Encore un propos du vice-président des États-Unis qui ne passe pas du tout inaperçu. Dans un entretien accordé lundi au média britannique UnHerd, retranscrit dans un article de l’écrivain irano-américain Sohrab Ahmari, JD Vance déclare que Charles de Gaulle « reconnaissait, comme je le reconnais, qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Europe qu’elle soit un vassal sécuritaire permanent des États-Unis ».
Bien que défendant l’indépendance de la France face à l’allié américain, l’ancien président de la République n’a pas prôné de protectionnisme sécuritaire ou économique, au sens où l’administration Trump l’entend. Tout au plus, en 1966, a-t-il pris la décision de retirer la France du commandement militaire intégré de l’Otan pour préserver l’autonomie militaire française face aux États-Unis. Cette démarche se manifesta par le refus d’incorporer la force de dissuasion nucléaire française dans l’Alliance, le rejet de toute supervision externe sur les forces armées nationales, ainsi que l’exigence du départ des troupes étrangères du sol français. Pourtant, la France demeura toujours membre de l’Alliance atlantique et continua de participer activement à ses instances politiques.
Un surprenant ton amical envers l’Europe
Le plus surprenant dans cet entretien du journal en ligne, connu pour son positionnement conservateur, est la relative sympathie qu’exprime JD Vance vis-à-vis de l’Europe : « Nous considérons l’Europe comme notre alliée. Nous souhaitons simplement une alliance où les Européens seront un peu plus indépendants, et nos relations en matière de sécurité et de commerce vont le refléter. »
Un ton qui contraste clairement avec celui de son discours mi-février à la Conférence de Munich sur la sécurité. Le numéro deux de la Maison-Blanche avait sermonné les dirigeants européens en affirmant qu’ils ne luttaient pas assez contre l’immigration, et que la liberté d’expression était « en retrait » sur le Vieux Continent.
Dans cette première grande interview dans un média européen, le vice-président américain se dit à plusieurs reprises attaché au Vieux Continent. « On ne peut pas séparer la culture européenne de la culture américaine » ; « J’aime l’Europe » ; « Nous adorons l’Allemagne », « Le président aime vraiment le Royaume-Uni », peut-on lire.
Ancien vétéran de la guerre en Irak, JD Vance va même jusqu’à déclarer que « de nombreux pays européens avaient eu raison au sujet de l’invasion américaine de l’Irak ». Un certain nombre d’entre eux, la France en tête, s’était opposé à une intervention militaire dans ce pays du Proche-Orient, à l’époque dirigé d’une main de fer par Saddam Hussein.
Des critiques qui reviennent à la charge
Mais le vice-président des États-Unis revient assez vite à la charge sur certains fondamentaux de la politique étrangère de Donald Trump. Reprenant l’exemple de l’Irak, le dirigeant affirme qu’une Europe plus forte en 2003, aurait pu éviter « le désastre stratégique » de cette guerre.
Et d’enfoncer le clou en élargissant son propos à la situation défensive de l’Europe : « La réalité est que – c’est brutal à dire mais c’est vrai – toue l’infrastructure de sécurité européenne a été, depuis ma naissance, subventionnée par les États-Unis d’Amérique. » À l’exception de la France, du Royaume-Uni et de la Pologne, selon lui, « la plupart des États européens ne disposent pas d’une armée capable d’assurer une défense raisonnable ».
Des mots qui font écho à ceux prononcés début mars, où il avait déclaré que pour l’Ukraine, conclure un accord économique avec les États-Unis serait « une meilleure garantie de sécurité que 20 000 soldats d’un pays quelconque qui n’a pas mené de guerre depuis 30 ou 40 ans ». Cette déclaration avait en outre suscité une véritable bronca chez les chancelleries européennes.
Et JD Vance de réinsister : « Ce n’est pas bon pour l’Europe, et ce n’est pas dans l’intérêt de l’Amérique, que l’Europe soit un vassal permanent des États-Unis en termes de sécurité. »
Le vice-président a longtemps été un admirateur de l’Europe. Il a exprimé cette fascination notamment dans son livre Hillbilly Elegy publié en 2016, dans lequel il mentionne le fait que « visiter l’Angleterre était un rêve d’enfance ». Mais son entrée en politique, avec son élection au Sénat américain en 2022, a marqué un tournant vers l’euroscepticisme, et il estime désormais que « l’Amérique devrait s’occuper de ses propres citoyens avant de s’attaquer aux problèmes mondiaux ».
Préparer le terrain pour un accord commercial avec l’UE ?
Cette interview est publiée trois semaines après l’affaire du « Signalgate », qui avait révélé au monde des échanges, censés être secret-défense, entre JD Vance, plusieurs ministres et de hauts cadres de la défense américaine. Dans cette série de messages, l’animosité du vice-président envers le « parasitisme » européen était apparue au grand jour.
Par ailleurs, depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump somme les Européens de dépenser plus pour assurer leur propre défense. À plusieurs reprises, le président américain a vivement critiqué l’Union européenne, qu’il accuse notamment de mener une politique commerciale inéquitable envers les États-Unis. Raison pour laquelle le dirigeant républicain a imposé une salve de droits de douane réciproque à l’Union européenne (à hauteur de 20 %), finalement suspendu pour 90 jours. Pour de nombreux experts, ce gel est une manière d’ouvrir une négociation avec l’UE avec d’obtenir un nouvel accord commercial bilatéral avec les États-Unis.
D’ailleurs, dans son interview à UnHerd, JD Vance évoque les négociations entre Londres et Washington pour conclure un accord économique bilatéral. Il estime que celles-ci ont « de bonnes chances » d’aboutir à un « excellent accord qui soit dans le meilleur intérêt des deux pays ». Une manière de préparer le terrain pour les prochaines discussions entre les États-Unis et l’UE ? La question est posée.
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