Même si les recherches doivent se poursuivre, le lien entre dérèglement climatique ou pollution et dangers pour la santé n’est plus à faire. Et selon les dernières estimations données par Vanina Laurent-Ledru, directrice générale de la Fondation Sanofi, non seulement 3,5 milliards de personnes vivent actuellement dans des pays affectés par ces phénomènes (sécheresses, inondations, canicules, mauvaise qualité de l’air et de l’eau…), mais ce sont 15 millions de personnes par an qui décèderont de ce fait d’ici 2050, selon le Forum Economique Mondial.
Autant dire que lutter contre le dérèglement climatique, en atténuer les effets et tenter de s’y adapter est primordial pour la santé publique. Et ce, partout dans le monde, puisque, par exemple, le dérèglement climatique incite des insectes comme certains moustiques du Sud, qui peuvent être porteurs du virus de la dingue ou du chikungunya, à migrer vers le Nord, où les températures augmentent.
En outre, explique Muriel Vayssier-Taussat, directrice de recherche à l’Institut national de recherches pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inræ), « non seulement ils s’adaptent aux nouvelles conditions mais en plus, il se trouve que le changement climatique leur permet aussi de se multiplier plus vite. » Le danger qu’ils représentent n’en est donc que plus grand.
Eviter des épidémies
En conséquence, des actions pour lutter contre le réchauffement des températures sont indispensables pour éviter ce genre d’épidémies induites par ces moustiques. Mais ce n’est pas tout. « Les pollutions font 9 millions de morts par an dans le monde, dont 80 à 90 000 en France », ajoute Jean-David Zeitoun, directeur médical et associé fondateur d’Inato, une start-up parisienne qui a conçu une plateforme destinée aux essais cliniques.
Au point, d’ailleurs, qu’en matière d’environnement, l’argument de la santé pourrait devenir la clé de voûte d’un discours politique sur la transition écologique – pour que les citoyens consentent les efforts nécessaires, tandis que, de leur côté, leurs représentants au niveau politique cesseraient de se concentrer sur les coûts et de rester dans l’inaction.
En effet, « l’impact de la détérioration de l’environnement sur la santé est déjà mesurable, en particulier en ce qui concerne la qualité de l’air », observe Kevin Jean, chaire professeur junior, Santé et changements globaux, à l’Ecole normale supérieure. « Mais les bénéfices d’une politique de neutralité carbone sur la santé aussi. Mieux, ces bénéfices sont visibles, immédiats et locaux, alors que les autres avantages attendus grâce à une politique de neutralité carbone sont de plus longue haleine. En fait, une politique de neutralité carbone équivaut à une politique de santé. » Engager les entreprises
De là à penser qu’avec un discours convaincant sur la santé, citoyens comme élus joueraient tous le jeu de l’environnement, c’est un pas que Jean-David Zeitoun se garde bien de franchir. Pas question de s’appuyer sur les seules bonnes volontés, dit-il, cela ne suffit pas. Elles doivent être encouragées par la loi et l’économie, en d’autres termes, par la réglementation – on pense aux dispositifs contre la pollution au plomb ou de l’air et aux lois anti-tabac, par exemple – et aux taxes, toujours sur le tabac ou sur l’alcool. « Ce sont les entreprises qui produisent ces risques pour la santé, il faut donc les engager à mieux faire », dit-il. Cela vaut ainsi pour la décarbonation des transports et des procédés de production.
Anticiper les dangers
Enfin, autre nécessité, l’anticipation, de la part des pouvoirs publics, en ce qui concerne notamment les épidémies à venir, plaide la directrice de recherche à l’Inræ. Si chaque situation contient des éléments spécifiques et exige donc des solutions locales, des initiatives, venant de pays du Sud, peuvent également nous inspirer.
A titre d’exemple, le Bangladesh a lancé un système de bateaux hôpitaux en fonction des inondations, fait remarquer la directrice générale de la Fondation Sanofi, alors qu’en France, 80 % des centres hospitaliers ne sont pas préparés à une telle situation…
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Lysiane J. Bau