Depuis la crise du Covid, la parole politique s’est militarisée. À gauche comme à droite, les dirigeants adoptent une posture de chef de guerre, mêlant virilité, autorité et grandiloquence. Un langage martial qui tente de combler le vide du pouvoir réel. Comment l’expliquer ?
Mars 2020. Emmanuel Macron, visage grave, martèle six fois en dix minutes la même sentence : « Nous sommes en guerre. » Un virus invisible, un peuple assigné, une nation au garde-à-vous. Cette scène inaugure une ère nouvelle : celle du discours d’exception. Depuis, la parole politique s’est rigidifiée comme si elle compensait par le ton ce qu’elle perdait en puissance réelle. Le chef n’est plus arbitre : il est stratège et rempart.
Une épidémie de mots durs
Fini les prudences technos, les langues de coton et les petits mots calibrés. Désormais, on parle comme on se bat. Il faut « tenir la ligne », « faire la guerre aux délinquants », « réarmer l’État » : le vocabulaire politique s’est militarisé. À droite, à gauche la parole s’habille en treillis. Le chef, le père, le soldat : trois figures qui reviennent hanter le débat, portées par une rhétorique qui ne cherche plus à convaincre mais à commander. Ce virilisme n’est pas un simple effet de style : est-ce pour autant une manière d’habiter le pouvoir, une réponse instinctive à la perte d’autorité publique ? Un langage de chef, pensé pour rassurer quand tout vacille ?