Ce sont trois textes que l’on peut lire comme des mises en abyme du processus de création dont « L’esprit critique » débat aujourd’hui. Le premier est un texte poétique, dans lequel un volatile humain conte et raconte ce qu’il voit à sa fenêtre, de la grande histoire à l’infiniment petit. Le second est un texte plongeant dans l’histoire et centré sur un cinéaste, passé de la guerre d’Indochine à l’industrie pornographique. Le troisième est un récit autobiographique d’une jeune mère célibataire confrontée à la difficulté de continuer de travailler et d’écrire tout en devant s’occuper d’un bébé à plein temps.
On évoque aujourd’hui Le Chant du merle humain, troisième roman de Samy Langeraert publié chez Verdier, Sarabandes X, signé Corentin Durand, que publient les éditions du Seuil, et enfin Esquilles de l’Américaine Leslie Jamison.
« Le Chant du merle humain »
Le Chant du merle humain est le titre du troisième roman de Samy Langeraert, paru comme les deux précédents, intitulés Mon temps libre et Les Deux Dormeurs, aux éditions Verdier.
Le nouveau livre de Samy Langeraert est un texte relativement bref – moins de 100 pages – et singulier. Il nous entraîne dans la parole et la narration à la fois subjective et collective d’un « merle humain » qui observe la banalité d’une journée ou l’histoire de l’humanité, les nuages, le travail ou l’amour, avec un ton oscillant entre poésie, humour et regard sur le quotidien.
« Je suis disons un merle humain, je chante, mais ça ne s’entend presque pas et donc tout est très calme et souple et la journée s’écoule. C’est une vie simple et rigoureuse, mais belle, et quand le temps a fait passer l’après-midi on voit que la journée s’achève », écrit ainsi Samy Langeraert.
« Sarabandes X »
Sarabandes X est le titre du deuxième roman, publié au Seuil, de Corentin Durand, 28 ans seulement, dont le premier roman, L’Inclinaison, avait été finaliste du prix Décembre.
C’est aussi le titre d’un film pornographique tourné par l’un des personnages principaux du livre, Paul-Bernard, qui a mis sa caméra au service de l’armée française pendant la guerre d’Indochine, avant de se lancer dans l’industrie du film X après avoir tenté de percer dans un cinéma plus politique ou cinéphilique.
Après la mort de ce personnage, son fils, Pierre, renoue avec l’actrice principale des films de son père, Marguerite, et, à travers elle, avec les décennies d’après-guerre, de la décolonisation à la libération sexuelle telles qu’elles se déroulèrent autour d’un quatuor composé de Marguerite, Paul-Bernard, Angelo et Linda.
Plusieurs époques et beaucoup de thèmes dans ce roman très librement inspiré de personnes réelles : le réalisateur Claude-Bernard Aubert, la chanteuse française Linda Williams, le chanteur Nino Ferrer ou encore l’actrice pornographique française surnommée « Patinette »…
« Esquilles »
Une esquille désigne à l’origine le fragment qui se détache d’un os fracturé. Par extension, cela peut désigner les éclats de vie de l’essayiste et romancière américaine Leslie Jamison après sa séparation d’avec le père de sa fille quand celle-ci n’est encore qu’un nourrisson.
Esquilles est donc le titre que Leslie Jamison donne à son nouveau livre publié chez Pauvert dans une traduction de Nathalie Bru et qui se présente comme des « mémoires », même si son autrice a à peine dépassé la quarantaine. Il faut dire qu’elle avait déjà publié voilà quelques années un essai autobiographique intitulé Récits de la soif dans lequel elle décrivait comment elle s’était libérée de l’emprise de l’alcool.
Un livre qu’elle évoque dans cet ouvrage-ci avec ces mots : « Je le décris généralement comme un livre sur l’alcoolisme, même si, très honnêtement, il parlait de ce dont parlent tous mes livres : du grand vide intérieur, que j’essayais de combler par l’alcool, le sexe, l’amour, la désintoxication et à présent, peut-être, la maternité. Voir le grand intérêt qu’il suscitait m’angoissait, mais aussi, comme tous ceux qui souffrent d’une addiction, j’en redemandais. »
Ces « esquilles » sont sous-titrées « un autre genre d’histoire d’amour », parce qu’il est effectivement beaucoup question de la façon dont la narratrice parvient à retrouver l’amour après l’explosion de son couple parental.
Avec :
- Youness Bousenna, qui chronique notamment l’actualité littéraire pour Télérama ;
- Rose Vidal, qui écrit notamment pour le quotidien d’idées en lignes AOC ;
- Pierre Poligone, cofondateur de Zone critique, également chargé de cours à l’université Paris III.
« L’esprit critique » est enregistré et réalisé par Karen Beun.