Depuis ce 15 avril, la Corée du Sud a rejoint la liste des pays sensibles (« sensitive countries list » ou SCL en anglais) dressée par le département américain de l’Énergie (DOE). Une décision qui ne relève pas de l’administration de Donald Trump, mais de celle de son prédécesseur, Joe Biden, et sur laquelle Séoul aimerait bien que les États-Unis reviennent, tentant ainsi de négocier avec son allié pour être retiré de cette classification. À quoi correspond cette liste, pourquoi la Corée du Sud en fait-elle partie ? La Tribune fait le point.
Qu’est-ce que cette liste ?
La liste américaine des pays sensibles désigne un groupe de pays « bénéficiant d’une attention particulière pour des raisons de politique générale lors du processus interne d’examen et d’approbation du DOE pour l’accès des ressortissants étrangers », indique le ministère américain de l’Énergie sur son site internet. Ils peuvent y figurer pour différentes raisons : de sécurité nationale, de non-prolifération nucléaire ou de soutien au terrorisme.
La Corée du Sud a été placée dans la catégorie la plus basse de la liste. Autrement dit, le pays est sous surveillance, mais n’est pas considéré comme un ennemi des États-Unis. À ses côtés se trouveraient la Chine, Taïwan, Israël, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, indique l’agence de presse britannique Reuters, se référant à un document de 2017 publié sur le site du DOE. Téhéran et Pyongyang y seraient d’ailleurs désignés comme terroristes.
Qu’est-ce que ça change pour la Corée du Sud ?
En théorie, figurer sur cette liste peut restreindre les partenariats stratégiques scientifiques du pays avec les États-Unis ou le déplacement de chercheurs sur le sol américain pour travailler sur des sujets sensibles.
Mais à en croire le DOE, la réalité est toute autre pour la Corée du Sud. « Actuellement, aucune nouvelle restriction n’est imposée à la coopération bilatérale scientifique et technologique avec la ROK [République de Corée, nom officiel de la Corée du Sud]. Le ministère de l’Énergie se réjouit de collaborer avec la ROK pour promouvoir nos intérêts mutuels », a assuré le mois dernier le porte-parole du ministère à l’agence de presse sud-coréenne Yonhap.
Il a ajouté que cette inscription « n’indique pas nécessairement une relation conflictuelle avec les États-Unis ». « De nombreux pays désignés sont ceux avec lesquels nous coopérons régulièrement sur diverses questions liées à l’énergie, à la science, à la technologie, à la lutte contre le terrorisme et à la non-prolifération », a-t-il poursuivi.
Quant aux déplacements, « l’inscription sur la liste SCL n’interdit pas non plus aux Américains ou au personnel du Département de l’Énergie des États-Unis de se rendre ou de faire des affaires avec les pays figurant sur la liste, tout comme elle n’empêche pas ces ressortissants étrangers de visiter les sites du DOE ». En résumé : « Cette inscription n’interdit pas la coopération scientifique ou technique. Ces visites et cette coopération font l’objet d’un examen interne préalable », d’après le porte-parole.
Pourquoi la Corée du Sud a été ajoutée à cette liste ?
Les raisons n’ont pas été officiellement détaillées par les États-Unis. L’information a d’ailleurs été rendue publique seulement mi-mars, soit deux mois après que la décision a été prise. Elle a été confirmée par le DOE suite à une question de Yonhap et Reuters.
L’instabilité politique en Corée du Sud depuis décembre 2024, provoquée par la destitution du président Yoon Suk Yeol suite à sa tentative d’instaurer la loi martiale, a été évoquée comme l’un des éléments déclencheurs. « Cette décision a suscité des inquiétudes quant à son impact négatif potentiel sur la coordination politique entre Séoul et Washington », indique Yohnap.
Reste que c’est surtout la position de la Corée du Sud sur le volet nucléaire qui inquiéterait les États-Unis. Bien que signataire du traité de non-prolifération des armes atomiques, le pays s’est affiché ces derniers temps ouvert à l’idée de se doter d’un tel arsenal. Le ministre sud-coréen des affaires étrangères, Cho Tae-yul, a ainsi déclaré en février que les armes nucléaires n’étaient pas « hors de question », bien qu’il soit prématuré de parler d’un tel projet, a rapporté Reuters.
« Étant donné que la situation internationale évolue dans des directions imprévisibles, il s’agit d’une réponse de principe selon laquelle nous devons nous préparer à tous les scénarios possibles », a-t-il fait valoir lors d’une audition parlementaire.
D’après Byong-Chul Lee, professeur adjoint à l’Institut d’études d’Extrême-Orient de l’université Kyungnam à Séoul, « la Corée du Sud est l’alliée des États-Unis le plus susceptible d’envisager l’acquisition de l’arme nucléaire, essentiellement parce qu’elle fait face à une Corée du Nord » nucléaire. Pour autant, l’expert voit mal comment le pays pourrait y parvenir « sans l’approbation tacite de Washington ». Autre frein : si l’idée bénéficie du soutien populaire, « les élites sud-coréennes restent méfiantes face à l’instabilité stratégique, aux réactions diplomatiques négatives et aux sanctions internationales potentielles », relève-t-il.
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Agathe Perrier