Cette nuit, plusieurs lieux de ma circonscription fréquentés par la communauté juive ont été défigurés de peinture verte. Cette terrible agression résonne avec une réalité glaçante. Dans nos rues, sur nos murs, sur les réseaux sociaux, des affiches politiques reprennent les codes visuels de la propagande antisémite des années 1930.
Et ceci alors que l’onde de choc des abominations du 7 octobre et les images insoutenables de Gaza nourrissent non seulement une émotion légitime, mais aussi un climat de violence et de confusion parfois provoquées. Dans ce contexte troublé, les discours de haine font encore recette. 80 ans après la Shoah, l’antisémitisme est toujours là, comme une lèpre qui revient quand les nations s’en croient délivrées.
L’antisémitisme, matrice de la haine
L’histoire de la gauche française est profondément liée au combat contre l’antisémitisme. Depuis l’affaire Dreyfus, ce combat structure son identité politique car il reflète un attachement à la justice sociale et à la liberté individuelle. C’est un héritage que nous devons brandir sans honte.
Ce douloureux legs nous a appris que l’antisémitisme est la matrice de la haine : la haine du Juif appelle la xénophobie, elle se propage par intolérances successives, elle est le prélude aux violences ouvertes et irrémédiables. La lutte contre l’antisémitisme est un repère pour ceux qui militent à gauche : s’en éloigner, c’est commencer à renoncer.
A ceux qui voudraient l’oublier, notre tradition universaliste est fondée sur les Lumières. Elle a une devise : liberté, égalité, fraternité. Et une boussole : la loi de 1905, qui a permis la séparation des Églises et l’État, l’émancipation des cultes et l’égalité de traitement entre tous les citoyens.
Agresser cette mémoire est une meurtrissure, une violence symbolique insupportable
Ce socle, Paris l’a incarné plus que toute autre ville, parce que son histoire a été façonnée par les meurtrissures autant que par les espérances. Ville refuge, ville mémoire. Le lien particulier des Juifs avec la capitale, qui remonte au plus haut Moyen-Âge, fut scellé à Paris, sous la Constituante, le 27 septembre 1791 : les Juifs, pour la première fois en Europe, sont devenus des citoyens.
La présence juive y est depuis vivante et centrale. Du Marais à Belleville en passant par le Sentier, elle est visible dans les lieux de culte, les écoles, les institutions culturelles ou sociales. L’action remarquable du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme aussi à l’orée du 80e anniversaire de la libération des camps fait vivre ce souvenir. Le Mémorial de la Shoah, également au cœur de ma circonscription, en incarne à la fois la mémoire et la permanence.
Et cette mémoire est diverse, comme l’est la communauté juive elle-même. Ses membres ont des trajectoires, des sensibilités, des histoires familiales différentes mais beaucoup sont attachées à leur ville et partagent aujourd’hui des préoccupations communes : vivre en sécurité, transmettre une culture, une foi, ou simplement bénéficier, comme tout citoyen, d’un cadre de vie respectueux et apaisé. Agresser cette mémoire est, pour moi, une meurtrissure, une violence symbolique insupportable.
La nécessité de la fermeté
Si l’histoire nous enseigne alors nous savons que les malheurs de la Nation commencent par l’antisémitisme. Les dernières semaines l’ont cruellement rappelé : les attaques antisémites ont auguré d’une série d’autres violences glaçantes, bruit et fureur de temps que l’on espérait disparus.
La fermeté face à la haine antisémite n’est pas l’ennemie de la tolérance : elle en est pour moi la condition. Comme élu de cette circonscription où ces abominables agressions viennent de se produire, je veux dire ma solidarité avec mes concitoyens qui doivent pouvoir vivre leurs vies libres et en sécurité ainsi que mon engagement à renforcer notre action collective. Face à la recrudescence des haines, à la dispersion des moyens, à l’usure des mots, une nouvelle réponse à la hauteur s’impose : structurée, lisible, continue.
Dans ce contexte, je souhaite que Paris puisse se doter d’une instance municipale dédiée à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et toutes les discriminations. Cette proposition que je formule viendra compléter l’action de la Ville et de l’État ainsi que l’engagement des maires d’arrondissement.
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Par Emmanuel Grégoire, député PS de Paris