Emmanuel Macron est arrivé ce mercredi matin à Madagascar en compagnie de son épouse. Sur le tarmac de l’aéroport d’Ivato, récemment construit par la société française ADP, le couple s’est présenté sur un tapis rouge bordé d’une foule d’enfants aux chapeaux de raphia. 80 % de la production mondiale de raphia est malgache.
Cette fibre, reconnue pour son bon compromis entre souplesse et solidité, est issue de feuilles gigantesques d’une espèce de palmier pouvant atteindre jusqu’à 20 mètres de haut. Au cours des quatre dernières années, les importations européennes de cette matière depuis Madagascar ont augmenté de 20 %. Pourtant, la production reste majoritairement artisanale.
Un difficile espace agricole commun
Côté malgache, la production agricole est un des enjeux majeurs de cette visite d’État d’Emmanuel Macron. Le président Andry Rajoelina a assuré que « plusieurs protocoles d’accords dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation, de l’énergie et des infrastructures » devraient être signés au cours de cette rencontre. À Antananarivo on espère créer un espace agricole commun au sein de la Commission de l’océan Indien. Sujet délicat puisque la Réunion — intégrée dans l’UE — est membre de la Commission aux côtés des Comores, des Seychelles, de Maurice et de Madagascar.
Dans ce dernier pays, l’agriculture continue de contribuer à hauteur d’un quart du PIB et l’essentiel de la production est vivrière, signe d’une économie peu développée et où les terres les plus fertiles sont vendues à des groupes étrangers. L’affaire Daewoo en est l’exemple le plus marquant : en 2007, contre 6 milliards d’euros sur 20 ans, le gouvernement malgache a vendu 1,3 million d’hectares de terrain — l’équivalent de la Belgique — à l’entreprise coréenne Daewoo. Aujourd’hui, alors que de nombreux entrepreneurs français de tous secteurs accompagnent le président, les Malgaches ne veulent pas reproduire leurs erreurs préférant « le co-investissement ».
L’énergie au cœur de la visite
C’est dans le secteur énergétique que le co-investissement est attendu et qu’un contrat devrait être signé. EDF devrait intégrer le consortium opérant le barrage de Volobe aux côtés de la société énergétique malgache Jirama. Ce projet estimé à 600 millions d’ euros — l’Union européenne a déjà investi 20 millions l’an dernier — est attendu depuis plus de 20 ans à Madagascar. Mais les appels d’offres successifs et la corruption importante au sein de la Jirama ont retardé la réalisation pourtant essentielle de cette installation qui devrait produire 40 % de la consommation de l’île.
Sur place, seuls 36 % des habitants ont accès à l’électricité contre 50 % en moyenne en Afrique. Difficile avec un tel réseau de consolider l’économie nationale. Mais la construction du barrage ne résoudra pas à elle seule le mal qui ronge l’un des 44 pays les moins avancés au monde.
Pour le Fonds monétaire international, le préalable à la réalisation des projets énergétiques à Madagascar est une réforme de la Jirama. Actuellement, l’entreprise vend son électricité 15 centimes de moins qu’elle ne l’achète, obligeant l’État à dépenser 250 millions d’euros chaque année pour la renflouer, soit 10 % de son budget. Rien n’assure donc que la Jirama aura la capacité d’acheter l’électricité du futur barrage si son prix est trop élevé.
Dette et souveraineté
Outre l’énergie, Antananarivo a évoqué, en amont de l’arrivée d’Emmanuel Macron, de possibles négociations sur un effacement de la dette malgache, sans plus de détails. Dans un pays où la pauvreté touche 75 % de la population, la venue du président français et d’une vingtaine de chefs d’entreprise est vécu comme une réelle opportunité. Une occasion d’investissement ( énergie, infrastructures, télécoms, agriculture etc.) mais aussi une chance de renégociation (dette, souveraineté de certains territoires dans l’Océan indien).
Alors que le chef d’État français sort d’un passage express à la Réunion, critiqué pour son absence de solutions aux préoccupations locales, la visite d’État à Madagascar, hautement économique, ne devra pas se résumer à une succession de symboles.
Julien Gouesmat