Dans le paysage des signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO), la Spécialité traditionnelle garantie (STG) fait figure de petit poucet. Sur les 1196 produits labellisés (hors bio) par l’INAO* en France, lesquels représentaient en 2022 près de 34 milliards d’euros de chiffre d’affaires, seuls 6 relèvent de ce signe qui garantit à l’échelle européenne une recette traditionnelle, là où règnent en maître le Label Rouge, avec 427 produits, et les différentes Appellations d’origine contrôlée (AOP) qui en regroupent 475. Parmi eux, les moules de Bouchot, première STG française labellisée en 2013, le Berthoud, spécialité savoyarde à base de fromage, ou encore le bœuf traditionnel de race normande, candidat depuis 2022 et bientôt rejoint par le Pan Bagnat niçois.
Patrimoine culinaire
Tel est en effet l’objectif de la Métropole Nice Côte d’Azur qui a annoncé début mai le lancement officiel de la démarche de labellisation européenne de cette spécialité niçoise, volontiers qualifiée de « patrimoine culinaire », en tant que STG. « Il s’agit de reconnaître et de protéger la recette du Pan Bagnat traditionnel et donc d’interdire l’utilisation du nom à des produits non conformes qui, à chaque fois, font bondir les Niçois attachés à leur tradition », explique Magali Altounian, adjointe aux Affaires européennes de la collectivité azuréenne. Une façon aussi de valoriser un savoir-faire local, même si le signe est décorrélé de tout ancrage géographique. « Il n’en reste pas moins un vecteur d’attractivité pour les artisans et restaurateurs locaux et de promotion pour le territoire », complète-t-elle. En Europe, 66 produits disposent à ce jour de cette protection, à l’image de la pizza napolitaine et de la mozzarella en Italie, du jambon Serrano en Espagne ou encore de la bière vieille gueuze en Belgique.
Ce projet est porté par le Centre Europe Direct de Nice et l’office de tourisme métropolitain. Charge à eux de regrouper au sein d’un organisme de défense et de gestion (ODG) les associations et professionnels en lien avec le produit qui définiront le cahier des charges, et donc la fameuse recette à protéger. Celui-ci, en cours de constitution, devrait regrouper une vingtaine d’organismes : restaurateurs, associations de défense de la cuisine niçoise, centre de formation, fédération et syndicat de producteurs. « Nous avons bon espoir de constituer ce comité de pilotage avant la rentrée pour ensuite entrer dans le dur. » A savoir, franchir les différentes étapes de labellisation, d’abord nationale, puis européenne. « Le parcours dure en moyenne 3 ans », indique-t-on au sein de l’INAO.
Une étape qui en appelle d’autres
C’est grosso-modo le temps qu’il a fallu au Groupement des mytiliculteurs sur bouchot pour obtenir, en 2013, la labellisation STG. Un label qui fédère les 330 producteurs de moules de bouchot de la façade atlantique et de la Manche, depuis Oléron jusqu’à la Normandie. La protection ici ne s’applique pas à un plat mais à un type de production des moules sur pieux. « Nous avons procédé à cette certification dans le but d’éviter toute contrefaçon et de garantir aux consommateurs un produit traditionnel dont l’histoire remonte au XIIIe siècle », souligne Benoît Durivaud, producteur et vice-président de l’ODG dédiée. Une initiative collective, « complexe mais pas compliquée », « aux multiples allers-retours », se souvient-il. Qui a également permis de mettre en place une communication commune, soutenue par l’Europe, envers les consommateurs. Par ailleurs, « cette reconnaissance de notre savoir-faire a constitué une des étapes qui ont mené à d’autres labellisations, comme celle du Label Rouge ».
A Nice aussi, on entend ne pas s’arrêter là. « C’est un point de départ, avance Magali Altounian. Nous espérons à l’avenir ouvrir à la protection d’autres produits régionaux, la salade niçoise notamment, mais aussi, pourquoi pas, le Barbajuan (sorte de raviolis fris originaires de Menton et de Monaco, NDLR), la socca, même si sa recette fait moins débat, ou encore la pissaladière ».
*Institut national de l’origine et de la qualité (ministère de l’Agriculture)