte que celle de 2008.
« Il est clair que dans cette séquence les bons du Trésor américain n’ont pas joué leur rôle de valeurs refuge. Un signe inquiétant, qui, adossé à une forte baisse du dollar, toujours en cours ce vendredi d’ailleurs, a convaincu Donald Trump de reculer sur ses droits de douane réciproques », résume Éric Lafrenière, gérant des actions américaines chez Sunny Asset Management.
Un épisode qui « a laissé des traces »
Si ce vendredi, le taux d’intérêt de l’obligation américaine à 10 ans, référente sur ce marché, est redescendu un peu (4,39 %), le gestionnaire d’actifs observe que celui-ci demeure « plus nerveux et volatil que d’habitude ».
De plus, estime-t-il, ce dernier épisode « a laissé des traces » chez les investisseurs. « La méthode singulière de Trump en matière de politique commerciale et économique créé une réelle incertitude pour les marchés. Ce n’est pas bon. On peut parler d’une forme de perte de confiance, mais elle est momentanée, pour l’instant. Si elle perdure et que les États-Unis entrent en récession, le pays va avoir un gros problème pour financer son économie. »
Ceci étant dit, Éric Lafrenière rappelle que les États-Unis encore de « sérieux atouts » à faire valoir auprès des marchés : une économie toujours très dynamique (le PIB a connu une hausse de 2,8 % en 2024), novatrice (les valorisations des géants de la tech américaine en témoignent), un marché de consommateurs vif et immense (340 millions d’habitants), l’emploi américain, malgré toutes les turbulences, tient.
Test de confiance
Un autre facteur jouera aussi le baromètre de confiance vis-à-vis des États-Unis : les nouveaux partenariats commerciaux induits par la politique commerciale protectionniste de Donald Trump. « Si par exemple, l’Union européenne se rapproche fortement de l’Asie dans les échanges, cela peut donner une indication », précise le financier.
D’ailleurs, en vendant subitement leurs bons en Trésor américains, ce sont bien les investisseurs japonais et chinois qui ont fait vaciller en début de semaine le marché obligataire américain. Pour rappel, le Japon est le premier créancier des États-Unis (1 100 milliards de dollars détenus) et la Chine le deuxième (760 milliards de dollars). L’Asie dans son ensemble en détient 3 000 milliards de dollars. Le moyen de pression de cette zone géographique sur les États-Unis est donc très important.
Mais pour le cadre de Sunny Asset Management, le vrai « test de confiance » pour l’économie américaine aura lieu à la prochaine rentrée, en octobre : « 30 % de la dette américaine arrive à échéance à ce moment-là. Il va falloir que le pays se refinance. On va voir comment cela se passe. »
Et d’ajouter que d’ici là Donald Trump a une « fenêtre de tir très courte », car c’est aussi à ce moment-là que la campagne électorale des élections législatives de mi-mandat (« mid-terms ») va commencer. « Si le président américain n’apporte pas de bonnes nouvelles économiques d’ici là, la suite va être compliquée », conclut-il. Et, la confiance des marchés en la grande Amérique, autrement érodée, peut-on ajouter.
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