Isabelle Souriment / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Foire aux questions
Par Alice Le Jan
Publié le
Donald Trump a mis à exécution la hausse tarifaire annoncée : un seuil de 10 % pour l’ensemble des produits importés sur son territoire, ponctué d’une surtaxe, définie au cas par cas, pour les partenaires considérés comme hostiles. Pour l’Union européenne, la note s’élève à 20 %. Quelles seront les conséquences pour les consommateurs ? « Marianne » fait le point et répond à vos questions.
Donald Trump, le « tariff man », a tenu sa promesse : un seuil de 10 % de hausse tarifaire pour l’ensemble des produits importés sur son territoire ponctué d’une surtaxe, définie au cas par cas, pour les partenaires considérés comme hostiles. Pour l’Union européenne, la note s’élève à 20 %. Pour certains secteurs, la note est encore plus salée. C’est le cas de l’industrie de l’automobile, de l’acier et de l’aluminium qui subissent depuis le 12 mars des droits de douane de 25 %. Vous vous posez des questions sur les conséquences de telles hausses ? Les journalistes de Marianne vous proposent d’y répondre en les posant dans ce formulaire.
Votre question : Les productions françaises, fabriquées aux États-Unis seront-elles taxées ?
Réponse : Pour commencer, rappelons la place des entreprises françaises aux États-Unis. Selon les données du Bureau of Economic Analysis (BEA), les investissements directs français aux États-Unis s’élevaient à 370 milliards de dollars (soit environ 335 milliards d’euros) en 2023. Soit 6,9 % des investissements réalisés par des pays étrangers dans ce pays. La France se classe ainsi en cinquième position et se démarque dans des secteurs de pointe comme la défense, la sécurité, la santé, la biométrie et la technologie.
Ce qui s’est traduit, à la suite de l’investiture de Donald Trump en début d’année 2025 par des annonces d’investissements conséquents de la part d’entrepreneurs français. À titre d’exemple, Rodolphe Saadé, directeur général de l’entreprise de transporteur maritime CMA-CGM, réalisant 25 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis, a communiqué sur son projet d’y investir 20 milliards de dollars. La société Pernod Ricard a, d’autre part, annoncé investir 238 millions d’euros (250 millions de dollars) sur cinq ans pour la construction dans le comté de Marion (Kentucky) d’une distillerie pour sa marque Jefferson’s Bourbon. Pour autant, une vague d’incertitude et d’attentisme est observée de la part de ces entreprises à la suite des annonces faites lors du « Liberation day ».
Lieux de production
À la question posée en préambule, Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management, répond pour Marianne : « Les produits ne sont pas liés à des marques mais à des lieux de production. Donc, les produits Stellantis [par exemple], ne seront pas taxés s’ils sont produits aux États-Unis mais ceux produits au Mexique ou en Europe le seront. »
Concernant l’entreprise Stellantis, elle est, pour rappel, spécialisée dans la fabrication automobile. Elle est implantée, en partie, sur le sol américain (notamment dans le Michigan, l’Indiana et l’Ohio) bien que 40 % de ses ventes aux États-Unis soient issues d’usines présentes au Mexique et au Canada. Une proportion que son président exécutif, John Elkann, a annoncé vouloir inverser. Ce dernier a, en effet, annoncé avoir un projet d’investissement de 5 milliards de dollars en faveur de ses usines américaines, à la suite de l’investiture de Trump, ainsi que l’arrêt de plusieurs sites de production présents au Canada et au Mexique, ce 3 avril.
Coûts des importations
Les productions françaises issues d’usines implantées aux États-Unis ne seront pas taxées, donc. Vu sous cet angle, les entreprises pourraient avoir intérêt à délocaliser leur usine sur le sol américain. Pour autant, ces mêmes entreprises ne seront pas exemptes de hausse de coût, comme l’explique au journal Le Point Vincent Rebeyrol, professeur au sein de la Toulouse School of Economics interrogé ce 7 avril : « Si des entreprises se relocalisent aux États-Unis, leurs importations vont aussi leur coûter plus cher, avec par ailleurs une nouvelle incertitude économique et politique très forte. »
Pour reprendre l’exemple de l’entreprise Stellantis, Johannes Boehm, professeur du département économique de la Geneva Graduate Institute, à Genève, détaille pour Marianne : « Si Stellantis devait importer des pièces automobiles depuis la France vers les États-Unis, ces pièces seraient soumises aux nouveaux droits de douane, et ce, indépendamment du fait que Stellantis dispose ou non de sites de production sur le sol américain. »
Origine du produit
Enfin, à l’heure de la mondialisation, la hausse des droits de douane par région pose une question « plus subtile » d’après Johannes Boehm : comment déterminer si un bien est « français » ou « américain » ? Le professeur interroge : « Une voiture dont le moteur est fabriqué aux États-Unis mais qui est assemblée en France sera-t-elle considérée comme française ou américaine pour déterminer le tarif applicable ? » Avant d’expliquer : « Les règles qui déterminent cela sont appelées les “Rules of Origin” [règles d’origine]. Elles sont très complexes et spécifiques à chaque type de bien. Aucun changement dans les règles d’origine appliquée par les États-Unis n’a été annoncé ces derniers jours. Je m’attends donc à ce que les nouveaux droits de douane soient appliqués selon les règles actuellement en vigueur. »
Par conséquent, à ce jour, des inconnues persistent. D’autant plus que des ripostes sont attendues à la suite de la hausse des droits de douane. « Cela signifierait que les importations en provenance des États-Unis seraient à leur tour soumises à une taxe », complète l’économiste. Autrement dit, les biens et matières premières importées par les entreprises sur le sol américain dans le but de produire seraient de nouveaux taxés.
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne