Le 9 juin 2018, alors que les chefs d’État et de gouvernement du G7 s’étaient enfin accordés sur un communiqué, Donald Trump le désavouait quelques heures plus tard. En cause : la menace de représailles canadiennes aux mesures douanières prises par les États-Unis une semaine plus tôt. Ce geste brutal, plus qu’un incident, signait l’entrée du G7 dans une ère de désunion chronique.
En tant que délégués français au Y7, le groupe d’engagement officiel du G7 envers la jeunesse, notre crainte est claire : voir Trump s’en prendre, une deuxième fois, au G7 ; et donc mettre définitivement à mal la crédibilité du Groupe à une époque où nous avons tant besoin de leadership.
Nous aimerions pouvoir être optimistes. Toutefois, dans la préparation du Sommet, le Premier ministre Mark Carney semble marcher sur les traces de son prédécesseur Justin Trudeau en ayant intériorisé l’ascendant américain au point de matérialiser cette configuration « G6 + 1″ si délétère. Chronique d’une reddition annoncée ?
Nous aimerions vraiment pouvoir être optimistes. Hélas, les Européens, sidérés par la brutalisation du système multilatéral qu’opère (l’ex ?) l’allié américain, semblent incapables de faire front commun. Dans ce climat de résignation, d’aucuns doutent qu’ils puissent tenir tête au nouvel impérialisme qui s’immisce au cœur du G7.
À Ottawa, du 5 au 9 mai, se tenait le sommet du Y7 où, avec nos homologues, nous avons préparé nos recommandations à l’attention des chefs d’État. Il y a 7 ans, à la veille du G7 de Charlevoix, nos prédécesseurs avaient un espoir : que l’intérêt des générations futures guide les leaders. Aujourd’hui, à la veille du G7 de Kananaskis, nous sommes inquiets. Reléguée au rang de minorité démographique, notre génération assiste à une confiscation de la décision politique au profit de la conservation des privilèges hérités.
Cette année, plus qu’une autre, nous attendons un G7 fort, capable de nous sortir de l’insécurité généralisée. Car notre génération est en danger.
Nous faisons d’abord face à l’insécurité géopolitique. Chaque jour, des puissances prédatrices piétinent un peu plus l’ordre international fondé sur le droit. L’impunité est devenue la norme pour les violeurs du droit international humanitaire, les auteurs de crimes de guerre, les responsables de crimes contre l’humanité. Où est le G7 pour défendre les fondamentaux de l’ordre international : du respect des frontières souveraines au respect de la dignité humaine ?
Nous sommes en insécurité économique. Sous les coups d’une guerre commerciale prête à dégénérer en guerre monétaire, le monde se fracture et les inégalités se creusent. En moins d’une génération, nous sommes passés d’une gouvernance mondiale capable de se relever de la plus grande crise financière jamais connue, à une jungle où règne un chaos digne des années 30. Face à ce désordre qui ne promet que des perdants, le G7 a-t-il renoncé à sa promesse fondatrice ? Celle qui nous avait permis de sortir par le haut des chocs pétroliers ?
Nous sommes saisis par une insécurité écologique. Face à la triple crise planétaire, celle du dérèglement climatique, de l’effondrement de la biodiversité, et de la multiplication des pollutions, nos dirigeants semblent paralysés, comme englués dans une dissonance cognitive face à l’ampleur du péril. Alors que les cent prochaines années se jouent dans les cinq à venir, où sont passés les engagements du G7 pour le climat et la nature ? À Carbis Bay en 2021, à Turin l’année dernière, les annonces se sont succédé : sortie du charbon sans capture carbone d’ici 2035, triplement de la production d’énergie renouvelable, fin du financement public international des énergies fossiles. Mais à mesure que les communiqués s’accumulent, il paraît chaque jour plus illusoire que ces engagements soient suivis d’effets. Au 10e anniversaire de l’Accord de Paris, à l’approche de la COP30 de Belém, peut-on encore parler de transition écologique quand les actes trahissent les mots, et que la solidarité internationale est sacrifiée sur l’autel du retour à la puissance ?
Nous devons enfin conjuguer avec l’insécurité numérique. L’intelligence artificielle ouvre des promesses, mais creuse des gouffres. Elle renforce l’appétit des grandes plateformes, fragilise nos démocraties, infiltre l’intime et fracture le débat public. Le G7 a bien lancé, en 2023, le processus d’Hiroshima pour encadrer l’IA sous la forme d’un code de conduite, mais sans contraintes réelles. Alors que les risques s’accélèrent, peut-on sérieusement croire qu’une gouvernance fondée sur le volontariat suffise ? Le G7 va-t-il laisser des prédateurs, entreprises privées ou puissances autoritaires, écrire seuls les règles du XXIe siècle ?
Sans emphase ni dramatisation inutile, notre génération ne demande pas de compassion, mais de la considération. Nous appelons les dirigeants du G7 à prendre clairement position en direction de celles et ceux qui, confrontés à un monde en crise, ne trouvent plus d’écho dans l’action internationale.
Car le coût du désengagement ne se résume pas à une baisse de participation électorale. C’est l’érosion silencieuse de la légitimité démocratique, abîmée par une parole politique vide de promesses non tenues. C’est l’abandon du politique aux marchands de désordre. C’est enfin l’installation d’un autoritarisme sourd qui prospère sur la lassitude, pour offrir l’ordre en lot de consolation.
