Magali Cohen / Hans Lucas
Disparition mystérieuse
Par Valentine Daru
Publié le
À Lisieux (Calvados), tous les exemplaires du dernier numéro du Canard Enchaîné ont mystérieusement disparu, au moment où le maire de la ville, Sébastien Leclerc (LR), est mis en cause par l’hebdomadaire satirique. Une stratégie qui n’est pas nouvelle – on se souvient que la députée-maire de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud en avait usé – dont l’efficacité questionne face à l’essor de la presse web.
Ne comptez pas mettre la main sur le numéro du 2 avril 2025 du Canard Enchaîné si vous habitez Lisieux (Calvados). Car mercredi dernier, très tôt dans la journée, les kiosques de la ville ont été pris d’assaut par une femme suspectée d’avoir acheté tous les exemplaires de l’hebdomadaire satirique, selon le quotidien régional Ouest-France.
Dans son dernier numéro, le palmipède fait état de plusieurs affaires touchant le maire de la ville, Sébastien Leclerc (LR), notamment à propos d’une affaire de « soupçons de favoritisme, de prise illégale d’intérêt et de trafic d’influence » – pour laquelle le parquet a été saisi le 14 mars – suite à l’attribution douteuse du marché public de l’éclairage de la ville (9,3 millions d’euros sur douze ans), en novembre 2022, affirme Le Canard Enchaîné. L’article honni – toujours disponible pour les abonnés sur le site de l’hebdomadaire – fait aussi état d’une bagarre lors d’un mariage célébré sur les hauteurs de la ville, en juillet 2024, à laquelle l’édile, sous emprise de l’alcool aurait participé. « La police aurait dû intervenir et conduire l’édile en cellule de dégrisement », raconte Ouest-France.
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Le maire, qui n’a pas encore commenté l’article, s’est contenté de confirmer sa participation à ce mariage. Le reste des accusations a été balayé, et le maire a affirmé avoir déposé plainte contre l’hebdomadaire. Selon un membre d’un collectif citoyen de Lisieux interrogé par Ouest-France, cette ou ces acheteuses compulsives pourraient bel et bien être en lien avec la municipalité. « Une tentative d’omerta », selon Paul Mercier, conseiller municipal d’opposition. « Cet épisode privé n’appelle pas d’autre commentaire, si ce n’est qu’il a été constaté une tentative de maintenir une omerta sur ce qui a sans doute été considéré comme très dévalorisant pour l’image de M. le maire et celle de la ville, en faisant acheter tous les exemplaires du Canard enchaîné disponibles à Lisieux avant 8 heures le 2 avril », a-t-il affirmé le 4 avril dernier.
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Vieille stratégie
C’est loin d’être la première fois que Le Canard Enchaîné expérimente pareille situation. On se souvient qu’en 2011, une affaire similaire avait touché la mairie de Puteaux. La députée-maire Joëlle Ceccaldi-Raynaud (UMP, ancien LR), avait mandaté son équipe municipale d’acheter tous les exemplaires de l’hebdomadaire satirique qui avait eu le malheur de relayer une affaire de pots-de-vin. « Dans son édition du 19 octobre, le Canard enchaîné révélait que Mme Ceccaldi-Raynaud avait été entendue en août comme témoin assisté par un juge d’instruction de Nanterre dans une enquête sur des soupçons de commissions occultes dans le cadre de l’attribution d’un marché par le syndicat intercommunal de chauffage urbain de la Défense (Sicudef) à Enerpart », raconte Le Monde.
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À l’époque, les kiosquiers avaient reconnu des personnes de la mairie. « Non seulement [la] maire de Puteaux a fait acheter la quasi-intégralité des 600 exemplaires du Canard enchaîné mis en vente mais [elle] fait régner un climat de peur sur les kiosquiers, certains d’entre eux refusant d’être réapprovisionnés en raison d’éventuelles représailles », avait affirmé Hervé Liffran, le journaliste du Canard. Une stratégie qui interroge, à l’heure où les articles sont aussi disponibles (et repris)… en ligne.
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