Les chiffres de l’Insee ont de quoi frapper les esprits. En 2024, 663 000 enfants sont nés en France — 21,5 % de moins qu’en 2010 —, tandis que 646 000 personnes sont décédées — en hausse de 1,1 % par rapport à 2023. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’Hexagone a connu l’an dernier son solde naturel (+17 000) « le plus faible depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ».
Face à un tel déclin démographique et au vieillissement de la population, le modèle social tricolore, fondé sur le travail des actifs, apparaît largement menacé. Si le patronat, le Medef en tête, appelle à revoir le financement de la protection sociale — et notamment à introduire la capitalisation dans le système de retraites —, la gauche défend, elle, une autre solution.
Accueillir plus de 300 000 immigrés par an
Dans un rapport dévoilé ce lundi 12 mai, le think tank progressiste Terra Nova met en avant l’importance de la main-d’œuvre immigrée pour préserver le modèle social français. Pour maintenir le ratio de soutien démographique à son niveau actuel (aux alentours de 1,20) — « c’est-à-dire le rapport entre le nombre de personnes actives et celles qui sont inactives », précise le rapport —, les deux auteurs estiment que l’Hexagone devra accueillir environ 310 000 immigrés par an d’ici à 2040-2050. « Soit un peu moins qu’en 2022 (331 000) mais plus que la moyenne des années 2010 (245 000) », précisent-ils.
Une proposition qui paraît aujourd’hui particulièrement explosive, alors que l’immigration figure parmi les cinq premières préoccupations des Français, selon l’Observatoire de la politique nationale BVA Xsight-RTL publié le 17 avril. « La prudence commande donc, non pas d’ouvrir les frontières à tous les vents, mais de maintenir le niveau d’ouverture actuel de notre pays à l’immigration en fléchant davantage les entrées vers l’activité économique », relève le rapport.
Des travailleurs immigrés déjà en soutien de l’économie
D’après une étude de la Dares, le service statistique du ministère du Travail, les travailleurs immigrés font déjà pleinement partie du tissu économique français. Et ils sont particulièrement représentés dans quatre catégories professionnelles : employés de maison (39 %), agents de sécurité (28 %), ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment et de l’extraction (27 %) et ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment (25 %). Des métiers où l’offre d’emploi est souvent très supérieure à la demande. Mais ce n’est pas tout : les immigrés occupent aussi des emplois très qualifiés, eux aussi en tension. 21 % des médecins spécialistes chirurgicaux ont, par exemple, obtenu leur diplôme à l’étranger.
« Cette répartition montre clairement le rôle structurant des travailleurs immigrés dans l’équilibre du marché du travail français, particulièrement dans des secteurs fortement touchés par les tensions d’emploi », souligne le rapport de Terra Nova.
À ce propos, l’exemple de la période Covid est éclairant. Selon une étude du Conseil d’analyse économique, citée par Terra Nova, les métiers en tension (industrie, informatique, emploi à domicile, hôtellerie-restauration, etc.) qui emploient massivement des personnes immigrées ont souffert en 2019-2020 de la baisse de 20,5 % des titres de séjour délivrés et de près de 80 % des visas accordés. Un effondrement des flux migratoires lié à la pandémie. « Ce que montre l’étude [du CAE], c’est la rapidité de l’impact de la baisse de l’immigration sur les secteurs en tension : un an après le début du Covid, le besoin de travail venu de l’étranger était déjà évident et déséquilibrait plusieurs secteurs essentiels à l’économie française », détaille le rapport.
Ainsi, « loin d’être une source de déséquilibre sur le marché du travail ou une concurrence à l’emploi pour les travailleurs natifs, les immigrés constituent un levier essentiel d’ajustement », concluent les auteurs.
Qu’en pensent les Français ?
Les Français sont-ils prêts à accueillir sur le territoire national de nouveaux immigrés ? 55 % y sont opposés, selon une enquête menée par le Credoc, en partenariat avec Terra Nova. En revanche, 43 % se montrent favorables à l’idée, à condition de mettre en place une immigration « choisie ». Preuve que l’immigration de travail, prônée par Terra Nova, semble mieux acceptée que l’immigration familiale.
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Jean-Victor Semeraro