Le Racing Club de Strasbourg grandit plus vite que prévu et se retrouve, à six journées de la fin de saison de Ligue 1, aux portes de la Ligue des champions. Actuellement 4es du championnat, les Alsaciens reçoivent l’OGC Nice ce samedi (21h05) et enchaîneront le week-end suivant avec un déplacement à Monaco. Deux matchs capitaux pour une possible qualification en C1, 45 ans après la seule et unique participation du club. Pour les supporters du Racing, “c’est un rêve pour un club qui revient de loin”.
La plus grande grue d’Europe survole La Meinau, pour installer le toit d’un stade qui sera la rutilante vitrine d’un club en plein travaux. Les chantiers livrés à l’heure sont une rareté et ce Racing a pris de l’avance. Après deux saisons à lutter pour son maintien en Ligue 1, le virage de la jeunesse, entre joueurs prometteurs et coach novice, est une réussite. Devant la boutique du club en centre-ville de Strasbourg, les supporters ont du mal à y croire.
“Franchement, ce serait exceptionnel ! Personne ne nous voyait aussi haut et maintenant tout le championnat est choqué par notre équipe”, s’enflamme Aimé, qui tient aussi un compte Tiktok de fans, “unStrasbourgeois”. Mickael adore aussi ce parcours surprenant: “Au début, on ne savait pas à quoi s’attendre avec beaucoup de rotation dans l’équipe. L’idée était de se pérenniser en Ligue 1 et atteindre l’Europe, à la manière d’un club comme Gérone, c’est un rêve pour un club qui revient de loin.” Car on le rappelle, Strasbourg était redescendu au cinquième échelon national, amateur, au début des années 2010.
Strasbourg n’a perdu qu’un match lors des 15 dernières journées de L1
“Par rapport aux années précédentes, bien sûr que ce serait un rêve d’entendre la musique de la Ligue des champions à la Meinau”, admet Ismaël Doukouré. Le milieu de 21 ans fait figure d’ancien, avec ses trois années d’ancienneté au club. Il tempère pourtant: “Il y a six finales à jouer. C’est encore loin, il faut penser à Nice et pas à ce qu’il y a après.” Un discours instillé par le coach Liam Rosenior. L’Anglais refuse l’enflammade et ne se disperse pas.
“Je me sens normal, rien ne change. Je suis excité de jouer mais je ne suis focus que sur Nice, une équipe très athlétique, qui presse très bien. Le seul rêve, c’est de gagner et terminer le plus haut possible. Ce groupe est incroyable et croit en lui depuis le début. Concentration sur Nice donc, et faire les meilleurs entraînements possibles. Le classement, je ne le regarde qu’à la fin de la saison.” La dynamique strasbourgeoise est excellente, avec une seule défaite depuis début décembre (0-1 à Rennes) et surtout cinq victoires d’affilée depuis un mois.
“Quand on se donne à fond, on ne peut pas échouer, c’est impossible”
Grâce à cette série, le vestiaire strasbourgeois s’éclate et les nombreuses vidéos postées sur les réseaux sociaux par cette bande de gamins le confirment. Ça danse, ça vanne avec en chefs de file l’attaquant Emmanuel Emegha et le défenseur Diego Moreira. Doukouré valide l’impression: “On est tous très, très proches. C’est plus que des coéquipiers pour moi. Le club est familial, avec beaucoup de valeurs. C’est pour cela que même dans les moments difficiles, on garde la tête hors de l’eau.” A l’image de la fin de match à Reims, où le Racing a su conserver sa victoire malgré la poussée champenoise.
La confiance de Liam Rosenior en ses joueurs paraît inébranlable: “Je suis calme car je n’ai aucune peur pour les six derniers matches de la saison. Je connais mon équipe, pas seulement les 11 joueurs sur le terrain, mais les 25, le staff, chaque personne impliquée dans ce club, et tout le monde donne le maximum. Quand on se donne à fond, on ne peut pas échouer, c’est impossible.”
Le Racing va devoir résister pour garder ses talents
La fin de saison en forme de montages russes (Nice, Monaco donc mais aussi le PSG pour l’altitude, Saint-Étienne, Angers et Le Havre comme matchs plus abordables sur le papier) ne garantit en rien le top 4 et la Ligue des champions pour les Alsaciens. Mais comme le dit Aimé le supporter, “la Ligue des champions serait l’idéal mais c’est tellement beau que je me contenterai de la Conference League”. Pour Strasbourg, il faut aussi anticiper le fait d’être sous les projecteurs.
“Avec le classement, on est beaucoup regardés et vu notre effectif, avec des gars comme Barco ou Andrey Santos, on nous suit même en Argentine et au Brésil”, se régale Ismaël Doukouré. Le piège pour le Racing sera de ne pas être pillé, après avoir déjà refusé de très grosses offres durant le mercato d’hiver pour ses cadres. Doukouré en tête ne sait pas de quoi son avenir sera fait, lui qui voulait quitter le bateau l’été dernier. Ou encore le gardien Djordje Petrovic, qui s’imagine reprendre sa place à Chelsea, le puissant frangin via le consortium propriétaire BlueCo.
Les Ultras toujours pas emballés par le projet, même avec la LDC
Seule ombre au tableau en cette fin de saison pour les dirigeants strasbourgeois: la contestation des ultras ne faiblit pas. Comme depuis le début de saison, les Ultra Boys 90 et d’autres associations de supporters font silence pour les quinze premières minutes des matchs. Pour Alexandre, le porte-parole de la Fédération des Associations de supporters, les sentiments éprouvés sont difficiles.
“Quand le club gagne, il y a une forme de plaisir mais il est difficile de se positionner par rapport à tous les enjeux que cela comporte, comme la multipropriété. Le rapport charnel et spontané qu’on peut avoir avec ce club est brisé.” Ancien joueur du club et aujourd’hui coach des filles en Première Ligue Arkema, Vincent Nogueira regrette cette situation: “Le foot c’est un sentiment d’identité mais on vient aussi à la Meinau pour avoir des émotions et on n’en a pas toujours eu. Vu la qualité de ce qu’on voit, on devrait apprécier ce qui se passe à la Meinau.”