Ce 9 mai, toute l’Europe fête, comme chaque année, sa journée. Mais cette année, l’Europe ne peut célébrer le 75e anniversaire de la déclaration Schuman comme si de rien n’était. Comme si les attaques contre nos démocraties, depuis l’Est et maintenant l’Ouest, ne mettaient pas en cause l’idéal de paix et de solidarité qui était au fondement de la construction européenne.
Outre l’impérialisme de la Russie de Poutine, l’ouragan du chaos géopolitique, économique et commercial que fait déferler Trump sur le monde doit conduire l’Europe à se renforcer pour se protéger mais surtout à assumer fièrement son modèle fondé sur la coopération entre les États et les entre les peuples, la démocratie vraiment libre, le modèle de protection sociale qu’elle a su développer, la prise de conscience – encore bien trop lente et bien trop faible certes – de l’immense enjeu du dérèglement climatique.
Ce renforcement passe bien sûr d’abord par des politiques puissantes à l’échelle européenne et des décisions fortes des États. C’est ce à quoi les forces politiques de gauche et écologistes appellent en France et dans la plupart des autres pays européens.
Mais les villes de tout le continent ont aussi un rôle à jouer, et, à mesure que les dangers géopolitiques et climatiques croissent, ce rôle doit encore se renforcer. Dans ces réseaux de villes européennes, Paris a toujours eu une place particulière par sa centralité et son histoire, par ce que notre ville porte comme valeurs et représente dans le monde entier mais aussi parce que la maire de Paris a su jouer un rôle pivot pour faire naître les coopérations utiles.
Les villes de tout le continent ont aussi un rôle à jouer, et, à mesure que les dangers géopolitiques et climatiques croissent, ce rôle doit encore se renforcer
C’est ainsi que se sont développés les politiques et les combats communs des grandes villes européennes, parfois avec, parfois face à la Commission européenne, pour mieux réguler le tourisme, combattre la pollution de l’air, agir sur le logement et notamment faire face au développement des locations de courte durée, pour partager les politiques de déplacements, pour échanger sur les bonnes pratiques en matière de végétalisation, pour travailler ensemble face au réchauffement climatique et porter la voix des territoires à Bruxelles.
Les villes doivent prendre toute leur place dans la mise en œuvre des politiques européennes, car c’est à cette échelle que progresse le plus vite l’Europe du quotidien. Faire progresser l’Europe, à l’échelle des villes, c’est aussi répondre présent quand l’essentiel est en cause. Là encore, Paris a une place particulière, et la maire de Paris a su la renforcer. C’est un mouvement qui doit se poursuivre et que nous voulons partager après 2026.
C’est ainsi que Paris a été, dès les premières heures de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, aux côtés des Ukrainiennes et des Ukrainiens, sur le plan politique bien sûr – et ça compte quand il s’agit de Paris – mais surtout par une action concrète : en accueillant les réfugiés, en soutenant les efforts humanitaires. L’élan de solidarité, c’est celui de la Ville de Paris bien sûr, c’est aussi celui des Parisiennes et des Parisiens : nous avons rarement connu une telle mobilisation, autant de dons, d’engagements bénévoles que dans ces premières semaines de février 2022.
Et cet engagement, s’il a pris d’autres formes, n’a jamais cessé. Depuis, Paris a financé des projets de reconstruction à Kyiv, notamment celui du stade Lokomotiv, a accueilli des jeunes Ukrainiens pour des vacances, a mis en valeur la culture ukrainienne dans ses théâtres, ses bibliothèques et ses musées, a vibré avec ses champions lors des jeux olympiques et paralympiques. Cet engagement est aussi politique, les échanges entre élus parisiens et de Kyiv et surtout entre la maire de Paris Anne Hidalgo et son homologue Vitali Klitschko ont permis de nouer une relation d’amitié et de coopération dense et durable.
Si le lien entre Paris et Kyiv s’est noué dans la guerre, il doit perdurer une fois la paix revenue
Ce soutien à l’indépendance de l’Ukraine, à sa vocation européenne et à la ville de Kyiv ne doit pas cesser tant que durera la guerre.
Mais surtout, si le lien entre Paris et Kyiv s’est noué dans la guerre, il doit perdurer une fois la paix revenue. Nos deux villes ont tant à apprendre l’une de l’autre.
En matière d’adaptation de nos villes au changement climatique, de révolution des modes de déplacement ou encore de travail sur l’accessibilité, Paris peut inspirer Kyiv. Quant à Paris, elle a tant à apprendre de l’incroyable résilience de Kyiv dans la plus grave des crises, de sa capacité à maintenir ses infrastructures, à mobiliser son économie et de son talent d’innovation pour tenir bon et contribuer à l’effort de toute l’Ukraine.
Mais surtout, Paris et Kyiv partagent cet esprit européen qui irrigue nos cultures et nos valeurs. Kyiv est le foyer des forces européennes et démocratiques de l’Ukraine, le centre de la révolution orange comme d’Euromaïdan, le cœur de l’innovation numérique, une scène culturelle dynamique. Cultivant un esprit d’indépendance et de liberté, Kyiv est une ville aussi indiscutablement contemporaine et européenne que Paris.
Des rives du Dniepr à celles de la Seine, des pentes de Montmartre à la descente Saint-André, de Sainte-Sophie à Notre-Dame, de la place de la République à Maïdan, nous avons tant en commun, tant à partager, tant à construire ensemble.
Alors ce lien qui unit maintenant si profondément Paris et Kyiv n’est pas un lien de guerre mais un lien d’amitié indéfectible. Notre engagement, c’est de continuer à le nourrir.
Par Rémi Féraud et Eric Lejoindre