L’attachement de l’Europe à son industrie automobile est à la fois économique et émotionnel. Et cet attachement est facile à comprendre. Et d’ailleurs je le partage.
Le chiffre d’affaires généré par l’industrie automobile représente environ 4 % du PIB français et 7 % du PIB de l’UE. Environ 13,8 millions de personnes travaillent dans ce secteur à travers l’Europe, dont 3,5 millions dans la production et 4,5 millions dans la vente et la maintenance. Près de 227 000 d’entre elles travaillent en France, qui se classe juste après l’Allemagne pour le nombre d’emplois liés à l’automobile. Je mesure l’importance de ce secteur à Valenciennes, Mulhouse, Sochaux et ailleurs.
Ces chiffres soulignent son poids économique. Mais l’attachement à l’automobile est aussi sentimental.
Citroën, Peugeot, Renault, Ferrari, Porsche… Autant de noms portés par nos compatriotes, sources de fierté. L’Europe a donné naissance à des modèles iconiques. Ils font partie de notre histoire et sont reconnus dans le monde entier.
L’Europe a un glorieux passé automobile, mais son avenir est menacé. Aujourd’hui, nos constructeurs doivent faire face à des chaînes d’approvisionnement fragiles, à des coûts énergétiques élevés, à une pénurie de main-d’œuvre, à une augmentation du protectionnisme et à une dépendance excessive vis-à-vis de fournisseurs hors UE. Nous prenons du retard sur des technologies stratégiques comme les batteries, les logiciels et la conduite autonome.
Lorsqu’une industrie aussi essentielle est menacée, l’Europe réagit.
Un dialogue stratégique s’est engagé entre les représentants du secteur et la Commission européenne. Mercredi, j’ai formalisé ces discussions en présentant un plan d’action industriel pour le secteur automobile. Ce plan vise à maintenir l’innovation, la compétitivité et l’ancrage européen de nos constructeurs, équipementiers et services associés.
Ce plan repose sur cinq axes majeurs : 1) innovation et digitalisation, 2) mobilité propre, 3) compétitivité et résilience des chaînes d’approvisionnement, 4) compétences, et 5) équilibre concurrentiel.
Innovation et digitalisation
L’Europe doit reprendre le leadership dans la transition vers les véhicules connectés et autonomes propulsés par l’intelligence artificielle. Cela inclut aussi l’expérience à bord.
Les voitures autonomes incarnent l’avenir. Et cet avenir est proche. Si aucun pays n’a encore pleinement réglementé la circulation de ces voitures sur les voies publiques, la Chine et les États-Unis autorisent déjà des tests et exploitations commerciales, leur offrant une avance considérable.
Nous devons agir vite. L’un des plus grands atouts de l’UE est son marché unique, qui nous permet d’introduire une réglementation unifiée pour la conduite autonome d’ici 2026. Nous créerons au moins trois grands sites de test transfrontaliers pour observer ces véhicules en action et analyser leur impact sur le trafic. J’invite les villes moyennes à se positionner comme pionnières !
Nous réunirons aussi les acteurs européens au sein d’une Alliance européenne des véhicules connectés et autonomes, dotée d’un milliard d’euros d’investissements publics et privés pour développer des logiciels, l’intelligence embarquée et les solutions IA, y compris dans une nouvelle installation pilote de grande échelle.
Mobilité propre
Pour rester compétitifs, nos constructeurs doivent exceller dans la production de véhicules à zéro émission. Ils représentent déjà 15 % des ventes dans l’UE et finiront par dominer le marché. Mais cette transition ne doit pas pousser nos industriels à délocaliser.
Les objectifs européens en matière d’émissions de CO2 pour les nouvelles voitures et camionnettes offrent une certitude à long terme aux investisseurs. Ces objectifs sont maintenus. Mais nous devons aussi être pragmatiques en ces temps difficiles. C’est pourquoi nous donnerons aux entreprises une certaine souplesse : les émissions de 2025 seront évaluées sur les années 2025, 2026 et 2027 combinées.
La demande de véhicules électriques est au point mort. Après avoir été multipliées par six entre 2019 et 2023, les ventes dans l’UE ont chuté de 5,6 % entre 2023 et 2024 – une période qui a vu la fin de certaines incitations à l’achat et des retards dans le lancement de modèles abordables.
En janvier 2025, la part de marché des véhicules électriques a atteint 15 %, contre 10,9 % en janvier 2024. Mais ce n’est pas suffisant. Nous ciblons en priorité les flottes d’entreprises, qui représentent 60 % des immatriculations et entrent rapidement sur le marché de l’occasion.
Tout en travaillant sur une législation pour rendre les flottes d’entreprise plus écologiques, nous conseillons les États membres sur la manière dont ils peuvent utiliser les mesures fiscales pour mettre sur la route davantage de véhicules à zéro émission. Nous encourageons également les programmes de leasing pour les citoyens les moins favorisés et l’installation plus rapide de bornes de recharge.
La mobilité est un droit pour tous. Il est essentiel pour moi que personne ne soit laissé de côté dans la transition vers des véhicules plus propres.
Compétitivité et résilience des chaînes d’approvisionnement
Les batteries représentent 30 à 40 % de la valeur d’une voiture électrique. Nous devons les produire en Europe.
Nous allons débloquer 1,8 milliard d’euros au cours des deux prochaines années pour soutenir la fabrication de batteries dans l’UE. Nous étudierons la possibilité d’apporter un soutien direct aux entreprises qui produisent des batteries dans l’UE. Nous introduirons des exigences de contenu européen pour les batteries et autres composants vendus dans l’UE.
Le pacte pour une industrie propre, annoncé par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, prévoit un nouveau centre des matières premières critiques qui, dès 2026, aidera le secteur automobile à accéder à des matériaux stratégiques à moindre risque et coût réduit.
Compétences et dimension sociale
Je suis de tout cœur avec les travailleurs qui s’inquiètent pour leur emploi à Poissy, Rennes, Aulnay-sous-Bois et ailleurs. Malheureusement, il ne s’agit pas de cas isolés.
Les mutations économiques, les chocs géopolitiques et les changements de demande expliquent ces pertes. Mais notre main-d’œuvre vieillit et nous devons attirer et former des talents aux compétences numériques.
Nous mettrons en place un Observatoire de la transition équitable pour anticiper les tendances et adapter les mesures de soutien. Nous actualiserons également le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation afin qu’il soutienne les entreprises en transition et limite les licenciements.
Des conditions de concurrence équitables
La Commission continuera à travailler pour des accords de libre-échange afin d’élargir notre accès à de nouveaux marchés et de sécuriser les matériaux essentiels. Je souhaite également que les investissements étrangers dans le secteur automobile européen contribuent à la compétitivité à long terme de l’Europe et à la création d’emplois de qualité.
Un avenir doré pour l’automobile européenne
Ces actions, ainsi que de nombreuses autres décrites dans le plan d’action pour le secteur automobile, garantiront que la prochaine génération de véhicules ne sera pas seulement fabriquée en Europe, mais qu’elle sera conçue et développée en Europe, alimentée par des technologies européennes et fondée sur des valeurs européennes.
Nous réduirons les risques des chaînes de valeur et créerons de nouvelles capacités. Nous trouverons un équilibre entre la certitude à long terme et le réalisme. Et nous renforcerons le soutien politique, économique et réglementaire.
Si nous prenons les bonnes décisions dès aujourd’hui, l’avenir automobile de l’Europe sera aussi glorieux que son passé.
Apostolos Tzitzikostas