Le médiateur de France Travail dénonce les aberrations administratives qui pénalisent les chômeurs

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Le médiateur de France Travail dénonce les aberrations administratives qui pénalisent les chômeurs




















Jean-Louis Walter, médiateur de France Travail alerte sur les changements incessants de réglementation de l’assurance chômage.
MARTIN BUREAU/AFP

Sus à la paperasse !

Propos recueillis par

, Grand reporter Social-climat

Publié le

Les changements incessants de réglementation de l’assurance chômage piègent les chômeurs. Pire, « ils produisent parfois des effets inverses aux bonnes intentions ! », alerte Jean-Louis Walter, le médiateur de France Travail, dans son rapport publié ce matin. Sus à la paperasse donc, à France Travail aussi!

Saisis en 2024 de 58 418 recours, un chiffre en hausse constante, les services de médiation de France Travail n’ont pas chômé. Selon le dernier rapport de leur médiateur Jean-Louis Walter, publié ce matin, 44 % de ces réclamations concernaient des contestations d’indemnisation, 23 % des radiations et des sanctions.

Dans la vie courante en effet, les changements incessants de réglementation de l’assurance chômage, pèsent lourdement sur la tête des chômeurs, sans que les politiques ne s’en émeuvent outre mesure. Plus consternant encore, « ces changements incessants produisent parfois des effets inverses aux bonnes intentions ! », alerte Jean-Louis Walter en poste depuis 2010.

Les pièges… du contrat de sécurisation

Penchons-nous d’abord sur le contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Ce contrat est le plus favorable aux salariés, lorsque des entreprises en difficulté veulent s’en séparer pour des raisons économiques. Puisqu’il permet à ces collaborateurs d’être mieux indemnisés pendant un an, et accompagnés dans la recherche d’un nouveau poste. Mais attention, ce CSP a ses pièges !

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D’abord, les licenciés qui retrouvent du boulot rapidement, sortent du dispositif. Même s’ils n’ont travaillé que trois jours, ils peuvent perdre leur allocation de sécurisation professionnelle (ASP) bonifiée. Pour le moins paradoxal ! Les plus motivés qui optent pour un premier travail, puis en décrochent un plus attrayant avant six mois, se feront eux sucrer leur prime de reclassement. « Or les personnes ne comprennent pas qu’après avoir subi un licenciement économique, elles sont sanctionnées pour avoir repris un travail de courte durée, alors que la durée de ces contrats leur est imposée ! », critique Jean-Louis Walter. C’est le cas par exemple, des “extras” dans la restauration.

L’embrouille du droit d’option

Depuis 2014, lorsqu’un privé d’emploi se retrouve au chômage après une période de travail, sans avoir épuisé ses droits engrangés du fait de son activité antérieure, il peut en théorie choisir : soit épuiser cette première ARE (aide au retour à l’emploi), soit en demander une nouvelle, calculée à partir des droits acquis pendant sa dernière mission, si ce nouveau droit est supérieur de 30 % à son ancienne ARE. Ce n’était déjà pas très simple à comprendre, on en conviendra. Mais depuis qu’un décret de janvier 2023 module la durée des indemnisations au chômage, en fonction du taux de chômage dans le pays, c’est pire : cette comparaison est biaisée du fait de ce changement de règles ! Dans la vraie vie, nombre de chômeurs préfèrent percevoir d’abord l’allocation la plus élevée possible, fût-ce sur une durée moindre. Mais certains d’entre eux ne peuvent même pas choisir : en effet, lorsque leur droit d’option, pour telle ou telle raison administrative interne à France Travail, leur est signifié plus d’un mois après leur inscription, il devient caduc !

Les chausse-trappes de la mise en inaptitude

Depuis 2021, les salariés licenciés pour inaptitude pâtissent eux, d’un calcul d’ARE catastrophique, lorsqu’ils enchaînent des arrêts maladie indemnisés par la sécu, puis des congés payés, avant de quitter leur employeur. Le rapport du médiateur de France Travail cite ainsi l’exemple de Madame E.N, 1 566,86 euros par mois. Selon son relevé, cette agent d’entretien a travaillé d’août 2019 au 15 mai 2024 dans la même entreprise. Cependant comme elle a été placée en congé maladie, indemnisée par la sécurité sociale de janvier 2020 à mars 2024, elle n’a engrangé que deux mois de salaire en avril et mai 2024, de 256,67 euros et 544,50 euros. Résultat, lorsqu’elle a été licenciée, France Travail n’a pris en compte son salaire avant maladie ; mais ces deux dernières rémunérations. Et lui a royalement octroyé 401,10 euros par mois.

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À savoir également, les chômeurs en arrêt maladie sont immédiatement basculés dans la catégorie « non immédiatement disponible » pour occuper un emploi, ce qui se justifie. Simplement, nombre d’entre eux ignorent qu’à la fin de leur arrêt maladie, ils doivent se « réinscrire » dans les cinq jours à France Travail…

Des radiations erronées, mais incontestables

Avec France Travail, mieux vaut prendre les devants, et répondre fissa au moindre mail ou courrier. Car lorsqu’une agence radie un privé d’emploi, puis s’aperçoit au-delà d’un délai de 15 jours qu’elle a mal apprécié sa situation, elle ne peut corriger le tir ! Ce parce que ses ordinateurs ne le permettent pas. « C’est une entrave au droit de recours, tacle le rapport du médiateur, déguisée derrière le verrouillage d’une manipulation informatique. » Or une radiation, fût-ce d’un mois, peut avoir des conséquences surdimensionnées, si elle compromet par exemple le droit du chômeur à percevoir un droit à l’ASS, l’allocation spécifique de solidarité.

Les travailleurs de nationalité étrangère sont également en situation périlleuse, à chaque fois qu’ils doivent solliciter auprès des préfectures le renouvellement de leur permis de séjour. Car ces administrations, souvent débordées, se contentent dans un premier temps, de leur fournir un simple récépissé de leur demande. Mais ce document n’est pas reconnu par France Travail, qui peut alors décider de sucrer l’ARE de ces chômeurs nés en dehors de l’Union Européenne, le temps qu’ils présentent leur nouveau permis de séjour.

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Ces ping-pongs entre administrations, trop fréquents, peuvent donc fragiliser des milliers de précaires. L’année 2025 apportera-t-elle des améliorations ? À voir.

Depuis le 18 décembre 2023 en effet, la loi Plein-Emploi prévoit que les allocataires au RSA, soient également inscrits à France Travail. Le médiateur Jean-Louis Walter a donc suivi avec grand intérêt la phase d’expérimentation de cette réforme qui produit certains résultats encourageants. Cependant, il s’inquiète déjà de sa phase de généralisation : « L’offre d’un accompagnement personnalisé risque en effet de se heurter à une demande forte qu’il sera difficile de satisfaire avec des moyens constants », prévient-il.

Cet avertissement doit résonner aux oreilles de la ministre du Travail : Astrid Panosyan-Bouvet s’apprête en effet, contre l’avis des syndicats – CFDT en tête, à publier des décrets, qui pourraient priver les allocataires au RSA ne respectant pas leur contrat d’engagement, de 30 à 100 % de ce minimum vital.


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