Le 6 mars 2025, EDF a annoncé qu’elle mettrait désormais aux enchères, au niveau européen, la production de son parc nucléaire historique, mettant ainsi brutalement fin à un an et demi de négociations avec les industriels français dans une logique de maximisation de son profit et alors même que l’industrie française subit de plein fouet les effets d’un prix de l’énergie non compétitif.
Ce choix de la direction d’EDF est incompréhensible et doit tous nous faire réagir collectivement ! Nous le savons, la réindustrialisation de la France se joue en partie sur notre capacité à décarboner notre appareil productif tout en restant compétitif. Un choix d’autant plus regrettable qu’il intervient quelques jours à peine après l’annonce d’un bénéfice record pour EDF en 2024 de 11,4 milliards d’euros, soit plus de 20 euros par MWh produit en France.
Comment accepter qu’une entreprise détenue à 100 % par l’État profite de sa position pour s’octroyer le plus grand bénéfice possible d’un parc nucléaire dont la construction a été financée par les Français ?
Comment accepter qu’une entreprise créée en 1946 comme un service public national en arrive à prendre une décision aussi radicale exposant ses clients industriels et notre tissu industriel français, porteurs de centaines de milliers d’emplois dans les territoires, à de lourdes conséquences économiques dans une géopolitique mondiale particulièrement incertaine ?
L’industrie européenne et française subit depuis 2022 et le début de la guerre en Ukraine un choc historique sur le prix de l’électricité, qui est aujourd’hui deux fois plus élevé qu’en Chine, trois fois plus élevé qu’aux États-Unis. Notre compétitivité en est lourdement grevée, ce qui se traduit déjà par des fermetures de sites industriels énergo-intensifs et par la fragilisation des filières industrielles entières, comme la sidérurgie ou la chimie, où des dizaines de milliers d’emplois ont déjà été détruits en Europe depuis 3 ans.
Comment accepter que nos investissements d’avenir puissent être remis en question par ces prix exceptionnels ? La décarbonation de l’industrie, grande consommatrice d’électricité, mais aussi les projets d’usines de batteries ou de panneaux solaires pourraient être retardés, voire suspendus à cause des prix de l’électricité trop élevés.
Dans cette crise européenne, la France a un atout, son parc nucléaire historique, largement financé par les Français. Un parc qui a permis de produire en 2024 en France près de 70% d’électricité décarbonée pour un coût économique total inférieur à 55 euros/MWh. C’est une force, c’est notre force ! Un prix qui nous permet d’être compétitifs par rapport à nos voisins européens et à la concurrence internationale mais aussi de défossiliser notre industrie et d’être un pays leader dans le développement de l’industrie verte.
En novembre 2023, l’État, en mettant en place avec EDF une nouvelle régulation du prix de l’électricité nucléaire, voulait préserver cet atout. EDF s’était alors engagée à contractualiser sous six mois avec les industries électro-intensives. En contrepartie, l’entreprise obtenait, à sa demande et pour la première fois de son histoire, la faculté de vendre librement son électricité sur les marchés pour financer ses investissements. Dans ce contexte, la récente annonce d’EDF de vendre le fruit de la rente nucléaire au plus offrant et de profiter des prix élevés de l’électricité partout en Europe pour verrouiller le marché, interroge sur les priorités d’EDF qui fait le choix du profit au détriment de la compétitivité de l’industrie française dont elle est pourtant un des fleurons.
Avec ce choix, EDF remet en cause l’idée de service public pour laquelle les salariés de l’entreprise se battent au quotidien. L’intérêt à long terme de l’entreprise même est sacrifié sur l’autel de la rentabilité à court terme, puisque le choix qui est fait détruit la demande des industriels au moment même où EDF a besoin de clients de long terme, flexibles et stables, pour engager sa transformation vers le nouveau nucléaire.
Dans un contexte international qui devrait sonner la mobilisation générale vers le renforcement de notre économie et de notre industrie, au lendemain d’un Conseil de politique nucléaire où l’État a réaffirmé le caractère stratégique de la relance du nucléaire et a organisé les prochaines grandes étapes de son déploiement en France, la décision d’EDF n’est pas acceptable.
Nous appelons le gouvernement à tout mettre en œuvre pour rétablir un dialogue constructif avec EDF et ne pas laisser une entreprise publique détenue par l’État fragiliser notre industrie.
Les négociations doivent continuer et aboutir à un accord équilibré préservant la compétitivité de l’industrie et en particulier de nos industriels électro-intensifs, tout en permettant à EDF de trouver une trajectoire financière soutenable pour préparer ses investissements futurs majeurs pour notre souveraineté énergétique.
(*) Signataires :
– Jean-Luc FUGIT, Député du Rhône, Président du Conseil Supérieur de l’Énergie
– Denise SAINT-PÉ, Sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Vice-Présidente du Conseil Supérieur de l’Énergie
– Roland LESCURE, Vice-Président de l’Assemblée nationale, Ancien Ministre de l’Industrie et de l’Énergie, Député des Français établis hors de France.
– Marie LEBEC, Ancienne Ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement, Députée des Yvelines.
– Anne GENETET, Ancienne Ministre de l’Éducation nationale, Députée des Français établis hors de France.
– Brigitte KLINKERT, Questeure de l’Assemblée nationale, Ancienne Ministre déléguée chargée de l’Insertion, Députée du Haut-Rhin.
– Marina FERRARI, Ancienne Ministre déléguée chargée du tourisme et ancienne Secrétaire d’État chargée de l’Économie du tourisme, Députée de la Savoie.
– Jean-Michel JACQUES, Président de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées, Député du Morbihan.
– Sandrine LE FEUR, Présidente de la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, Députée du Finistère.
– Martine BERTHET, Sénatrice de la Savoie.
– Anthony BROSSE, Député du Loiret.
– Daniele BRULEBOIS, Députée du Jura.
– Vincent CAURE, Député des Français établis hors de France.
– Jean-René CAZENEUVE, Député du Gers.
– François CORMIER-BOULIGEON, Député du Cher.
– Julien GOKEL, Député du Nord.
– Pierre HENRIET, Député de Vendée.
– Sébastien HUYGHE, Député du Nord.
– Jean-Marie FIEVET, Député des Deux-Sèvres.
– Jean LAUSSUCQ, Député de Paris.
– Michel LAUZZANA, Député du Lot-et-Garonne.
– Vincent LEDOUX, Député du Nord.
– Christine LE NABOUR, Députée d’Ille-et-Vilaine.
– Pauline LEVASSEUR, Députée du Pas-de-Calais.
– Delphine LINGEMANN, Députée du Puy-de-Dôme.
– Brigitte LISO, Députée du Nord.
– Christophe MARION, Député du Loir-et-Cher.
– Denis MASSÉGLIA, Député de Maine-et-Loire.
– Stéphane MAZARS, Député de l’Aveyron.
– Sophie PANONACLE, Députée de la Gironde.
– Béatrice PIRON, Députée des Yvelines.
– Natalia POUZYREFF, Députée des Yvelines.
– Anne-Sophie RONCERET, Députée des Yvelines.
– Jean-François ROUSSET, Député de l’Aveyron.
– Bertrand SORRE, Député de la Manche.
– Violette SPILLEBOUT, Députée du Nord.
– Annie VIDAL, Députée de la Seine-Maritime.
– Paul VIDAL, Sénateur du Rhône
– Corinne VIGNON, Députée de la Haute-Garonne.
– Anne-Cécile VIOLLAND, Députée de Haute-Savoie
– Stéphane VOJETTA, Député des Français établis hors de France.
Collectif (*)