« Vous êtes la moyenne des cinq personnes que vous fréquentez le plus. ».
Cette phrase, popularisée par l’entrepreneur Jim Rohn, rappelle combien notre entourage influence nos façons de penser et d’agir. En entreprise, ce sont nos collègues, nos managers, nos partenaires quotidiens qui façonnent notre intelligence collective. Désormais, une nouvelle présence entre dans ce cercle : l’IA. Un assistant toujours disponible, capable de formuler, suggérer, éclairer. Mais surtout, au-delà de l’usage individuel, émergent des IA pensées pour le collectif : des agents intelligents qui observent, conseillent, proposent.
Pas un remplacement, une élévation
Ce n’est pas une simple évolution d’outils. Ce qui l’IA transforme, c’est notre rapport au savoir, à la décision, à l’apprentissage, à la progression. Elle agit en profondeur les dynamiques d’équipe. L’IA collective devient un sparring-partner : non pas un remplaçant, mais un challenger. Un miroir, parfois, qui révèle nos biais. Un moteur, souvent, qui nourrit nos réflexions. Une vigie, enfin, qui repère ce que l’on aurait pu manquer.
Prenons un exemple simple : une réunion client. Une scène ordinaire du quotidien en entreprise. Un consultant termine son échange avec un client, puis rédige un compte rendu dans l’outil de CRM ou de suivi de projet. Bien souvent, ce compte rendu reste lu par quelques personnes, parfois seulement par son manager. L’information circule mal, et surtout… elle n’enrichit pas vraiment le collectif.
Maintenant, imaginez qu’à cet instant, une IA entre en action. Elle lit le compte rendu, en extrait les éléments clés, identifie une problématique récurrente ou au contraire un point de satisfaction intéressant. Elle propose au consultant une piste d’amélioration, et elle pousse aussi des insights au commercial en charge du compte, pour l’aider à détecter une opportunité ou un besoin nouveau.
Ce simple compte devient alors le déclencheur d’une série d’améliorations invisibles, mais bien réelles. Tout le monde progresse, et ça, c’est un vrai levier d’intelligence collective.
Le rôle clé du DG et du DRH dans la bascule
Cette dynamique ne se met pas en place toute seule. Elle demande un cadre, une vision claire, une impulsion forte. Et c’est précisément à ce moment-là que DG et DRH ont un rôle central à jouer.
Il s’agit d’abord de donner envie, de susciter l’adhésion. De faire comprendre que l’objectif n’est pas l’automatisation à tout prix, mais l’élévation des compétences et des pratiques. Cela passe par l’exemplarité : s’équiper soi-même, assumer pleinement le recours à l’IA, et montrer que s’en faire aider n’est ni une faiblesse ni un tabou. Il faut aussi accompagner les équipes : leur apprendre à parler à une IA, à interagir avec elle, à en comprendre les limites, à structurer leur pensée pour dialoguer efficacement avec elle. Et enfin, les équiper des bons outils, pas avec les outils du moment qui font le buzz, mais en choisissant des solutions collaboratives, pensées pour le collectif et de préférence souveraines.
L’erreur serait de rester en silo
Car derrière l’enthousiasme suscité par l’IA, se cachent aussi de véritables risques. Juridiques, d’abord, lorsque les données sont utilisées sans contrôle et envoyées à l’autre bout du monde. Mais aussi des risques de surcharge cognitive si l’IA est mal intégrée, mal encadrée, ou trop dispersée.
L’enjeu, justement, est d’éviter une IA en silos, où chacun utiliserait son assistant de manière isolée. Ce serait rater le virage. Ce dont les organisations ont besoin, ce sont des IA pensées pour le collectif. Des agents intelligents qui s’inscrivent dans les dynamiques d’équipe, qui participent aux projets, aux espaces de discussion, aux processus métiers. Et cela ne relève pas de la technique seule. C’est une question de design, de conception, de culture, de vision stratégique. Et donc, de direction générale.
Le véritable saut collectif
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la prochaine grande transformation du travail. Après le télétravail, après l’agilité, voici l’ère de l’hybridation entre humain et IA. Les organisations les plus performantes de demain ne seront pas nécessairement les plus technophiles, ni les plus nombreuses, mais celles qui auront su élever leur niveau collectif. Comment ? En augmentant chaque personne, chaque groupe, grâce à des IA bien pensées et bien intégrées et réellement au service du travail.
Et si, finalement, construire l’intelligence collective augmentée, c’était apprendre à mieux fréquenter nos IA ?
(*) Innovateur en série et entrepreneur dans l’âme, Alain fonde sa première société, Arisem, à seulement 26 ans. La société est revendue 10 ans plus tard, en 2003, à Thalès, permettant à Alain de se lancer dans de nouvelles aventures entrepreneuriales. Il cofonde alors Evalimage en 2004, puis Jamespot en 2005. Il est depuis cette date président-fondateur de cette entreprise éditrice de logiciels collaboratrices en pleine croissance qui compte aujourd’hui une quarantaine de collaborateurs et dont la solution éponyme est utilisée par plus de 400.000 utilisateurs à travers le monde.
Alain Garnier