#MeToo théâtre a attendu quelques années pour s’inscrire dans un mouvement né initialement dans le monde du cinéma. Mais, sur les plateaux contemporains, la représentation des violences sexistes et sexuelles – et l’enjeu de montrer un continent longtemps invisibilisé – est de plus en plus présente.
Comment formuler sur scène ce qui a été longtemps empêché de s’exprimer ? Qu’est-ce que la scène théâtrale ou chorégraphique peut apporter à des thématiques qui remplissent les journaux au quotidien ?
Pour répondre à ces questions, on en discute aujourd’hui plus particulièrement à partir de trois exemples récents : Black Lights, de Mathilde Monnier, qui continue ces prochains mois une tournée déjà importante depuis 2023 ; Requin Velours, écrit et mis en scène par Gaëlle Axelbrun, et enfin Seule comme Maria, pièce conçue par Marilou Aussiloux avec Théo Askolovitch, qui était visible tout récemment au Théâtre de l’Athénée.
« Black Lights »
Black Lights est le titre de la pièce signée par la chorégraphe Mathilde Monnier, qui a dirigé le Centre chorégraphique national de Montpellier (à partir de 1994), puis le Centre national de la danse à Pantin (de 2014 à 2019).
La pièce, créée à Montpellier Danse puis présentée au Festival d’Avignon en 2023, n’a cessé de tourner depuis lors. Elle est inspirée de la série H24 imaginée et réalisée par Valérie Urrea et Nathalie Masduraud pour Arte : une série de vingt-quatre courts métrages – chacun incarnant une heure de la journée d’une femme soumise à des violences patriarcales systémiques –, une série elle-même fondée sur vingt-quatre textes signés par vingt-quatre écrivaines venant de onze pays différents et livrant chacune un monologue narrant une histoire de violences sexistes ou sexuelles subies par une femme.
Sur scène, huit danseuses et comédiennes parlent, se contorsionnent et se déplacent au milieu de onze formes minérales incarnant les onze textes retenus par Mathilde Monnier, qui vont du harcèlement de rue au féminicide.
Black Lights était en tournée tout ce début d’année à Dunkerque, Strasbourg, Angers, Aix ou Bobigny, et sera bientôt visible à Vannes, Bordeaux, Bagneux et La Roche-sur-Yon.
« Requin Velours »
Requin velours est le titre de la pièce écrite et mise en scène par Gaëlle Axelbrun pour trois comédiennes, Amandine Grousson, Cécile Mourier et Mécistée Rhea. Un jour d’été, Roxane est victime d’un viol. Le soir même, elle rencontre Joy et Kenza, les « Loubardes », qui deviennent ses amies. Elles lui permettent de se réparer, non par une résilience convenue mais en devenant travailleuse du sexe pour faire « payer les hommes » dans tous les sens du terme, en donnant corps à la sororité et à l’amour lesbien, et en se transformant en ce requin qui donne son titre à la pièce.
Requin Velours était visible au mois de février au Théâtre ouvert, à Paris, et sera bientôt à Lyon et à Tours.
« Seule comme Maria »
Seule comme Maria est un seule en scène conçu par Marilou Aussilloux et Théo Askolovitch, et interprétée par celle qui en signe à la fois l’écriture et la mise en scène.
Une jeune actrice s’y présente en pleine conception d’un spectacle sur la comédienne Maria Schneider, décédée à l’âge de 58 ans en 2011, dont la vie et la carrière furent broyées par la scène du Dernier Tango à Paris dans laquelle Marlon Brando – âgé de 48 ans alors qu’elle n’en avait que 19 –, en accord avec le cinéaste Bernardo Bertolucci, avait simulé un viol par sodomie, sans que la jeune actrice ait été informée de cette scène. Un film qui a été récemment pris à partie après que la Cinémathèque l’eut programmé en refusant de l’accompagner des mises en perspective réclamées par certains collectifs féministes.
En proposant aux spectateurs et spectatrices une fausse répétition ouverte, un work in progress destiné à préparer le « vrai » spectacle, Marilou Aussilloux joue avec les codes du théâtre, incarnant parfois Maria S. ou brisant le quatrième mur pour s’adresser directement, en complicité, au public.
Seule comme Maria était visible pendant les trois premières semaines du mois de mars au Théâtre de l’Athénée, à Paris, et devrait tourner bientôt dans plusieurs théâtres partout en France.
Avec :
- Zineb Soulaimani, que vous pouvez lire dans la revue Mouvement, Le Quotidien de l’art, et dont vous pouvez aussi écouter le podcast « Le Beau Bizarre » ;
- Caroline Châtelet, qui écrit pour Sceneweb et le trimestriel Théâtre ;
- Vincent Bouquet, dont vous pouvez retrouver la plume sur Sceneweb.
« L’esprit critique » est enregistré par les équipes de Gong et réalisé par Karen Beun et Samuel Hirsch.