Round 9. Les partenaires sociaux se réunissent pour la neuvième fois ce jeudi pour rediscuter la réforme des retraites. La Tribune fait le point sur l’avancée de cette concertation, démarrée le 27 février dernier et prévue pour se terminer le 28 mai prochain.
Ne l’appelez plus conclave
Le Premier ministre François Bayrou est le premier à avoir utilisé le mot « conclave » pour parler de cette conférence entre les partenaires sociaux. Un terme qui n’est plus d’actualité depuis début avril puisqu’on parle désormais de concertation sur les retraites. Une décision qui n’est donc pas liée à la mort du pape François, qui va d’ailleurs donner lieu à ce que l’on entend plus communément par conclave : l’assemblée des cardinaux pour élire le nouveau chef de l’Église catholique et de l’État du Vatican.
Une nouvelle feuille de route
Ce changement d’appellation est lié à la nouvelle feuille de route mise sur la table afin de donner une nouvelle impulsion aux débats. Car le conclave s’est retrouvé en mars au bord de l’implosion : déjà difficiles en raison des divergences de point de vue, les débats ont failli s’arrêter quand François Bayrou s’est ouvertement positionné contre un retour à la retraite à 62 ans, alors qu’il avait promis une concertation « sans tabou, ni totem ».
La tension est depuis un peu retombée et les partenaires sociaux se sont mis d’accord mi-avril pour recentrer les échanges autour de trois axes : rétablir l’équilibre financier du système de retraite, réformer son mécanisme de pilotage et prendre en compte des situations particulières (usure professionnelle, égalité femmes-hommes, carrières hachées).
Ils ont aussi décidé d’élargir le débat au financement global de la protection sociale, pas seulement aux retraites. Avec la possibilité d’aborder la diversification des sources de financement au-delà des seules cotisations sur le travail.
Des partenaires sociaux pas au complet
Deux organisations syndicales (FO et la CGT) et une patronale (U2P) ont déjà claqué la porte des discussions. Reste désormais autour de la table cinq partenaires sociaux : CFDT, CFE-CGC, Medef, CPME, CFTC.
Et encore, pas pour tous les rendez-vous. La CFTC a annoncé la semaine dernière qu’elle ne participerait pas aux deux prochaines réunions, dont celle de ce jeudi. En cause, un désaccord sur le thème qui y sera abordé : le financement de la protection sociale dans son ensemble. « Ce n’est pas correct » de discuter de ce sujet alors que deux organisations syndicales et une patronale ne sont plus partie prenante à la discussion globale, a indiqué Pascale Coton, la représentante du syndicat pour la concertation retraite. La CFTC reprendra ensuite sa place aux séances de discussions hebdomadaires, a-t-elle précisé.
Ce qui bloque…
Plus largement, le principal point de blocage est l’âge du départ à la retraite. Les syndicats réclament l’abrogation du relèvement à 64 ans, tandis que le gouvernement et le patronat refusent d’ouvrir ce dossier, considérant qu’un retour à 62 ans est exclu.
Les syndicats sont par ailleurs ouverts à une hausse des cotisations pour rétablir l’équilibre, mais le patronat y est fermement opposé, préférant des mesures sur l’âge ou la durée de cotisation.
Il y a aussi désaccord sur qui doit porter l’effort (actifs, entreprises, retraités) et sur la possibilité de sous-indexer les pensions, mesure rejetée par les syndicats.
…et fait consensus
Reste néanmoins des sujets qui font consensus. Tous les partenaires sociaux, y compris ceux qui se sont retirés, reconnaissent la nécessité de rétablir l’équilibre financier du système à l’horizon 2030. Mais les moyens envisagés pour y parvenir divergent.
Il y a aussi accord sur la nécessité d’un mécanisme de pilotage plus robuste pour anticiper les déséquilibres futurs et ajuster le système de façon autonome.
Tous veulent également améliorer la prise en compte de l’usure professionnelle et réduire les inégalités de genre dans les retraites.
Dernière ligne droite
Après la réunion de ce jeudi 24 avril, consacrée donc aux questions de financement, deux séances auront lieu le mercredi 30 avril et le jeudi 15 mai et se focaliseront sur le pilotage du système.
Les partenaires sociaux entreront ensuite dans la dernière ligne droite pour concrétiser ou non un accord. Ce devra forcément être avant le 28 mai, date de la dernière réunion prévue. Ils n’excluent toutefois pas de poursuivre encore au mois de juin si nécessaire.
Les scénarios possibles
👉 Un accord partiel ou global entre les cinq partenaires restants. Des avancées sont possibles sur la gouvernance, la pénibilité, l’égalité ainsi que sur des ajustements techniques, sans remise en question de l’âge légal. Le texte serait alors présenté au Parlement, qui pourrait l’amender et l’intégrer à la loi. Mais en raison de l’absence des principaux syndicats contestataires, la légitimité de cet accord pourrait être faible et la contestation sociale persistante.
👉 Un blocage ou une absence d’accord. Alors le gouvernement maintiendrait la réforme de 2023 telle qu’elle est aujourd’hui. Le risque est de replonger dans une crise politique élevée, avec de nouvelles mobilisations sociales. En cas de blocage total, il y aurait néanmoins la possibilité de recourir à un référendum.
👉 Un accord sur des points techniques mais pas sur les paramètres clés. Par exemple des mesures sur la gouvernance, l’emploi des seniors, la pénibilité, sans toucher à l’âge légal ni aux cotisations. Le gouvernement pourrait alors présenter un projet de loi reprenant ces avancées, mais la question du financement de long terme resterait ouverte.
👉 Une reprise des discussions avec retour de certains acteurs. Un scénario guère probable à ce stade, mais possible si le gouvernement fait des concessions majeures, ce qui est néanmoins peu envisagé par l’exécutif.
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Agathe Perrier