“Malgré l’urgence des enjeux, la défense de la laïcité en Outre-mer reste peu soutenue par les pouvoirs publics”

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“Malgré l’urgence des enjeux, la défense de la laïcité en Outre-mer reste peu soutenue par les pouvoirs publics”




















Manuel Valls, ministre des Outre-mer.
Edouard Monfrais-Albertini / Hans Lucas via AFP

Tribune

Par Association L’Essentiel d’Outre-Mer et d’Ailleurs (E.O.M.A)

Publié le

Les départements d’Outre-mer souffrent souvent d’un déficit de laïcité, explique dans une tribune l’Association L’Essentiel d’outre-mer et d’ailleurs (E.O.M.A), engagée sur ce sujet dans ces territoires.

La laïcité, principe fondamental de la République, fait l’objet de débats et d’attaques constants. Si ces tensions sont particulièrement visibles en France hexagonale, elles prennent une dimension encore plus complexe en Outre-mer, où coexiste une diversité de croyances, d’histoires et de rapports à l’espace public.

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Pourtant, la défense et la promotion de la laïcité dans ces territoires restent largement sous-estimées et sous-investies par les pouvoirs publics.

Un principe républicain mis à l’épreuve en Outre-mer

La loi du 9 décembre 1905 dite de séparation des Églises et de l’État, qui fête ses 120 ans en cette année 2025, concerne la France hexagonale (sauf l’Alsace-Moselle) et depuis la loi du 6 février 1911 (remaniée jusqu’en 1913), cinq départements d’Outre-mer : la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ces territoires ultramarins présentent une relation singulière à la laïcité, marquée par l’héritage colonial, la forte influence des institutions religieuses et des spécificités culturelles locales.

Ces spécificités de ces territoires ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec la laïcité, car les diverses religions cohabitent dans une relative tranquillité mais elles posent, cela dit, des défis particuliers. Comment garantir un cadre républicain neutre et protecteur pour tous dans les territoires concernés par la loi du 9 décembre 1905 en Outre-Mer (place de la femme, discriminations LGBT+, …) ? Comment sensibiliser la jeunesse à la séparation des sphères politique et religieuse sans heurter des traditions ancrées ?

L’école, un front majeur

L’école, rempart fondamental de la laïcité, est confrontée à de nombreuses difficultés en Outre-mer :

• Des contestations de cours en raison de croyances religieuses ;

• Une discrétion des enseignants quant aux remontées des manquements éventuels au principe de laïcité. Il est en effet difficile, selon nos recherches, d’avoir des chiffres exacts sur ce point.

Dans certains territoires, des revendications identitaires ou communautaires viennent percuter l’enseignement des principes républicains, affaiblissant la transmission de la laïcité comme valeur commune qui sépare le citoyen de la religion, en le laissant libre de son choix de croyance ou de non-croyance. À ce niveau une prise en compte réelle des besoins de ces territoires aiderait somme toute à une cohésion plus manifeste quant aux attentes de l’état.

Agir pour une laïcité vivante et inclusive

La promotion de la laïcité en Outre-mer ne peut se résumer à des rappels à la loi. Elle exige un travail de terrain, une pédagogie adaptée et des actions concrètes. Combien de générations n’ont pas eu accès à ce principe en profondeur, du point de vue scolaire ? Il est impératif, de fait, de :

• Multiplier les interventions dans les écoles et les centres de formation ;

• Renforcer la formation des enseignants et des acteurs associatifs sur la laïcité ;

• Créer des espaces de dialogue pour déconstruire les idées reçues et clarifier les principes de la loi de 1905.

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C’est dans cette dynamique que des initiatives ont vu le jour, permettant d’aborder la laïcité de manière pédagogique et accessible. En organisant des conférences, des débats et des masterclass, ces actions offrent des clés de compréhension essentielles aux jeunes et aux éducateurs. La transmission des valeurs républicaines passe aussi par des événements nationaux et locaux qui permettent d’analyser les défis contemporains et d’outiller les citoyens face aux pressions et aux incompréhensions qui fragilisent l’application de la laïcité.

Un appel à l’engagement des institutions

Parmi ces initiatives, l’association L’Essentiel d’outre-mer et d’ailleurs (E.O.M.A), portée par l’initiative de son président fondateur honoraire David Andrew et avec le soutien de la présidente Agnès-Nelly Hippom-Blombou et le reste du bureau, joue un rôle majeur en menant des actions concrètes sur le terrain, malgré un manque criant de soutien institutionnel. Elle œuvre pour la sensibilisation des jeunes, la formation des enseignants et l’organisation de débats et masterclass dédiés à la laïcité en France hexagonale et dans les Outre-Mer, avec une approche pédagogique accessible à tous, notamment à la jeunesse, cible clef.

Malgré l’urgence de ces enjeux, la défense de la laïcité en Outre-mer reste peu soutenue par les pouvoirs publics. Les associations, qui portent ce combat sur le terrain, peinent à obtenir les moyens nécessaires à leurs actions. Certaines d’entre elles doivent compter sur l’engagement personnel de leurs membres pour financer des projets pourtant essentiels. Ce manque de soutien met en péril la pérennité de nombreuses initiatives pourtant cruciales.

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Il est indispensable que l’État et les collectivités locales prennent la pleine mesure du défi et soutiennent réellement les initiatives en faveur de la laïcité. Car défendre la laïcité en Outre-mer, c’est affirmer une République indivisible, qui protège tous ses citoyens, dans le respect de leurs diversités. Il est temps que ce combat soit reconnu comme une priorité nationale.

Il est urgent de cesser d’ignorer les signaux d’alerte : lorsque la laïcité est fragilisée, c’est toute la cohésion sociale qui vacille. Laisser ce combat à la seule volonté de quelques acteurs engagés est une erreur qui pourrait coûter cher à la démocratie dans un futur proche. Répondre à ce défi n’est pas une option, mais une nécessité impérieuse pour l’avenir de la République.


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