Les États-Unis veulent empêcher la Chine de prendre la tête dans la course à l’intelligence artificielle (IA). Pour y parvenir, le président américain Donald Trump envisage d’aller plus loin encore que Joe Biden, son prédécesseur, en bloquant totalement les exportations de puces américaines, même celles conçues spécifiquement pour contourner les restrictions actuelles. Mais à trop vouloir ralentir Pékin, Washington pourrait surtout fragiliser ses propres champions.
« Le pays va souffrir encore plus que les entreprises individuelles », prévient Jack Gold, analyste indépendant. Pour lui comme pour d’autres experts, ces nouvelles restrictions constituent en réalité une « victoire importante » pour la Chine. Privée de GPU de dernière génération (comme les H100 ou les H20 de Nvidia), la Chine n’aura d’autre choix que d’accélérer la conception de ses propres semi-conducteurs. « Une fois qu’elle sera compétitive, elle commencera à vendre dans le monde entier. Et il sera ensuite très difficile de récupérer le marché, une fois que la chaîne d’approvisionnement aura changé », résume l’expert. « C’est un véritable gâchis. »
Nvidia et AMD, premières victimes collatérales
Le durcissement annoncé a déjà coûté cher aux groupes américains. Nvidia a prévenu qu’il allait enregistrer 5,5 milliards de dollars de charges exceptionnelles au seul titre du trimestre en cours. AMD évoque un manque à gagner de 800 millions.
Nvidia, en particulier, est au cœur de la vague de l’IA générative, avec ses cartes graphiques massivement utilisées par OpenAI, Google, Meta et les géants chinois. En 2024, le groupe a réalisé 17 milliards de dollars de chiffre d’affaires en Chine, soit 13 % de ses revenus globaux. D’où l’inquiétude croissante des investisseurs, renforcée par les récentes chutes en Bourse.
« La bonne façon de procéder, à mon avis, est de favoriser les entreprises américaines, plutôt que de les pénaliser »,estime Jack Gold.« Donald Trump pense sans doute que si nous compliquons la tâche de la Chine, et d’autres pays, nous allons gagner comme par magie. Cela n’a aucun sens. »
La Chine garde la main sur les terres rares
Le président républicain mise sur un retour massif des chaînes de production aux États-Unis. Mais selon les analystes, le pari est risqué, voire illusoire. « Il faut entre 20 et 40 milliards de dollars pour construire une fonderie et cela prend 3 à 4 ans. D’ici là, on paye des surtaxes ! », ironise Jack Gold. Même l’annonce faite cette semaine par Jensen Huang – une production de puces 100 % américaine pour supercalculateurs – n’a pas suffi à rassurer. Car la réalité, c’est que les États-Unis manquent cruellement de main-d’œuvre qualifiée, selon Jacob Bourne, analyste chez Emarketer. Et la politique migratoire défendue par Donald Trump ne risque pas d’améliorer la situation.
Autre faiblesse structurelle : la dépendance américaine aux terres rares, indispensables à la fabrication des puces. « Certes, il y a des gisements aux États-Unis », reconnaît Bourne. « Mais le pays ne dispose ni de l’expertise, ni des infrastructures pour les exploiter. » Les coûts d’extraction, alourdis par les taxes à l’importation, et les impacts environnementaux freinent les velléités de relocalisation minière.
(Avec AFP)
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