Comment faire du référendum autre chose qu’une simple « excitation nationale » - pour reprendre les mots de Michel Rocard - au cours de laquelle les électeurs répondent à la question qu’ils auraient souhaité qu’on leur pose ? À cette interrogation, Emmanuel Macron pense avoir trouvé une réponse en proposant une consultation. Il s’agirait de solliciter les électeurs, le même jour, sur deux ou trois questions inscrites sur un bulletin unique. Mais cette idée se heurte à plusieurs obstacles.
Le premier écueil est juridique. L’article 11 de la Constitution prévoit que les Français ne sont pas consultés sur une question, mais sur un projet de loi. Par ailleurs, chaque scrutin suppose une urne et un bulletin spécifiques. L’idée avancée par le président est-elle dès lors impossible ? Pas nécessairement, mais elle impliquerait l’organisation d’une consultation ad hoc, en dehors du cadre constitutionnel.
À droit constant, il serait impossible de contraindre les communes à organiser le scrutin et de garantir un cadre contentieux sécurisé. Une loi spécifique devrait donc être adoptée pour en fixer les modalités. En tout état de cause, les résultats d’une telle consultation n’auraient aucune valeur contraignante : un « oui » exprimé ne produirait d’effets que si le législateur décidait d’en tirer les conséquences en votant une loi.
Le second problème est politique. Le chef de l’État évoque des sujets du quotidien et semble vouloir les restreindre à ceux admis par l’article 11. Pourtant, si la procédure retenue n’est pas celle prévue par la Constitution, rien n’interdit d’y inclure des thèmes comme l’immigration ou les finances publiques. Le risque est alors que les partis politiques dénoncent une consultation dépourvue de portée juridique et centrée sur des sujets secondaires.
le référendum d’initiative partagée est une usine à gaz génératrice de frustration
À l’inverse, certains thèmes pourraient s’avérer hautement sensibles. Une consultation sur l’organisation territoriale - rappelant inévitablement 1969 - risquerait de tendre les relations avec les collectivités. Elle pourrait également crisper les grands partis d’élus, comme le PS ou LR, dont le soutien est indispensable pour l’adoption du projet de loi de finances.
Ces difficultés mettent en lumière l’obsolescence du cadre actuel du référendum. Les limites de l’article 11 découlent des réticences des partis au moment de son élargissement en 1995. Elles empêchent cet outil de jouer pleinement son rôle : trancher les grandes questions qui divisent l’opinion. Mis en place en 2008, trois ans après le référendum de 2005, avec pour objectif qu’il ne soit jamais utilisé, le référendum d’initiative partagée est une usine à gaz génératrice de frustration. Si les consultations envisagées ont au moins le mérite de relancer la réflexion sur l’évolution de ces dispositifs, elles n’auront pas été totalement inutiles.
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Benjamin Morel