Le temps est compté : d’ici 18 mois, la France devra transposer la nouvelle Directive Eaux Résiduaires Urbaines (DERU2). Ce texte fixe un cap ambitieux pour la qualité de l’eau et l’assainissement en Europe. Protection accrue des ressources, meilleure gestion des micropolluants, nouvelles exigences en matière énergétique et surveillance épidémiologique : autant d’enjeux que cette révision intègre et qui doivent structurer notre action. Une approche plus intégrée qui place l’assainissement au cœur des transitions écologique et industrielle.
Mais alors que la transcription de cette directive dans le droit français débute, il est essentiel de poser les bonnes questions. Car cette ambition a un coût. Ces dépenses seront indispensables pour moderniser les infrastructures et améliorer la qualité des eaux rejetées, mais elles doivent être programmées avec discernement. En effet, nous savons par expérience que ces transformations demandent du temps : il a fallu 25 ans pour atteindre les objectifs de traitement de l’azote fixés par la première DERU. Aller plus loin dans la dépollution exigera un effort supplémentaire dans des installations conçues pour répondre aux normes actuelles.
Face à ces enjeux, la transposition de la DERU en droit français doit être guidée par un principe d’équilibre. Équilibre entre ambition environnementale et faisabilité technique, entre volonté d’améliorer la qualité de l’eau et soutenabilité financière pour les collectivités et les usagers. Équilibre entre les territoires, car certains acteurs ont encore du retard sur les objectifs précédents, comme le traitement de l’azote et du phosphore, tandis que d’autres ont déjà engagé la transition vers des technologies plus avancées. Il faut donc éviter une approche uniforme et il est même indispensable d’adopter une stratégie permettant de prioriser les efforts. Ces choix doivent être faits avec pragmatisme et responsabilité, en tenant compte des réalités techniques et financières des différents acteurs.
L’autre enjeu clé est l’échelonnement des investissements. Il serait irréaliste de tout exiger en même temps. Il faut une trajectoire progressive, permettant à la fois aux petites collectivités de rattraper leur retard et aux acteurs les plus avancés d’intégrer les nouvelles exigences, notamment sur le traitement des micropolluants. Ce débat est d’autant plus crucial que la question de la pollution de l’eau est au cœur des préoccupations actuelles comme en témoigne la problématique des PFAS, dont l’encadrement devient une priorité de santé publique et environnementale.
Cet impératif ne peut être dissocié des moyens financiers nécessaires pour l’atteindre. La directive introduit un premier levier avec l’application du principe pollueur-payeur, qui mettra à contribution les industriels des secteurs pharmaceutique et cosmétique pour le financement des traitements avancés. Un progrès, mais qui ne suffira pas. Il serait par ailleurs irréaliste de faire porter l’intégralité de l’effort sur la seule facture des usagers. L’État et les collectivités devront assumer leur part.
Cette nouvelle DERU met donc en lumière une réalité : sa réussite repose sur un engagement solidaire entre tous les acteurs. L’assainissement ne fonctionne pas en vase clos. La performance des traitements dépend aussi de la qualité de la collecte, de l’aménagement urbain, des choix énergétiques.
Récemment, l’idée d’une grande conférence nationale sur l’eau a été évoquée pour structurer le débat sur la gestion de la ressource. Cette initiative prend tout son sens aujourd’hui. Le moment est venu de rassembler tous les acteurs – État, collectivités, industriels, experts – pour définir une stratégie collective équilibrée. La nouvelle DERU en est le point de départ. Son ambition est la bonne, mais elle doit être mise en œuvre avec lucidité et responsabilité.
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(*) François-Marie Didier est Président du SIAAP, le service public de l’assainissement francilien, depuis septembre 2021. Il est également conseiller de Paris (LR) et conseiller à la Métropole du Grand Paris depuis 2020.
François-Marie Didier