Lutte contre le narcotrafic : qu’est-ce que le statut de “repenti” italien qui pourrait inspirer la France ?

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Lutte contre le narcotrafic : qu’est-ce que le statut de “repenti” italien qui pourrait inspirer la France ?





















Ce 17 mars 2025, les députés de l’Assemblée nationale examinaient le projet de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
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Ce 17 mars, les députés de l’Assemblée nationale examinaient le projet de loi visant à lutter contre le narcotrafic en France. Le texte prévoit une évolution du système de « repenti » déjà envisagée par Éric Dupond-Moretti en 2024, alors ministre de la Justice. Cette réforme est inspirée par l’exemple italien. Qu’est-ce que le statut de repenti ? Que comprend ce texte ? Décryptage.

Ce 17 mars, les députés se sont penchés en séance publique sur la proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic en France. Parmi les nombreuses mesures portées au débat, se trouve celle de la refonte du système dit des « repentis » sur le modèle italien. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux entre 2020 et 2024, avait déjà envisagé une telle évolution dans un entretien accordé à La Tribune en avril dernier. Cette proposition de loi, portée par le Parti socialiste et Les Républicains (LR), a été adoptée à l’unanimité en première lecture au Sénat début février. Le texte entend compléter l’arsenal répressif contre le trafic de drogues par – notamment – l’amendement de ce statut de repenti. Mais de quoi s’agit-il ? Quels changements sont envisagés ? Faisons le point.

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Ce statut a été créé dès 2004 par la loi Perben II sous le nom de « collaborateur de justice », mais son décret d’application n’a été publié qu’en 2014. Une note à destination du Sénat de juin 2003 intitulée « Les repentis face à la justice pénale » les définit comme « les personnes qui, ayant participé à des activités criminelles, acceptent de coopérer avec les autorités judiciaires ou policières et obtiennent différents avantages en échange de leur collaboration ».

Qu’est-ce que le système de repenti actuel en France ?

Concrètement, la législation actuelle permet au concerné d’obtenir une « nouvelle identité » (comprendre un nom d’emprunt), une protection policière, une aide financière ainsi que des réductions de peines en échange d’informations. Cette protection est étendue, si besoin, aux proches de l’intéressé. À ce jour, 42 personnes (et leur entourage) ont bénéficié d’un tel système.

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Le champ d’application du statut de repenti a entraîné de nombreux débats lors de l’examen en première lecture de la loi le 4 février. En effet, celui-ci ne s’applique pas aux crimes de sang. Raison pour laquelle Claude Chossat par exemple, repenti de la mafia corse, jugé fin janvier à Marseille pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un assassinat, n’a pas bénéficié de cette protection.

Par ailleurs, ses conditions d’application sont jugées très strictes. Marc Sommerer, magistrat à la tête de la Commission nationale de protection et de réinsertion instaurée par la loi Perben II, a été auditionné par la commission d’enquête sénatoriale en 2024. Il est revenu, à cette occasion, sur les difficultés d’application d’une telle procédure : « Il faut que l’infraction n’ait pas été réalisée, que cette non-réalisation soit le fait du signalement à la justice, et que ce signalement permette d’en identifier les auteurs ou les complices. »

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D’autre part, d’après Public Sénat, les informations transmises par le concerné doivent « permettre de faire cesser les agissements et d’identifier les autres coupables ». Face à tous ces obstacles, Éric Dupond-Moretti dénonçait dans La Tribune une législation « beaucoup trop restrictive ». En réponse, il proposait de « créer un véritable statut du repenti ». Il défendait un changement d’état civil « officiel et définitif » et une réduction de peine en échange de « déclarations sincères, complètes et déterminantes pour démanteler des réseaux criminels ». En raison de l’instabilité politique liée à la dissolution de l’Assemblée nationale en juillet dernier, ses propositions n’avaient pas abouti à l’époque.

Qu’est-ce que le statut de repenti en Italie ?

En Italie, les premières dispositions législatives relatives au statut de repenti datent de 1978. Elles ont été marquées par le cas de Tommaso Buscetta, membre de l’organisation criminelle sicilienne Costra Nostra. Ses révélations auprès du juge Giovanni Falcone avaient entraîné le procès de Palerme qui avait abouti à la condamnation de plus de 300 personnes pour des crimes liées à la mafia en 1987. La dernière loi en vigueur, amendée à plusieurs reprises, date de 2001. Bien qu’appliquée en majorité dans les cas d’association mafieuse, celle-ci s’étend aux infractions terroristes, d’association de trafic de stupéfiants ou encore d’enlèvement à des fins d’extorsion.

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Ainsi, dans le cas d’association mafieuse, ce statut s’applique à un individu en échange d’informations sur son clan considérées comme « utiles et nouvelles ». Comme le rappelait le site spécialisé le Club des juristes en mai dernier, l’intéressé doit par ailleurs « accepter de reconnaître les crimes et délits ». En contrepartie, il bénéficie de la protection de l’État, d’un changement d’état civil étendu à sa famille, d’une réduction de peine (ne peut être au-dessous d’un quart de la sentence prévue), voire de conditions de détention plus avantageuses.

Concernant son application, un accord est établi entre le repenti et le procureur précisant les déclarations fournies et les contreparties. La loi prévoit un délai strict de 180 jours entre l’expression par l’individu de son intention de coopérer et la conclusion de cet accord. À l’heure actuelle, ce système de protection concerne environ 6 500 personnes, soit 1 277 collaborateurs et 4 915 proches.

Quelle forme est envisagée en France ?

Le texte discuté à l’Assemblée nationale ce 17 mars prévoit une signature d’une « convention » entre le ministre de la Justice et le repenti à la suite d’une décision judiciaire motivée. Cet accord listerait les infractions concernées et les obligations à respecter mais aussi les mesures de protection et de réinsertion.

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Les contreparties seront conditionnées à des révélations permettant « d’éviter la réalisation de l’infraction », « de mettre fin à sa commission ou sa préparation », « d’en limiter les dommages » ou encore d’en « identifier les auteurs ou complices ». En échange, une réduction de peine – voire une exemption dans certains cas – serait accordée, ainsi qu’une protection de l’identité de l’intéressé et de sa famille, toujours par l’octroi d’un nom d’emprunt. Enfin, dans le cas où les informations divulguées permettraient d’identifier « un grand nombre d’autres auteurs ou de complices » ou d’empêcher une infraction « d’une particulière gravité », une immunité totale des poursuites serait requise.

Ce texte prévoit également des garanties. En cas de fausses déclarations, d’infraction ou de violation de l’un des engagements pris dans le cadre de la convention, le texte précise que l’immunité prendrait « fin de droit ». Les sénateurs devront également trancher sur une disposition qui ne fait pas l’unanimité, à savoir l’extension du statut de repenti aux crimes de sang. Ce qui pourrait influencer grandement l’applicabilité de ce statut.


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