“Si Boualem Sansal venait à mourir en prison, le régime algérien porterait à jamais cette honte sur son front”

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“Si Boualem Sansal venait à mourir en prison, le régime algérien porterait à jamais cette honte sur son front”





















« Si Boualem Sansal venait à mourir en prison, le régime algérien porterait à jamais cette honte gravée sur son front », écrit Kamel Bencheikh.
AFP

Tribune

Par Kamel Bencheikh

Publié le

Le jeudi 27 mars 2025, Boualem Sansal, âgé de 80 ans et malade, a été condamné à cinq ans de prison en Algérie. Une sentence qui résonne comme un glas. Le poète et écrivain Kamel Bencheikh exprime sa colère et dénonce le pacte funèbre dans lequel les islamistes et le pouvoir algérien avancent désormais unis dans l’oppression.

Les régimes autoritaires ont une peur viscérale de la lumière. La vérité, ils ne l’affrontent pas, ils l’enferment. Plutôt que de débattre, ils bâillonnent. Plutôt que de répondre, ils condamnent. Hier, on brûlait les livres. Aujourd’hui, on jette leurs auteurs en prison.

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Le jeudi 27 mars, dans le silence glaçant d’un tribunal aux ordres, Boualem Sansal, 80 ans, malade, a été condamné à cinq ans de prison. Cinq années d’indignité nationale. Un immense écrivain, salué dans le monde entier, est rabaissé au rang de criminel dans son propre pays. Son seul crime ? Avoir écrit. L’Algérie aurait pu le porter en étendard, l’honorer, montrer au monde qu’elle ne craint pas le débat et la confrontation des idées. Elle a choisi la honte.

Une justice aux ordres, un pouvoir sans boussole

Il aurait fallu répondre à Boualem Sansal par la force de l’argument, par le souffle d’un discours structuré. Discuter de l’histoire, de la Palestine, du Sahara occidental, du devenir du Maghreb. Mais pour cela, il faut du courage. Ils n’en ont pas. Alors ils enferment. Ils censurent. Ils fabriquent des traîtres comme d’autres fabriquent des icônes.

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Le régime ne sait plus gouverner que par la répression. Chaque jour, il resserre son étreinte sur une société qui suffoque. On interdit. On poursuit. On enferme. Écrivains, journalistes, militants, enseignants, artistes… Nul n’est à l’abri. La justice ? Un théâtre d’ombres. La presse ? Un champ de ruines. Les universités ? Des casernes du silence. Même la littérature doit passer sous la censure inquisitoriale de bureaucrates incultes. Pendant qu’au Salon international du livre d’Alger, les pamphlets salafistes et les mémoires de Hitler et Mussolini trônent en bonne place, les voix libres sont bannies, les penseurs dissidents sont traqués.

Un pacte funeste avec les islamistes

Là où hier le pouvoir et les islamistes s’entretuaient, ils avancent aujourd’hui main dans la main. Unis dans l’oppression, complices dans l’étranglement de la pensée. Ceux qui ont martyrisé l’Algérie dans les années 1990 se partagent désormais le gâteau du pouvoir. Les laïques sont écrasés. Les syndicats dissous. Les associations étouffées.

Les islamistes réclament, et le régime obtempère. La langue berbère devient un folklore, la langue française un paria, l’anglais un alibi. Les écoles se ferment à la raison, les tribunaux s’ouvrent à la loi divine. Et dans cet imbroglio de compromissions, Boualem Sansal est devenu un otage, pris au piège d’une guerre où il n’a jamais voulu combattre.

Le silence complice des intellectuels algériens

Où sont-ils, ceux qui, hier encore, parlaient au nom de la liberté ? Où sont-ils, ces intellectuels, ces penseurs, ces écrivains qui auraient dû être en première ligne ? Ils se terrent. Ils ferment les yeux. Ils préfèrent rentrer au pays en catimini pour voir leurs familles, plutôt que d’affronter les bourreaux de Boualem Sansal. Ils ont trahi leur devoir. J’ai moi-même, en tant que cofondateur du Comité de soutien international à Boualem Sansal, demandé à des écrivains que je connais, leurs signatures.

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Les circonvolutions déployées étaient dignes du cirque Pinder. Pendant que l’Algérie plonge dans l’obscurité, ils détournent le regard. Pendant que Sansal moisit en prison, ils font le dos rond. Leur silence est une abdication. Nous ne lâcherons rien. Le Comité de soutien international ne se taira pas. Je ne me tairai pas. Nous continuerons à frapper aux portes, à exiger sa libération, à dénoncer cette ignominie. L’Algérie a encore une chance. Elle peut rattraper cette erreur avant qu’il ne soit trop tard. Mais qu’elle sache une chose : si Boualem Sansal venait à mourir en prison, le régime algérien porterait à jamais cette honte gravée sur son front. L’histoire jugera. Et elle sera implacable.


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