Face aux périls économiques, climatiques et géopolitiques, notre réflexe bien français pourrait être de nous replier sur nous-mêmes. Mais à l’heure des crises mondialisées, ce ne sont plus les seules grandes institutions nationales qui détiennent les clés de notre résilience : ce sont les Régions. Ces “grosses PME territoriales”, souvent loin des dorures ministérielles, agissent au plus près du terrain pour inventer des solutions concrètes. Oui, une Région, c’est local, mais c’est tout sauf petit.
Les régions, piliers de la résilience nationale
Les Régions disposent de compétences clés en matière de développement économique, de formation professionnelle, de gestion des transports, d’aménagement du territoire et de transition écologique. Cette proximité avec les réalités locales leur confère une capacité d’action rapide et adaptée face aux défis globaux. Bretagne, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes : trois Régions, trois trajectoires différentes.
Une évidence s’impose : les Régions ne se contentent plus de résister, elles inventent des modèles alternatifs, plus humains, plus ancrés, plus durables. Sans rejeter le monde, elles le réinventent à l’échelle du territoire. Ni naïves ni nostalgiques, elles adaptent l’action publique aux besoins locaux et incarnent une force rare aujourd’hui : la confiance des habitants. Souples, proches du terrain, elles deviennent les tampons intelligents entre le mondial et le municipal.
Quand les Régions passent à l’action
Bretagne : un laboratoire de relocalisation – Non contente de faire les meilleures crêpes de l’univers observable, la Bretagne est devenu un véritable laboratoire de relocalisation. Face à la crise énergétique, elle n’a pas attendu Bruxelles ou Paris pour se mobiliser : investissements dans l’éolien offshore, l’hydrogène vert, circuits courts, soutien à l’agroalimentaire local. En 2023, elle a lancé AgriLocal, une plateforme qui connecte agriculteurs et cantines scolaires. Résultat : moins de CO2, plus de beurre salé dans les assiettes. De l’écologie patriotique, sans discours flippant.
Île-de-France : la diplomatie des territoires – Première région économique française, l’Île-de-France joue un rôle central dans les dynamiques mondiales. Si elle participe aux JO 2024, elle mène aussi une diplomatie territoriale active : coopération avec l’Afrique, l’Asie, l’Europe de l’Est, autour du développement durable et de l’innovation urbaine. Carrefour du tourisme, de la finance et de la recherche, elle reste un moteur international majeur.
Auvergne-Rhône-Alpes : souveraineté économique en actes – En Auvergne-Rhône-Alpes, on ne fait pas que du ski. La Région relocalise des industries stratégiques : composants électroniques, textile médical, équipements industriels. Elle a soutenu la microélectronique de Grenoble en pleine crise des semi-conducteurs, créé un Fonds souverain régional pour protéger ses entreprises, et mobilisé 1,4 milliard d’euros pour la relance énergétique en 2024. La souveraineté économique, en version concrète.
Ces trois exemples ne sont qu’un aperçu. Partout en France, les Régions innovent, expérimentent et fabriquent du solide.
Renforcer le rôle des régions pour une France plus résiliente
Alors oui, la Région n’est peut-être pas la solution à tout. Mais dans un monde de crises en chaîne, elle est sans doute la bonne échelle d’action : assez grande pour peser, assez proche pour comprendre. À la fois ligne de front contre le repli et l’impuissance, et champ d’expérimentation pour l’avenir.
Encore oui, à l’heure des crises mondialisées, ce n’est pas l’État centralisé qui détient toutes les clés. Ce sont les Régions, ces « grosses PME territoriales » qui, loin des dorures ministérielles, retroussent leurs manches pour fabriquer du concret.
Résultat : ni schizophrénie politique à l’américaine, ni dépendance au bon vouloir d’un seul entrepreneur. Ici, la transition se joue en équipe. C’est là toute la force de l’intelligence territoriale : humble, mais puissante, concrète, mais ambitieuse.
Et si la prochaine grande transformation naissait d’une alliance entre intelligence territoriale et vision partagée ? Il ne manque peut-être qu’un catalyseur pour faire converger ces énergies : les Françaises et les Français, en pleine conscience des apports d’une Région.
Dans un monde fragmenté, les Régions portent une promesse singulière : celle de réconcilier l’action avec le sens, la puissance publique avec la vie quotidienne. Elles sont devenues les lieux où l’on peut encore faire société, raconter un récit commun. Chaque récit régional est singulier territorialement, à travers une histoire, une géographie, une topographie, un bassin industriel, touristique, culturel spécifique (…) et uni fondamentalement, dans la reconnaissance positive de cette diversité. C’est le lieu où l’on expérimente sans cynisme, où l’on transforme sans brutalité. Là où l’État semble parfois trop loin et le marché trop froid, elles tracent une troisième voie : celle de l’engagement concret. Il est temps de reconnaître cette force tranquille comme un levier central de notre avenir collectif…
Oui, les fractures françaises ne se résorbent pas à coups de slogans ou de lois générales. Elles se réparent là où les regards se croisent encore, où l’on connaît les prénoms derrière les statistiques. Les Régions ont cette capacité unique : retisser du lien entre rural et urbain, innovation et inclusion, mémoire et avenir. Elles sont les passeuses d’une unité nouvelle, fondée sur le réel, pas sur les injonctions. C’est peut-être là que se joue, silencieusement, le retour du collectif.
(*) Diplômé d’HEC en coaching et de l’IAE en marketing, Eric Bonnet accompagne depuis plus de 20 ans les entreprises dans leur transformation et leur stratégie de marque. Expert en naming, rebranding et stratégie d’image, il a piloté des projets d’envergure pour des secteurs aussi sensibles que l’énergie (Areva devenu Orano), les médias ou l’industrie. Consultant et pédagogue, il intervient régulièrement dans des universités et accompagne les marques sur des enjeux complexes de positionnement et d’attractivité
Eric Bonnet