Et si Donald Trump avait vu juste ? En misant sur des droits de douane de grande ampleur pour rapatrier les usines aux États-Unis, l’ex-président voulait relancer l’emploi et la croissance américaine. Or plusieurs entreprises ont, en effet, annoncé une relocation sur le sol américain d’une partie ou de la totalité de leur activité.. ou du moins y réflechissent.
C’est notamment le cas de Bernard Arnault. Jeudi, patron de LVMH, a prévenu, en assemblée générale : « on sera amenés à augmenter nos productions américaines, forcément, pour éviter les droits de douane. ». De même, le géant pharmaceutique Novartis prévoit d’investir 23 milliards de dollars aux États-Unis d’ici cinq ans, pour y fabriquer ses médicaments destinés au marché américain.
Même accélération dans l’automobile, freinée par 25 % de droits de douane. Honda annonçait mi-avril transférer la production de son modèle hybride Civic du Japon vers les États-Unis. Mercedes envisage, de son côté, un déplacement similaire pour certains modèles, tandis que Rolls-Royce pourrait relocaliser une partie de sa production de moteurs sur le sol américain. Une telle décision n’est toutefois pas sans risque.
Un climat de grande confusion économique
« C’est très compliqué de prévoir, c’est la grande confusion », estime Antoine Bouët, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), car le rapport coût-bénéfice des relocalisations d’entreprises est « plus compliqué qu’il n’y paraît ». « Chaque entreprise a des approvisionnements venant de pays différents, il faut donc tenir compte de la politique tarifaire pesant sur chaque pays et des retombées des négociations qui vont avoir lieu durant les 90 jours de suspension », explique-t-il.
Néanmoins, pour le directeur du CEPII, cela dépend beaucoup des secteurs. Pour le textile, par exemple, avec une part importante de la production liée au coût du travail, relocaliser vers les États-Unis, où celui-ci est plus élevé, est une « très mauvaise idée ». Mais pour l’automobile, qui a besoin d’acier et d’aluminium et se trouve frappée par 25 % de droits de douane, « il est certain que ce sera extrêmement cher d’exporter vers les Etats-Unis ».
En revanche, pour les semi-conducteurs, ces puces électroniques essentielles à la composition des voitures aujourd’hui, le flou demeure. Le président américain a, en effet, déclaré, dimanche 13 avril, qu’il annoncerait des droits de douane sur ces produits « dans un avenir pas trop lointain », mais ni le taux ni la date n’ont, pour l’heure, été dévoilés.
Incertitude perpétuelle et copinage entre patrons
Tout comme le flou qui pèse sur les semi-conducteurs, les revirements soudains de la politique commerciale du président Trump font peser une véritable épée de Damoclès sur les acteurs économiques.
Pour la politologue Ludivine Gilli, spécialiste des États-Unis et directrice de l’Observatoire Amérique du Nord de la Fondation Jean-Jaurès, dans un contexte où Donald Trump affiche son intention de briguer un troisième mandat (alors que la Constitution américaine en limite le nombre à deux), c’est « extrêmement risqué ». Selon elle, « par nature, la politique de Donald Trump est incertaine, donc l’incertitude sera permanente et perpétuelle » pour les entreprises installées ou dépendantes des États-Unis.
Au-delà de cette incertitude politique et économique, ce sont les liens entre certains patrons et Donald Trump qui inquiètent Antoine Bouët, le directeur du CEPII. Selon lui, « ces relations de copinage vont commencer à empoisonner les relations commerciales ». Le directeur du CEPII, y voit également un risque d’image : « est-ce vraiment une très bonne publicité aujourd’hui pour une entreprise française de quitter l’Europe pour aller aux États-Unis ? ».
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Valentine Roux