La région bordelaise serait-elle un nouvel eldorado pour les géants français et étrangers du capital-investissement ? Après l’arrivée de Meridiam sur l’extension à 100 millions d’euros du marché d’intérêt national, une filiale de Blackstone, vient de reprendre une zone d’activités de 69 000 m² au Haillan tandis que la Métropole espère aussi attirer un grand investisseur pour rénover son parc des expositions et que la ville et le port maritime souhaitent faire de même sur un ambitieux projet logistique.
« Cela montre que l’attractivité du territoire est forte et saine. Il y a encore beaucoup de projets fonciers et immobiliers qui se font malgré les contraintes liées à la loi zéro artificialisation des sols », s’enthousiasme Stéphane Delpeyrat, le vice-président de Bordeaux Métropole en charge du développement économique.
Pour la rénovation du MIN et du parc des expositions, c’est la Métropole qui est allée chercher de gros fonds privés via des sociétés d’économie mixte à opération unique (Semop) : « Cela nous évite de mobiliser trop d’argent tout de suite tout en restant propriétaire et décisionnaire du projet », précise l’élu, alors que le projet se chiffre entre 100 et 150 millions d’euros pour la rénovation et le double pour l’extension.
Un territoire jugé solide
L’investisseur apporte la mise de départ et prévoit de se rémunérer sur le long terme par la location et la vente des surfaces et activités nouvelles. « C’est le signe que ces fonds sont confiants sur la solidité économique de la région bordelaise, constate une interlocutrice au sein d’un fonds d’investissement anglo-saxon. Il y a la dynamique démographique de l’arc Atlantique mais aussi le moteur économique que constituent l’aéronautique, le spatial et la défense dans le contexte international actuel. »
C’est cette logique qui est à l’œuvre pour la relance de l’ancien site de Thales, au Haillan, non loin de l’aéroport. Le projet patinait depuis son achat par QNB, la banque nationale du Qatar, en 2021 : le promoteur Alsei n’a pas réussi à lancer les travaux faute de pré-commercialisation. Mais ce site stratégique vient d’être repris pour une centaine de millions d’euros par l’aménageur Mileway, filiale du puissant fonds Blackstone et de ses 1 000 milliards de dollars sous gestion.
« Bordeaux est un marché en forte croissance et une destination stratégique en France », salue Aymeric Canivec, le président de Mileway France, évoquant « un investissement majeur ». L’opérateur va y développer dix bâtiments de 1 600 à 13 000 m² pour des activités industrielles, artisanales et logistiques. Sans attendre la commercialisation, les travaux s’apprêtent à débuter.
Une conjoncture favorable
Mais ces différentes opérations n’attestent pas d’un appétit spécifique pour la Gironde tant elles répondent aussi à d’autres logiques exogènes. A commencer par la déconfiture historique que traversent bon nombre de promoteurs et aménageurs dans tout le pays.
« On parle là de projets de grande envergure alors même que la promotion immobilière est à la peine. Cela ouvre donc des opportunités pour les gros fonds d’investissement qui, eux, ont moins de difficulté pour se financer », tempère William Ballue, le président de l’agence de développement économique Invest in Bordeaux. D’autant que, sur le terrain, il demeure « un réel besoin de remettre à niveau bon nombre d’infrastructures des grandes métropoles régionales », complète un gestionnaire d’actifs francilien.
Dans la région, l’immobilier et le foncier restent donc des investissements sûrs et attractifs à long terme, comme peuvent l’être aussi le photovoltaïque, avec les tickets pris par le fonds australien Macquarie dans Reden Solar à Agen et par le fonds américain Carlyle dans Terapolis à Bordeaux, mais également le ferroviaire. Présent dès l’origine, Meridiam, qui gère 22 milliards de dollars d’actifs, vient ainsi de renforcer sa présence au capital de Lisea, l’exploitant de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux.
La loi ZAN bouscule le stock de projets
Et ces opérations diverses liées à des friches ou des équipements stratégiques sont d’autant plus prisées qu’elles sont appelées à se raréfier. « Les grandes opérations économiques seront de plus en plus rares avec la loi zéro artificialisation nette (ZAN), les acteurs se positionnent donc aussi en ayant ce paramètre en tête », poursuit William Ballue. « Chacun comprend la nécessité de consommer moins de foncier et de reconstruire la ville sur la ville, confirme un professionnel de l’aménagement. Il faut donc à la fois se placer sur les dernières opportunités classiques mais aussi sur les projets plus innovants. »
Le projet en gestation, sur un terrain de 35 000 m2 du Grand port maritime de Bordeaux, entre dans cette seconde catégorie. Pour cet hôtel logistique sur deux niveaux, sur lequel travaillent Meridiam et le promoteur Redman, il serait question d’un investissement de 60 millions d’euros.
Une complémentarité public-privé
Mais face à la raréfaction de l’argent public, le risque est aussi d’affaiblir la puissance publique alors même que la région bordelaise ne manque pas d’aménageurs publics. « La Semop permet effectivement au territoire de capter de la valeur mais il faut impérativement être en mesure de tenir la table face à ces grands fonds », raille l’un d’entre eux.
Pas de quoi inquiéter Stéphane Delpeyrat, le vice-président de Bordeaux Métropole : « Avec la Semop, tout est dans le contrat signé dans le cadre d’un marché public. Il y a un partage clair des propriétés et des gains futurs », rassure-t-il. Mais il y a dix ans, au moment de signer le contrat de partenariat avec Vinci et Fayat pour le Stade Matmut Atlantique, les élus de l’époque emmenés par Alain Juppé tenaient peu ou prou le même discours avant de se retrouver aujourd’hui dans une situation particulièrement acrobatique.