Deuxième arbitre comptant le plus de matchs dans l’histoire de la Liga, Eduardo Iturralde revient pour RMC Sport sur les tensions qui entourent l’arbitrage en Espagne et en France. Il dresse un portrait élogieux de l’arbitrage français.
Il est l’une des références de l’arbitrage espagnol. Après 17 ans en Liga et 291 matchs de championnat, Eduardo Iturralde est devenu un incontournable du paysage médiatique espagnol. On l’écoute sur la Cadena Ser, le lit dans AS, et à l’heure où l’arbitrage espagnol est en crise, il est l’une des voix qui portent. Deuxième arbitre le plus capé de l’histoire de la Liga, et ex-arbitre de Ligue des champions, il livre son regard sur les tensions en Espagne, et dresse un portrait élogieux de l’arbitrage français.
RMC Sport: Comment expliquez-vous les polémiques incessantes autour de l’arbitrage en Espagne?
Eduardo Iturralde: On nous a vendu la VAR comme si ça allait mettre fin à toute controverse. La VAR est arrivée et il y a eu encore plus de polémiques. Les gens ne comprennent plus pourquoi certaines décisions sont prises. Avant, ils pouvaient comprendre parce qu’il n’y avait pas de vidéo. Je ne pense pas qu’il y ait tant d’erreurs flagrantes, mais maintenant on regarde le football au ralenti, avec 17 replays… la vérité c’est que le football est en mouvement et très rapide.
Ces dernières semaines, il y a une pression immense sur les arbitres espagnols, particulièrement lors des matchs du Barça et du Real Madrid…
Maintenant, avec les réseaux sociaux, tout a été amplifié. Nous nous retranchons dans notre propre tranchée pour dire: “Voilà ma vérité. Et ma vérité est celle qui compte.” Mais la plupart des décisions dans le football sont libres à interprétation. Je pense que le sport est le reflet de ce qui se passe dans la société. Il n’y a plus de bon sens aujourd’hui. C’est l’un ou l’autre. Et c’est la pire chose qui puisse vous arriver au football.
En Espagne, on parle beaucoup de la communication du Real Madrid envers l’arbitrage, et notamment son utilisation de Real Madrid TV.
Ils n’ont pas de honte. C’est contraire à l’éthique. Tout ce qui est dit est une volonté du club. Ces messages émanent du club et non de la télévision. La seule chose qu’ils font, c’est rendre l’atmosphère plus tendue et créer plus de violence dans le monde du football. Regardez à quel point les vidéos de RMTV sont sectaires. Elles ne montrent que les vidéos des erreurs contre eux, elles ne montrent pas les vidéos des erreurs en leur faveur. Les arbitres ne commettent des erreurs que contre Madrid? Ils ne se sont jamais trompés en faveur du Real? Ces vidéos sont sectaires et ne servent à rien. C’est une question de respect, de savoir qu’on n’aura pas toujours raison.
Aujourd’hui dans le foot, les clubs, les joueurs et les entraîneurs veulent que ça leur profite, ils ne veulent pas la justice. Ne nous laissons pas berner.
En France, Paulo Fonseca, l’entraîneur de Lyon, a écopé de 9 mois de suspension après une altercation avec un arbitre. C’est la seule solution pour que les arbitres soient davantage respectés?
Je pense que la solution, c’est l’éducation plutôt que la répression. Les sanctions, il faut qu’il y en ait, parce qu’il faut toujours qu’il y ait de l’ordre dans la vie. Mais je pense que c’est plutôt l’éducation sportive qui nous manque. Pourquoi il n’y a-t-il pas ces problèmes dans le rugby? C’est une question de respect, de joueurs et de mentalité. L’arbitre de rugby fait des erreurs aussi. Pourquoi ces controverses n’arrivent que dans le football? Parce que le football a encore des comportements du passé. Le football est sexiste, le football est rétrograde. On dirait que ce sont des sauvages qui jouent, et il n’y a aucun respect pour quoi que ce soit.
Si on écoute les gens en Espagne, on pourrait croire que les arbitres espagnols sont les pires du monde. Mais en France, les supporters disent la même chose à propos des arbitres français.
En France, comment pouvez-vous vous plaindre de ce que vous avez? François Letexier est le meilleur arbitre des dernières Ligues des champions, et de loin! Clément Turpin a atteint un niveau stratosphérique depuis trois ou quatre ans. Et il y a Stéphanie Frappart aussi. Le niveau des arbitres en France est excellent.
La Ligue 1 est compliquée à arbitrer, parce que le style de jeu est très rude. En Espagne il y a moins de contacts, c’est plus facile d’arbitrer qu’en France.
Pensez-vous que l’arbitrage français est l’un des meilleurs d’Europe?
Oui! Que se passe-t-il avec l’arbitrage français? Le truc c’est que la France a peu de grands clubs, donc c’est comme quand on dit que la Ligue 1 n’est que le 5e ou 6e championnat d’Europe, il manque de trophées européens pour que le foot français soit valorisé à sa juste valeur.
L’arbitrage espagnol a des choses à tirer de l’arbitrage français?
C’est difficile de comparer, car l’arbitrage français est bon pour la France parce qu’il connaît les particularités du joueur français, parce qu’il connaît la société française. Et puis les arbitres ne sifflent pas de la même façon en championnat qu’en Ligue des champions. Dans les grands matchs, généralement, il n’y a pas de gros problèmes parce que les joueurs savent que le monde entier regarde et se comportent différemment. Donc si c’est arbitré différemment, c’est aussi parce que les joueurs se comportent différemment. Au niveau européen on accepte davantage les erreurs qu’au niveau national.