Le 9 décembre prochain marque le 120e anniversaire de la loi de 1905, dite « loi concernant la séparation des Églises et de l’État », clef de voûte de notre République laïque. La laïcité est ce cadre qui « assure la liberté de conscience », ce droit fondamental de chaque individu à croire ou ne pas croire, qui « garantit le libre exercice des cultes », comme l’assigne la loi de 1905, mais aussi, il n’est pas inutile de le rappeler, les « multiples formes de non croyance, d’incroyance, ou d’indifférence », comme l’écrit Catherine Kintzler.
La laïcité, c’est l’émancipation des individus, qui, adultes, pourront choisir leurs options philosophiques et spirituelles en citoyens éclairés, grâce notamment à l’école, laïque, publique, obligatoire, gratuite et sanctuarisée, loin des « querelles des hommes », la seule École libre.
Edgar Quinet disait : « L’instituteur laïque intervenant dans l’église y fait entrer l’hérésie. Le prêtre intervenant dans l’école y fait entrer la servitude ». Que fallait-il faire ? Les séparer. C’est ce qu’a fait la loi du 9 décembre 1905 : elle proclame un État séparé des Églises, un État dont les lois considèrent chacun de manière égale, sans différentiation au motif de ses opinions spirituelles, ni de ses origines ou tout autre particularité.
Une laïcité menacée ?
Si l’époque est au renouveau du combat laïque, c’est que l’heure est grave. Dans les années à venir, c’est le principe même de laïcité et in fine de liberté de conscience, qui pourraient être menacés. Cette crainte n’est pas sans fondement. Partout, nous voyons à l’œuvre des intégrismes religieux qui veulent imposer leur « loi de Dieu » à la place des lois des hommes.
Partout, des courants politiques, soutenus par des forces financières puissantes qui agissent avec les outils médiatiques, numériques dont ils ont le contrôle, promeuvent leur idéologie, celle des anti-lumières. Le recul de droits acquis par les peuples au cours de leur histoire, au prix de longs combats, ce recul n’est plus un risque : il est une réalité.
Regardons ce qu’il se passe aux États-Unis : comment en quelques semaines, la destruction planifiée de l’État de droit, la stigmatisation des individus selon leurs origines, leurs orientations sexuelles ou leur genre, sont devenues des réalités qui nous sidèrent. Regardons la remise en cause de la neutralité des fonctionnaires, de l’indépendance de la justice, de la liberté de certains enseignements : finira-t-on par brûler des livres là-aussi ?
Regardez en Orient, le peu de temps qu’il faut à des théocraties pour installer méthodiquement des mesures qui emmurent la moitié de l’humanité, les femmes, leur interdisant de parler et d’être vues.
Regardez en Europe, comment des régimes illibéraux ont méthodiquement fait régresser la liberté de la presse, l’indépendance de la justice, les droits des individus, et comment les Églises sont à la manœuvre contre le droit des femmes à disposer de leur corps, de tous à choisir sa vie et même sa mort.
Un appel à combattre pour la laïcité
Henri Caillavet nous rappelait que ce combat de la fin de vie est bien un combat républicain, celui de la liberté de disposer de sa fin, de l’égalité face à ce choix, de la fraternité qui fait obligation de porter assistance à celui qui en appelle à sa dignité. Et c’est donc un combat laïque car c’est celui d’une société civile qui choisit son destin, émancipée des injonctions des religieux.
Voilà pourquoi la loi de 1905, synonyme d’émancipation, sera attaquée. Elle sera dévoyée par ses faux-amis, elle sera affaiblie par des reculs jurisprudentiels, elle sera piétinée par des mouvements qui en réalité la haïssent comme ils haïssent la République.
Car derrière la laïcité, c’est bien à la République qu’ils s’attaquent, à ses principes universalistes et humanistes. Nous le réaffirmons ici, la France c’est la République, la République c’est la France, et la Laïcité, c’est la République. C’est pourquoi nous, Francs-Maçons et Francs-Maçonnes du Grand Orient de France ou d’autres obédiences adogmatiques, considérons que ce combat pour la laïcité est le nôtre.
Pour défendre cet acquis indispensable d’une République démocratique, universaliste et humaniste, il est nécessaire de prendre toutes les mesures, les plus hautes, pour protéger la liberté de conscience, fondement de la laïcité, de défendre la séparation des Églises et de l’État, partout. C’est le moment de réclamer la constitutionnalisation des principes énumérés dans les articles 1 et 2 de la loi de 1905. Ainsi le principe de laïcité pleinement rattaché à celui de liberté de conscience sera protégé.
Une pétition lancée par le Grand Orient de France
Pourquoi aurait-on procédé à la constitutionnalisation du droit à l’IVG si les droits fondamentaux étaient si sécurisés dans ce pays ? C’est bien que des forces agissent contre des droits qui semblaient acquis.
Le Grand Orient de France agira, lui aussi. Il portera haut et fort, partout sur le territoire français, auprès des élus comme des citoyens, cette revendication de constitutionnalisation. Ainsi, depuis quelques jours, un appel a été lancé à tous les républicains laïques à se joindre à nous pour soutenir cette demande et à signer une pétition présente sur le site change.org.
La maçonnerie libérale et adogmatique, est fille des Lumières, sœur de la République, et gardienne de la laïcité. Aujourd’hui encore son idéal est l’accomplissement de cette magnifique promesse qui nous engage et nous oblige : promesse que tous les Hommes et Femmes, sans distinction d’aucune sorte, pourront un jour, dans le respect mutuel, exercer dans la lumière leur liberté absolue de conscience.
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Par Nicolas Penin