Un film documentaire qui ressemble à une majestueuse fiction ; une fiction en forme de document familial et deux moyens métrages qui, réunis, cherchent à documenter un état de la jeunesse du début des années 2020…
On évoque aujourd’hui dans « L’esprit critique » le nouveau long métrage du réalisateur espagnol Albert Serra, Tardes de Soledad ; le diptyque de Guillaume Brac, portant un double titre Ce n’est qu’un au revoir et Un pincement au cœur, et enfin le nouveau film du britannique Mike Leigh, Palme d’or pour Secrets et Mensonges (1996) et qui signe aujourd’hui Deux Sœurs.
« Tardes de Soledad »
Tardes de Soledad, un « après-midi de solitude », est le titre du nouveau film du cinéaste espagnol Albert Serra, dont nous avions évoqué l’impressionnant précédent film Pacifiction.
Ici Albert Serra suit le jeune torero péruvien Andrés Roca Rey, considéré comme l’un des plus grands du moment, et installe pour cela sa caméra en trois endroits qui ne laissent jamais voir le monde extérieur : le cœur de l’arène d’où l’on ne voit qu’en plan rapproché le combat avec le taureau sans jamais apercevoir le public ; le minibus qui emmène le torero d’un lieu à l’autre et dans lequel il trône sur un siège gravé de son initiale ; les chambres d’hôtel dans lesquelles on le voit principalement s’habiller, se déshabiller et prier.
Sans voix off ni entretien, le cinéaste parvient à faire un film total sur un sujet ultra-polarisé où chaque camp pourra sans doute se retrouver, puisque Albert Serra filme autant la violence du martyre animal que la majesté, parfois grandiose, parfois ridicule, de Roca Rey, à la fois roc et roi. Un film qui donc dépasse largement le film à thème sur le sujet.
Que devient ce qu’on peut appeler la « méthode » Albert Serra, marquée notamment par le fait qu’il tourne avec trois caméras en marche tout le temps, sans clap de début ni de fin, afin de capter chez ses acteurs et actrices des moments où ils ne sont pas en mesure de se concentrer sur la caméra quand le cinéaste aborde le documentaire ? Comment le travail ciselé du son permet-il d’entendre notamment les insultes que lancent le torero, ses picadors et banderilleros au taureau en transformant presque la tauromachie en combat de rue ?
Tardes de Soledad, le film d’Albert Serra, est sur les écrans depuis le 26 mars.
« Ce n’est qu’un au revoir » et « Un pincement au cœur »
Le réalisateur Guillaume Brac propose un diptyque. L’un tourné dans le Diois, terre d’élection des néoruraux en quête de soleil et de vie alternative dont il fait partie. L’autre filmé quelque temps auparavant à Hénin-Beaumont, dans le nord de la France. Le premier dure un peu plus d’une heure et s’intitule Ce n’est qu’un au revoir. L’autre est un moyen métrage d’un peu plus d’une demi-heure et est titré Un pincement au cœur.
Mais tous deux prennent comme sujet des adolescents et des adolescentes au moment où ils et elles s’apprêtent à quitter le lycée, pour une autre ville, une autre vie, d’autres amis et d’autres amours.
Ce n’est qu’un au revoir et Un pincement au cœur sont en salles depuis le mercredi 2 avril.
« Deux Sœurs »
Deux Sœurs est le titre du nouveau film du réalisateur britannique Mike Leigh, Palme d’or en 1996 pour Secrets et Mensonges, et dans lequel il retrouve son actrice Marianne Jean-Baptiste révélée à cette occasion.
Le titre français du film insiste sur la relation entre Pansy, la cinquantaine, et sa sœur Chantelle, aussi opposées l’une à l’autre que tendres l’une avec l’autre. Mais il ne dit pas d’emblée, contrairement au titre en VO que l’on pourrait traduire par « dures vérités », la difficulté à vivre de Pansy, une femme en colère rongée par la douleur physique et mentale qui la rend agressive avec tout le monde : son mari dépassé, son fils introverti, les clientes d’un supermarché ou encore sa dentiste.
Après un détour pas vraiment réussi par deux films historiques en costume, Mike Leigh, 82 ans aujourd’hui, revient au cinéma intime et familial qui l’avait fait connaître et place sa caméra dans quelques rues et une maison de la banlieue de Londres, un paisible quartier résidentiel où les emportements de son héroïne détonnent.
Deux Sœurs est sorti sur les écrans le 2 avril.
Avec :
- Alice Leroy, qui écrit pour les Cahiers du cinéma et Panthère Première ;
- Raphaël Nieuwjaer, qui écrit à la fois pour les Cahiers du cinéma et la revue Études.
« L’esprit critique » est un podcast enregistré et réalisé par Karen Beun.