Les travaux d’adaptation à la pollution aux PFAS de l’usine d’eau potable de Ternay, située à une vingtaine de kilomètres au sud de Lyon, viennent de débuter. Cette station, qui alimente 170.000 habitants en eau potable, pour environ 6 millions de mètres cubes produits chaque année, est en effet en proie à la pollution aux perfluorés du Rhône, notamment depuis la Vallée de la chimie située juste en amont, à la sortie de Lyon.
« Nous sommes les victimes de ce qu’il se passe », confirme en effet René Martinez, vice-président du Syndical Rhône Sud. Depuis 2022 et la réalisation d’études de détection des PFAS, plusieurs dépassements de la future norme européenne (100 ng/l, appliquée en 2026) ont été observés dans les robinets. Cela, malgré la présence de filtres au charbon actif dans cette usine, lancée il y a moins de dix ans, en 2017.
L’usine d’eau potable de Ternay, au sud de Lyon, alimente les robinets de 170.000 habitants.
Un traitement au charbon actif en continu
Depuis, une mesure a été mise en place avec, à l’été 2024, un premier raccordement avec la Métropole de Lyon, plus au nord, pour diluer l’eau polluée au sud. Désormais, une nouvelle brique s’ajoute : la construction d’une nouvelle unité de traitement des PFAS au charbon actif en continu, à l’intérieur de l’infrastructure existante.
« C’est la première fois qu’une collectivité passe un contrat pour la construction d’une unité de traitement de l’eau dédiée aux PFAS », relève Denis Tessier, directeur régional de Suez Eau. La technologie, développée par l’entreprise, a été brevetée en 2020 et est désormais appliquée pour la première fois aux PFAS (après avoir été utilisée pour d’autres types de pollutions, par exemple aux hydrocarbures).
Ainsi, à partir d’avril 2026, l’usine passera de six filtres à charbon conventionnels à six réacteurs « complets », ce qui permettra de renouveler en continu ces filtres, intégrés à l’infrastructure, sans arrêter l’usine. « La solution actuelle traite, mais elle exige de remplacer plus souvent les filtres [une fois tous les deux ans], complète Denis Tessier. Pour cela, il faut arrêter en partie l’usine. »
Désormais, la solution permettra de retenir un spectre d’environ 60 à 70 PFAS, soit trois fois plus que la directive européenne qui porte sur 20 molécules, explique Suez. Leurs limites : ils ne traiteront pas les plus petits PFAS dit à « chaîne courte », dont le TFA (acide trifluoroacétique), issu de la dégradation de certains pesticides ou de son utilisation par des industriels. Surtout, il est souvent retrouvé en grande quantité dans l’eau potable, et son innocuité est aujourd’hui questionnée. S’il n’est aujourd’hui pas réglementé en France, les Pays-Bas ont quant à eux fixé une valeur limite de 2.200 ng/l d’eau indique Le Monde, dans son enquête sur ces polluants.
La facture d’eau augmentera
Aujourd’hui, « il existe des solutions techniques » pour les 20 PFAS interdits en 2026, insiste Arnaud Bazire, directeur général de Suez Eau France : les filtres au charbon actif (comme ici), l’osmose inverse, plus coûteuse et qui élimine aussi les minéraux présents dans l’eau, et les résines synthétiques, éprouvées aux Etats-Unis. « Nous savons mesurer les PFAS, nous savons les traiter et enfin les éliminer ».
Dans le cas de la station de Ternay, l’investissement grimpe à 4,2 millions d’euros, soit un peu moins de la moitié du prix initial de l’usine construire il y a huit ans, pour 10 millions d’euros.
Pour le financer, le syndicat Rhône Sud a mobilisé une aide de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse à hauteur de 50%. L’établissement public d’Etat accompagne par ailleurs les territoires de Rumilly et d’Annecy (Haute-Savoie), mais aussi de Romans-sur-Isère (Drôme).
De même, la nouvelle loi sur les PFAS, adoptée en février, instaurera en janvier 2026 le principe de pollueur-payeur afin de financer ces adaptations par le biais des Agences de l’eau. Or, près de Lyon, le principal émetteur de PFAS dans l’eau par le passé, le site Arkema de Pierre-Bénite, a arrêté ses rejets en 2024, sous la coupe d’un arrêté préfectoral. Il devrait donc échapper à cette loi, dont le décret d’application tarifaire est attendu du gouvernement.
L’arrivée de directives européennes
Le coût de fonctionnement de l’usine de Ternay gonflera lui aussi entre 500.000 et 900.000 euros supplémentaires par an, en plus des 1,15 million d’euros habituels.
« Ramenés à 1 mètre cube, cela représentera entre 25 et 45 centimes en plus, soit une augmentation comprise entre 40 et 50 euros par an pour un ménage consommant 120 mètres cubes d’eau », explique René Martinez.
Charge, ensuite, à chaque syndicat de répercuter ou non ces nouveaux coûts sur les factures des usagers. Pour le président du syndicat Communay et région, « il y aura probablement une augmentation en tout ou partie », en fonction des interconnexions entre les syndicats.
Dans la Métropole de Lyon, le prix de l’eau a déjà augmenté en 2025 en vue des multiples investissements nécessaires, que ce soit sur les interconnexions pour diluer l’eau potable du sud de la métropole, ou les investissements sur les stations d’épuration. L’arrivée de la directive européenne sur l’assainissement, la DERU 2, impliquera par ailleurs de nouveaux investissements conséquents dans les prochaines années.
En France, la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau estime à 15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans d’euros le budget nécessaire pour rattraper le manque d’investissement chronique dans les stations de traitement de l’eau (amont et aval), mais aussi entre 2 et 4 autres milliards d’euros par an pour leur adaptation au changement climatique et aux problématiques de pollution.