Nous sommes des féministes de plusieurs générations. Certaines d’entre nous ont milité au MLF, pour le droit à l’avortement, la loi sur le viol, le droit de disposer de nos corps ou de ne pas porter le voile. D’autres, bien avant MeToo, ont dénoncé les prédateurs, se sont battues pour rallonger le délai de prescription des crimes sexuels ou ont obtenu que le consentement ne soit pas reconnu avant 15 ans.
Pour avoir osé se dire « féministes » quand ce n’était pas encore à la mode, certaines ont enduré les railleries, pris des coups et, parfois, risqué leur vie. Nous sommes fières d’être féministes et, plus encore, de voir cette cause gagner les nouvelles générations. Mais nous voyons aussi ce combat être instrumentalisé, de façon caricaturale et sectaire.
Au nom de l’indigénisme et d’une prétendue intersectionnalité, ou par pur esprit partisan, un féminisme totalitaire tend à s’imposer et à parler au nom de toutes. Nous voulons rappeler ici qu’il existe toujours cet autre féminisme de justice et d’égalité, laïque et universaliste.
La laïcité protège l’égalité et donc la liberté des femmes. C’est pourquoi nous combattons tous les intégrismes, car tous révèlent, d’où qu’ils soient, la forme la plus pathologique du patriarcat.
Nous refusons tous les relativismes culturels, postcoloniaux ou identitaires, qui prétendent soumettre le féminisme à d’autres priorités et nous interdire de dénoncer un agresseur s’il est « racisé ». Comme nous refusons ces idéologies qui, à l’inverse, ne s’inquiètent du violeur que si celui-ci est étranger ou perçu comme tel.
La laïcité protège l’égalité et donc la liberté des femmes.
Tout oppresseur doit être condamné : le taliban qui emmure vivantes les Afghanes, le mollah ou le pasdaran qui persécute les Iraniennes, le soldat russe qui viole des Ukrainiennes, le djihadiste du Hamas qui torture et massacre des Israéliennes et asservit les Palestiniennes, l’Américain qui criminalise le droit à l’avortement, le violeur bien de chez nous…
Nous condamnons toutes les atteintes sexistes et les violences sexuelles, sans les confondre et sans renoncer à la proportionnalité des peines. Nous soutenons toutes les victimes sans pour cela renoncer à la présomption d’innocence et à l’examen des faits par la justice. Nous appelons à la doter de moyens pour qu’elle puisse être à la hauteur des drames qui lui sont exposés, les traiter avec écoute, ardeur, célérité et plus d’efficacité.
De toutes leurs forces, les femmes doivent favoriser la libération de la parole sans refuser l’État de droit ni renoncer au doute avant de décréter une condamnation publique sans appel. Le féminisme est un contre-pouvoir, pas un instrument d’oppression.
Signataires
- Caroline Fourest (directrice de Franc-Tireur)
- Agnès Jaoui (actrice et réalisatrice)
- Delphine Horvilleur (rabbine)
- Tristane Banon (éditorialiste)
- Frédérique Bredin (ancienne ministre)
- Sophie Chauveau (autrice)
- Catherine Deudon (photographe)
- Elise Goldfarb (entrepreneuse)
- Mona Jafarian (consultante et autrice)
- Liliane Kandel (sociologue et essayiste)
- Mina Kavani (actrice)
- Laura Lesueur (conférencière)
- Ariane Mnouchkine (metteuse en scène)
- Tania de Montaigne (autrice)
- Yannick Ripa (historienne)
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