Coup de théâtre mardi sur la place parisienne. Le groupe de luxe français Hermès, célèbre à travers le monde pour ses carrés de soie et ses iconiques sacs Kelly et Birkin, s’est hissé à la première place des capitalisations boursières du CAC 40, l’indice vedette de la Bourse de Paris. Il a ainsi ravi le fauteuil à son rival français et numéro un mondial du luxe LVMH, qui l’occupait sans discontinuer depuis le 3 mai 2017, après avoir détrôné Total (devenu depuis TotalEnergies).
La valorisation d’Hermès a atteint 248,60 milliards d’euros en clôture de séance, contre 244,39 milliards d’euros pour celle de LVMH. Le propulsant par à la troisième place des capitalisations boursières européennes, derrière l’éditeur allemand de logiciels SAP et le géant pharmaceutique danois Novo Nordisk. La maison française est également devenue la société de luxe la plus valorisée en Bourse au monde.
Émeric Blond, gérant de portefeuille chez Tailor AM, revient pour La Tribune sur ce qui a conduit le « petit » Hermès – tout de même 15,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires au compteur – à renverser le colosse LVMH (84,7 milliards d’euros).
La Tribune – Comment expliquer cette montée en puissance d’Hermès en Bourse ?
Émeric Blond – C’est davantage la faiblesse des autres acteurs qui, en relatif, a permis à Hermès de s’exprimer en première capitalisation boursière dans le luxe et détrôner LVMH. À l’image de LVMH, qui a plusieurs typologies de produits (spiritueux, horlogerie, maroquinerie…) dont certains segments marchent bien et d’autres beaucoup moins. Mais cela vient aussi de l’identité premium qu’Hermès a continué à entretenir, là où LVMH est un tout petit peu plus accessible. Et, par nature, l’ultra luxe est toujours plus résilient. On le voit sur des marchés un peu difficiles, comme la Chine par exemple. Si LVMH arrive à y défendre sa dynamique commerciale, Hermès y parvient davantage.
Outre Hermès, quels autres acteurs profitent d’un contexte favorable ?
En Europe, il y a Brunello Cucinelli et Ferrari, deux acteurs italiens. Le premier est positionné dans les vêtements ultraluxe et le second dans les voitures ultraluxe. On peut parler d’une forme de résilience de ces trois acteurs au vu de leur capacité à fixer les prix, à conserver des marges élevées, à maintenir une image de marque et une dynamique commerciale même à des moments où l’économie ralentit. On voit une vraie différence en termes de valorisation pour eux, comparé à LVMH, Kering ou encore Richmond.
Quels risques les droits de douane américains font-ils peser sur Hermès ?
On pourrait penser qu’il va en pâtir, mais la typologie de clients qui consomment des produits Hermès est fidèle et ne va pas être échaudée par une augmentation des prix. Ils n’ont absolument pas peur de payer 10 % ou 20 % de plus sur leur produit. La preuve avec Ferrari, qui a augmenté ses prix de 10 % avant même que l’évocation de surtaxes douanières.
Mais, quand on parle de barrières tarifaires, d’échanges ralentis entre l’Europe et le reste du monde, certains investisseurs ont l’impression que même les acteurs comme Hermès vont en souffrir. C’est une question de perception et c’est ce qui va, de manière un peu irréfléchie, les faire baisser en Bourse. Même si on sait qu’au moment des publications de résultats, on constatera qu’il n’y aura eu aucun dommage.
Quid de LVMH ?
LVMH étant un peu moins premium qu’Hermès, je pense que les impacts liés à la question des guerres commerciales et des barrières tarifaires seront plus forts. D’une part, car la perception des investisseurs est qu’un acteur de ce type a moins de capacités à augmenter ses prix pour compenser cette situation. À cela s’ajoute le fait que LVMH regroupe de nombreuses marques, notamment des alcools, de la cosmétique, etc. Autant de produits qui souffrent assez facilement des contextes de guerre tarifaire et qui sont en première ligne quand le commerce international ralentit un peu.
À lire également
Agathe Perrier