Nous n’avons pas le luxe du cynisme. Nous avons grandi dans la crise, et n’avons d’autre choix que de penser l’avenir sous contraintes. Si le G7 se contente de rhétorique, alors il signe l’échec d’une génération de dirigeants à répondre à celle qui vient.
Vous pouvez compter sur nous pour porter notre voix jusqu’au prochain sommet du Y7, organisé par l’Institut Open Diplomacy dans le cadre de la présidence française du G7 en 2026. Et nous continuerons, sans relâche, à faire entendre une exigence simple : que nos dirigeants pensent enfin à notre avenir, comme nous pensons déjà à celui de nos successeurs. Parce que le G7 n’appartient pas aux héritiers d’un monde révolu, mais à celles et ceux qui auront à le reconstruire.
(*) Cette tribune est signée par les quatre membres de la délégation française au Y7 2025, désignés par l’Institut Open Diplomacy :
Nelly Gaillard — 27 ans, Isère — Cheffe de délégation — Responsable des relations institutionnelles, SNCF Gares & Connexions — Diplômée de l’EDHEC
De son passage à l’Assemblée nationale comme assistante parlementaire, Nelly a retiré la connaissance des coulisses du pouvoir. Elle pointe avec acuité le malentendu qui entoure la jeunesse dans le débat public : trop souvent « vitrine de modernité » plutôt que véritable actrice du processus législatif. Pour elle, représenter la France au Y7, c’est incarner une jeunesse crédible, informée, et politiquement pertinente.
Amélia Louiba — 23 ans, Bouches-du-Rhône — Étudiante à MBS — Alternante en Market Intelligence chez Thales (cybersécurité)
Amélia est l’une des voix les plus jeunes mais les plus lucides de la délégation. Elle met en lumière un frein majeur à l’engagement : le manque de repères. « Beaucoup veulent s’engager, mais manquent d’outils pour le faire. » Elle appelle à une meilleure diffusion des ressources, en particulier dans l’enseignement supérieur. Sa boussole : la solidarité, dans un monde qu’elle voit fracturé et anxiogène.
Miltiade Meireis — 25 ans, Val-de-MarneChargé de mission au bureau des Nations Unies en RDC — Diplômé de l’ESSEC et Columbia University
Sur le terrain en République Démocratique du Congo, Miltiade observe au quotidien les défis de la coopération internationale. Son engagement se nourrit d’un double ancrage : une formation d’excellence, et une immersion dans la complexité du multilatéralisme de terrain. Il incarne un profil rare, capable de faire le lien entre les textes et la réalité, entre New York et Kinshasa.
Dorian Revillon d’Apreval — 27 ans, Seine-Saint-Denis — Conseiller à la Direction Environnement de l’OCDE — Diplômé de Paris-Saclay et de Maastricht
C’est en 2022, en pleine guerre en Ukraine, que Dorian a vécu sa première expérience multilatérale, lors d’une assemblée de l’ONU pour l’environnement. Ce moment fondateur a ancré sa foi dans la diplomatie collective. Pour lui, changer les choses passe par une capacité rare : l’empathie stratégique — se décentrer, comprendre les autres, et créer des ponts plutôt que des murs.
Nelly Gaillard — 27 ans, Isère — Cheffe de délégation — Responsable des relations institutionnelles, SNCF Gares & Connexions — Diplômée de l’EDHEC
De son passage à l’Assemblée nationale comme assistante parlementaire, Nelly a retiré la connaissance des coulisses du pouvoir. Elle pointe avec acuité le malentendu qui entoure la jeunesse dans le débat public : trop souvent « vitrine de modernité » plutôt que véritable actrice du processus législatif. Pour elle, représenter la France au Y7, c’est incarner une jeunesse crédible, informée, et politiquement pertinente.
Amélia Louiba — 23 ans, Bouches-du-Rhône — Étudiante à MBS — Alternante en Market Intelligence chez Thales (cybersécurité)
Amélia est l’une des voix les plus jeunes mais les plus lucides de la délégation. Elle met en lumière un frein majeur à l’engagement : le manque de repères. « Beaucoup veulent s’engager, mais manquent d’outils pour le faire. » Elle appelle à une meilleure diffusion des ressources, en particulier dans l’enseignement supérieur. Sa boussole : la solidarité, dans un monde qu’elle voit fracturé et anxiogène.
Miltiade Meireis — 25 ans, Val-de-MarneChargé de mission au bureau des Nations Unies en RDC — Diplômé de l’ESSEC et Columbia University
Sur le terrain en République Démocratique du Congo, Miltiade observe au quotidien les défis de la coopération internationale. Son engagement se nourrit d’un double ancrage : une formation d’excellence, et une immersion dans la complexité du multilatéralisme de terrain. Il incarne un profil rare, capable de faire le lien entre les textes et la réalité, entre New York et Kinshasa.
Dorian Revillon d’Apreval — 27 ans, Seine-Saint-Denis — Conseiller à la Direction Environnement de l’OCDE — Diplômé de Paris-Saclay et de Maastricht
C’est en 2022, en pleine guerre en Ukraine, que Dorian a vécu sa première expérience multilatérale, lors d’une assemblée de l’ONU pour l’environnement. Ce moment fondateur a ancré sa foi dans la diplomatie collective. Pour lui, changer les choses passe par une capacité rare : l’empathie stratégique — se décentrer, comprendre les autres, et créer des ponts plutôt que des murs.
Nelly Gaillard, Amélia Louiba, Miltiade Meireis et Dorian Revillon d’Apreval