Créer un organisme pour regrouper les commandes d’armement de l’Europe. Voilà l’un des thèmes de la réunion des ministres des Finances de l’Union européenne ce samedi. Ces derniers discutent actuellement de la création d’un Mécanisme européen de défense (EDM), un organisme supranational qui centraliserait l’achat d’armes et les mettrait à disposition des pays européens participants en échange d’une contribution. « C’est un bon point de départ pour la discussion », a estimé le ministre portugais des Finances, Joaquim Miranda Sarmento.
Cette proposition d’inspiration britannique a été soumise aux Vingt-Sept par le groupe de réflexion économique Bruegel, basé à Bruxelles, dans le but de permettre aux pays européens de financer leur effort de réarmement sans avoir à trop lourdement s’endetter, sur fond de désengagement des États-Unis sur le continent. Dans ce contexte, plusieurs pays membres de l’UE se sont dits intéressés par la mise en place d’un tel mécanisme, dont l’architecture rappelle celle du Mécanisme européen de stabilité mis en place pendant la crise de la zone euro.
Un plan de réarmement de 800 milliards d’euros
L’UE met les bouchées doubles sur le réarmement. La Commission européenne a notamment dévoilé un plan de 800 milliards d’euros sur quatre ans dans cette optique. Elle s’est aussi dite prête à assouplir les règles budgétaires imposées aux États, en excluant les dépenses militaires du calcul du déficit budgétaire, et à lancer un emprunt commun de 150 milliards d’euros.
Mais cet engagement ne résout pas le problème de financement des pays très endettés, qui verraient leur dette s’alourdir davantage même si leur déficit reste dans les clous.
L’idée d’un fonds intergouvernemental a donc fait son chemin pour acquérir certains armements qui pourraient bénéficier à la sécurité de l’ensemble des pays participants, comme des missiles ou des systèmes de satellites militaires. Cet EDM serait doté d’un capital propre important, ce qui lui permettrait d’emprunter sur les marchés. Il pourrait en outre être ouvert à des pays extérieurs à l’UE qui partagent la même préoccupation face à la menace d’une attaque de la Russie, comme le Royaume-Uni, l’Ukraine et la Norvège. L’EDM étant propriétaire des équipements qu’il achèterait, la dette contractée pour les payer serait inscrite dans les comptes de l’EDM, plutôt que dans les comptes nationaux.
Mieux financer le réarmement
Un tel mécanisme favoriserait en outre l’émergence d’un marché européen de la défense, ce qui pourrait permettre de réduire les coûts et de mettre en commun les ressources des États participants.
De plus, à l’heure actuelle, le marché européen de l’armement est très fragmenté, avec par exemple pas moins de sept types de chars d’assaut ou de véhicules de combat d’infanterie, ce qui réduit l’interopérabilité entre les armées européennes et empêche des économies d’échelle. L’EDM pourrait dans un premier temps concentrer ses efforts sur des armements ou infrastructures stratégiques nécessaires au bon fonctionnement des armées, pour lesquels l’Europe est à l’heure actuelle très dépendante des États-Unis. Il s’agit notamment de systèmes de commandement et de contrôle interarmées, du renseignement et de la communication par satellite, du développement de nouveaux systèmes coûteux comme les avions de chasse de cinquième ou sixième génération, des systèmes de défense aérienne ou encore des missiles servant à la dissuasion nucléaire.
Selon le document du groupe Bruegel, l’UE ne pourra réduire sa dépendance militaire à l’égard des États-Unis d’ici 2030 que si elle fait des achats en commun et crée un marché européen de la défense qui réintégrerait le Royaume-Uni, acteur industriel majeur du secteur.
(Avec Reuters)
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