Entre une économie mondiale qui vacille, dopée par des droits de douane imposés tous azimuts par un président Trump imprévisible, et une France qui se remet timidement d’une grave crise politique, les investisseurs naviguent à vue. Dans ce climat d’incertitude palpable, comment les investisseurs américains établis en France perçoivent-ils l’Hexagone ?
Pour le savoir, la Chambre américaine de commerce en France (AmCham) et Bain & Company ont publié en mars les premiers résultats de leur baromètre annuel. Menée entre décembre 2024 et janvier 2025, cette enquête a pris le pouls de près de 151 entreprises américaines implantées en France, et employant plus de 220 000 personnes.
Réalisée dans la foulée de la démission du gouvernement Barnier le 5 décembre dernier, cette étude offre une radiographie précieuse du moral des investisseurs américains et de leur confiance dans l’attractivité économique française. Tour d’horizon de ses principaux enseignements.
✅ 39 % des maisons mères américaines ont une bonne perception de la France
En 2024, 39 % des maisons mères américaines jugent la perception de la France bonne ou excellente, un recul de 13 points par rapport à 2023. Ce repli traduit une légère détérioration de l’image de la France auprès des investisseurs américains.
Malgré cela, la France conserve de nombreux atouts à leurs yeux : qualité de vie, haut niveau de qualification de la main-d’œuvre, capacité d’innovation reconnue, excellence des infrastructures, position centrale au sein de l’Union européenne et qualité de son système éducatif.
🔴 45 % s’attendent à une dégradation du contexte économique
Le pessimisme gagne du terrain. 45 % des investisseurs américains s’attendent à une dégradation du contexte économique en France dans les deux à trois prochaines années. Le chiffre est en hausse de 21 points de pourcentage par rapport à la précédente étude de 2023, ce qui témoigne d’une perception de plus en plus pessimiste du climat économique français par les investisseurs américains.
Selon l’AmCham, jamais depuis dix ans les investisseurs américains n’avaient été aussi pessimistes sur la France. Si 45 % prévoient une dégradation, seulement 19 % anticipent une évolution positive du contexte économique dans les deux à trois prochaines années.
🔴 Un Net Promoter Score à – 44 %
L’indice phare du cabinet américain Bain Capital, le Net Promoter Score (NPS) mesure l’attractivité de la France auprès des investisseurs américains, en évaluant la probabilité qu’ils recommandent le pays à leurs pairs. Le calcul de ce score est simple : pourcentage d’investisseurs recommandant la France – pourcentage de détracteurs.
Pour 2024, le NPS de la France en tant que destination d’investissement plonge à – 44 %, soit un recul de 22 points par rapport à 2023. Le NPS retrouve son niveau de 2016, année de grand mécontentement des dirigeants d’entreprise envers les politiques fiscales du gouvernement de l’époque.
Cet indicateur, calculé sur l’ensemble de l’enquête menée entre décembre 2024 et janvier 2025, avait atteint un niveau critique de – 70 % lors de la démission du gouvernement Barnier, avant de remonter à – 33 % après l’arrivée de François Bayrou.
🔴 47 % voient un risque dans l’environnement politique et institutionnel
Près de la moitié des investisseurs américains interrogés estiment que l’environnement politique et institutionnel français pourrait comporter des risques importants pour l’année à venir. Une majorité d’entre eux considère que la dissolution de l’Assemblée nationale en juin (51 %) et la chute du gouvernement Barnier en décembre (78 %) ont eu un impact négatif sur leurs investissements en France.
Ces chiffres reflètent les préoccupations des investisseurs sur l’absence de visibilité réglementaire qui fait peser des doutes sur la politique fiscale de la France et met en péril la performance de leurs investissements.
C’est ce que constate également le réseau des conseillers du commerce extérieur (CCE) qui a publié fin mars son indice d’attractivité pour 2025. Selon l’étude menée auprès de 2065 conseillers au commerce extérieur répartis dans 150 pays, trois quarts des sondés sont préoccupés par l’instabilité fiscale en France, et 62 % pointent une instabilité législative.
✅ 36 % estiment que la France n’est pas prête pour répondre aux défis des métiers d’avenir contre 47 % l’année précédente
Un chiffre en légère diminution, puisqu’il atteignait 47 % en 2023. Le système de formation professionnelle demeure perçu comme un atout majeur du pays. Toutefois, les investisseurs américains déplorent un décalage persistant entre les besoins des entreprises et les formations disponibles. Par ailleurs, la pénurie chronique de main-d’œuvre continue de nourrir des doutes sur la capacité de la France à relever les défis futurs.
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Valentine Roux