Séisme en Italie : “Il y a une sorte de fatalisme dans le sud, mais à la première secousse, c’est la panique”

Marianne - News

https://resize.marianne.net/img/var/ce6WRokV0K/asX7175eXzHptXPfj/asX7175eXzHptXPfj.jpg









Séisme en Italie : “Il y a une sorte de fatalisme dans le sud, mais à la première secousse, c’est la panique”




















Le séisme du 13 mars 2025 a provoqué des dégâts sur les habitations de la région des Champs Phlégréens.
Eliano Imperato/Controluce via AFP

Le deuxième feu

Propos recueillis par

Publié le

Dans la nuit du 12 au 13 mars dernier, un séisme de magnitude 4,4 a à nouveau frappé les Champs Phlégréens, une région située dans la ceinture napolitaine. Pas de dégâts très importants mais la terre continue de danser au rythme des secousses. L’inquiétude est de plus en plus vive du côté de la population qui vit à côté de la Soufrière, la Solfata, le deuxième volcan ou plutôt le deuxième feu après le Vésuve comme l’appellent les habitants de la région.

Pas de gros dégâts mais une crainte grandissante, dans la région des Champs Phlégréens, près de Naples, sujette au phénomène de bradyséisme ou « souffle volcanique », une caractéristique géologique qui élève ou affaisse le sol sous l’effet du magma et des gaz. Marianne décrypte la situation avec le Professeur Fabio Sabetta, géophysicien spécialisé dans le risque sismique et professeur à l’université de Rome, Roma III.

Marianne : La population locale craint un scénario catastrophe avec des secousses plus fortes et éventuellement, une éruption volcanique. Ce scénario est-il possible ?

Pr. Fabio Sabetta : Disons qu’il ne pourrait pas y avoir de secousse d’une forte intensité parce que dans cette partie des Champs Phlégréens, les tremblements de terre sont d’origine volcanique. Ils ne sont pas provoqués par un mouvement de faille, mais par la pression du magma volcanique. Et dans ce cas, il y a un bradyséisme positif, un phénomène qui correspond à un rehaussement du sol dû à la pression du magma, une substance incandescente fluide comme celle des volcans. Les séismes d’origine tectonique sont provoqués par la présence de failles profondes dans le terrain qui peuvent mesurer plusieurs kilomètres de long et être d’une magnitude supérieure.

À LIRE AUSSI : Turquie et Syrie : un séisme de magnitude 7,8 fait au moins 500 morts

Un tremblement comme celui qui a frappé les Champs Phlégréens et qui est d’une intensité identique à celui du 24 mai dernier toujours dans la même région, est 900 fois plus petit en termes d’énergie, que le séisme qui a détruit par exemple la ville de l’Aquila le 6 avril 2009 et qui était d’une magnitude de 6.3. C’est un petit séisme car en Italie où tout dépend des caractéristiques des constructions – la magnitude qui commence à provoquer des dégâts au niveau du parc immobilier, est fixée à plus ou moins 4.6. Par conséquent un tremblement de terre d’origine tectonique de magnitude 4.4 ne provoque pratiquement aucun dégât important car ils sont généralement situés à une profondeur de 10 km et parfois plus.

Quelles sont les caractéristiques des séismes volcaniques ?

Ils sont généralement en superficie, la profondeur est de l’ordre de plus ou moins 2 à 3 kilomètres et ils peuvent avoir des effets exactement sur l’épicentre, c’est-à-dire le point d’origine du séisme mais qui s’atténuent toutefois assez rapidement. C’est ce qui s’était passé à Ischia (région de Naples) avec des dégâts importants dans la fraction de Casamicciola et rien à quelques kilomètres de distance. Le problème des Champs Phlégréens n’est pas un problème sismique mais volcanique. On a calculé que la magnitude la plus importante générée par les tremblements de terre d’origine volcanique, peut arriver à un maximum de 5. Par conséquent, la situation ne serait pas inquiétante si les édifices étaient construits selon les normes parasismiques. Il est évident que les vieilles constructions ou celles qui ne sont pas à norme peuvent être légèrement endommagées. Il y a eu deux grandes éruptions de la caldeira (qui se forme lors de l’effondrement de la chambre magmatique d’un volcan, NDLR) dans les Champs Phlégréens, il y a 40 000 ans puis en 1538. On a trouvé des preuves géologiques de la dévastation provoquée par la première éruption il y a 40 000 ans qui n’est pas un temps historique mais géologique. Toute la région avait été recouverte par une couche de résidus d’une épaisseur de plusieurs centaines de mètres. Les volcanologues estiment qu’il n’y a aucun risque d’éruption aujourd’hui. Les situations volcaniques représentent un avantage car on sait où se trouve le volcan et la surveillance est plus simple car on peut installer des instruments pour mesurer par exemple la déformation du terrain, les émissions de gaz. Dans ce contexte et en cas d’éruption, les autorités ont entre deux et trois jours pour avertir la population grâce à cette surveillance rapprochée. Ce qui n’est pas le cas pour les séismes tectoniques car la faille peut être submergée ou située à un endroit que l’on ne connaît pas.

