Retarder la mort, en deviner la possibilité sur un bout d’écran ou la redouter dans les cuisines d’un grand restaurant… « L’esprit critique » de ce jour est consacré à des films qui s’inscrivent dans le genre du fantastique, voire de l’horreur.
On évoque en effet aujourd’hui Another End du réalisateur italien Piero Messina, Les Maudites, premier long métrage de l’Espagnol Pedro Martín-Calero, et les deux films que le cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa fait paraître à une semaine d’intervalle, Chime et Cloud.
« Another End »
Another End est le second long métrage du réalisateur italien Piero Messina, dans lequel il s’agit de retarder la mort, en l’occurrence celle de la femme de Sal, incarné à l’écran par Gabriel Garcia Bernal.
Celle-ci est morte brutalement dans un accident de voiture et face au deuil impossible de son mari, la sœur de Sal, incarnée par Bérénice Béjo, lui propose de recourir au service d’une nouvelle entreprise médicale et commerciale dans laquelle elle travaille, nommée Another End.
Cette société promet d’atténuer la douleur en réanimant temporairement la conscience et les souvenirs des personnes disparues en les transplantant dans des corps d’employé·es loués pour l’occasion, afin d’avoir le temps de dire adieu en profitant de quelques instants de résurrection à durée limitée et en acceptant que le visage et l’âme des défunt·es ne correspondent plus.
Dans une ambulance, c’est donc un tout autre corps qui se réveille comme après un coma, avant que Sal ne veuille à tout prix prolonger une expérience qui devait en théorie ne durer que quelques heures. Le premier film de Piero Messina, L’Attente, mettait en scène Juliette Binoche dans le rôle d’une mère qui ne pouvait se résoudre à accepter la mort de son fils et à la dévoiler à sa petite amie. C’est donc encore ici une réflexion sur le déni qui se donne à voir.
Another End, de Piero Messina, est sorti en salles mercredi 28 mai.
« Les Maudites »
« Les Maudites » en version française, « les pleurs » en version originale, est le premier long métrage de l’Espagnol Pedro Martín-Calero. Il vient de sortir sur les écrans français après une prometteuse tournée en festivals marquée notamment par le prix de la Critique au festival du film fantastique de Gérardmer.
Le film est composé autour du destin de trois femmes hantées et violentées par une même présence – un vieil homme chauve qui n’est pas sans évoquer la figure de Freddy Krueger des Griffes de la nuit. Ce spectre ne se distingue jamais à l’œil nu mais il est capté sur les images que ces trois femmes manipulent à plusieurs années de distance.
Ces trois femmes dont les vies sont reliées par une même malédiction sont Andrea, une jeune étudiante madrilène dont le petit ami est subitement assassiné par le mystérieux spectre alors qu’elle discute avec lui en visio ; sa mère biologique, nommée Marie, une Française exilée en Argentine et emprisonnée vingt ans, accusée d’avoir tué Camila, troisième protagoniste de l’histoire, une jeune étudiante en cinéma qui la filmait clandestinement et avait été la première à capturer l’inquiétante présence.
Les Maudites, premier long métrage de l’Espagnol Pedro Martín-Calero, est sorti sur les écrans mercredi 21 mai.
« Chime » et « Cloud »
Chime et Cloud, ou « carillon » et « nuage » en français, sont les titres des deux films que le Japonais Kiyoshi Kurosawa fait sortir à seulement une semaine de distance. Le premier, qui a été présenté à la Berlinale, est un moyen métrage dont le titre fait référence au bruit obsédant qu’un étudiant en cuisine entend dans sa tête, et qui peut être écouté comme le tic-tac menant au déploiement de l’horreur dans le décor d’un restaurant prestigieux élaborant de la cuisine française.
Le second est un long métrage d’un peu plus de deux heures qui a été présenté au festival de Venise 2024 et a représenté le Japon à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. L’intrigue suit Ryosuke Yoshii, un jeune homme qui arrondit ses fins de mois en vendant des produits sur Internet, au point de devenir un acteur lucratif du commerce en ligne, qui lui permet de s’installer près d’un lac avec sa compagne, mais pas d’échapper au mécontentement de la police, qui le soupçonne de pratiques frauduleuses, ni à celui de ses clients, qui contestent sa manière d’accumuler du matériel médical, des sacs à main ou des poupées de collection avant de les revendre en en gonflant artificiellement les prix.
Chime est sorti en salles le 28 mai et Cloud sera visible à partir du 4 juin.
Avec :
- Alice Leroy, qui écrit pour les Cahiers du cinéma et Panthère première ;
- Occitane Lacurie, membre du comité de rédaction de la revue de cinéma Débordements, doctorante en esthétique et études visuelles ;
- Raphaël Nieuwjaer, qui écrit aux Cahiers du cinéma et aussi pour Études.
« L’esprit critique » est un podcast enregistré par les équipes de Gong et réalisé par Karen Beun.