À LIRE AUSSI : L’Aquila, dix ans après le séisme : la croyance en la politique s’est effondrée

Avez-vous le sentiment qu’il faudrait lancer une campagne de communication ciblée pour informer et rassurer la population et dans un même temps, remettre le parc immobilier à niveau ?

C’est certain. Comme toujours, la presse s’est fait l’écho avec emphase de l’évènement et cela a renforcé l’inquiétude de la population. En Italie, le risque de séisme tectonique est nettement plus important. Je pense par exemple au tremblement de terre de Messine (Sicile), qui a fait 80 000 morts en 1908. Le risque volcanique existe dans les régions où sont situés les volcans mais il est moindre. Il y a eu l’éruption du Vésuve qui a détruit Pompéi il y a deux mille ans mais pas d’autres tragédies. Une étude réalisée par l’université de Naples et commissionné par la mairie a démontré que l’application des normes actuelles pour renforcer les édifices, serait suffisante dans la partie des Champs Phlégréens. Pour en revenir aux deux secousses les plus importantes, il y a eu bien sûr quelques dégâts au niveau des constructions qui ne sont pas aux normes, mais pas de morts et quelques blessés. Les autorités ont invité la population à participer à des exercices de préparation. Une grande éruption serait catastrophique car toute la ville de Naples serait également touchée. Mais attention, il faudrait que ce soit une éruption identique à celle d’il y a 40 000 ans. Une campagne de communication pour rassurer la population aurait un impact important mais c’est très difficile. On l’a vu avec le tremblement de terre de L’Aquila lorsque 7 scientifiques de la Commission nationale italienne « grands risques » ont été accusés d’avoir sous-estimé les risques avant le séisme de 2009. On leur a reproché d’avoir lancé une campagne de communication pour rassurer la population qui est restée sur place et cela a été catastrophique. Depuis, rassurer la population dans les zones à risque est compliqué. Il n’y a aucun risque de fort tremblement de terre dans les Champs Phlégréens. En revanche, une éruption volcanique est possible. Mais dans l’immédiat il n’y a aucun signe.

À LIRE AUSSI : “Il n’y a plus une maison debout ” : au lendemain du séisme au Maroc, les habitants toujours sous le choc

Compte tenu des risques éventuels, pourquoi ne pas déplacer la population et bloquer les permis de construire ?

Des maisons ont été construites sur les pentes du Vésuve et lorsque les autorités ont proposé de financer la construction de nouvelles habitations ailleurs c’est-à-dire loin du Vésuve, la population a refusé. Il y a comme une sorte de fatalisme notamment dans le sud de l’Italie, ce qui doit arriver arrivera. Et paradoxalement au premier avertissement, à la première secousse, c’est la panique ! A Pozzuoli, il y a le problème du bradyséisme avec le terrain qui se soulève et s’abaisse et cela crée des dégâts structurels sur les édifices. La solution serait de renforcer le parc immobilier selon les normes antisismiques et d’informer ponctuellement la population en publiant des états des lieux.


Nos abonnés aiment

Plus de Monde

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne

0 0 votes
Article Rating
S’abonner
Notification pour
guest
0 Comments
Le plus populaire
Le plus récent Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Welcome Back!

Login to your account below

Create New Account!

Fill the forms below to register

Retrieve your password

Please enter your username or email address to reset your password.

Add New Playlist

Are you sure want to unlock this post?
Unlock left : 0
Are you sure want to cancel subscription?
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x