Les prémices de ce « remodelage » avaient déjà été évoqués en octobre et en janvier dernier. Le fabricant franco-italien de semi-conducteurs, STMicroelectronics, a récemment présenté le plan de réorganisation de ses différents sites et de sa production. A la clé : 2.800 départs volontaires dans le monde entier, dans un contexte de forte concurrence et de tensions sur un marché de la microélectronique qui évolue très rapidement.
« Ce projet de remodelage de l’empreinte industrielle vise essentiellement à renforcer la compétitivité de STMicroelectronics et à consolider notre position de leader mondial des semi-conducteurs, d’assurer la pérennité de notre modèle de fabricant de composants intégrés et renforcer notre capacité d’innover rapidement », explique une porte-parole du groupe, contactée par La Tribune.
Parmi les objectifs affichés par STMicroelectronics : rediriger les investissements vers les infrastructures d’avenir (comme les plaquettes en 300 mm ou le carbure de silicium) et maximiser la productivité et l’efficacité des opérations existantes en 150 mm et des installations matures en 200 mm. « Nous modernisons en intégrant davantage d’IA et d’automatisation dans la R&D et dans la production. »
Aucun départ contraint
« La nouveauté, dans le discours de la direction, c’est qu’on nous a dit que les 2.800 départs s’ajouteront à l’attrition naturelle », souligne Sandy Bel, élue CGT, contactée par La Tribune. En début d’année, le groupe franco-italien avait en effet affirmé s’appuyer essentiellement sur les départs naturels (retraites, démissions, etc.) pour absorber les suppressions de postes annoncées.
« Il n’y aura aucun départ contraint, aucun site ne sera fermé dans le cadre de ce projet », martèle aujourd’hui encore une porte-parole de STMicroelectronics. Les salariés se verront offrir plusieurs options de mobilité interne, externe ou encore de pré-retraite. Un dialogue social a d’ores et déjà débuté avec les représentants des salariés.
« Crolles restera un pôle central de l’écosystème digital européen »
Sur le site de Crolles (Isère), STMicroelectronics annonce vouloir conforter la ligne de production en 300 mm « en tant que cœur de l’écosystème de produits digitaux de ST ».
Objectif : augmenter la capacité à 14.000 plaquettes par semaine d’ici à 2027, avec la possibilité de monter à 20.000 plaquettes selon la demande. Par ailleurs, la ligne de production en 200 mm devrait quant à elle être convertie « pour soutenir l’étape de production appelée EWS (Electrical Wafer Sort – Tri électrique des plaquettes) en grands volumes et les technologies d’encapsulation (packaging) avancées, en accueillant des activités qui n’existent pas aujourd’hui en Europe. L’accent sera mis sur les technologies de pointe de nouvelle génération, notamment la détection optique et la photonique sur silicium », détaille le communiqué de l’entreprise.
Ainsi, « Crolles restera un pôle central de l’écosystème digital européen pour STMicroelectronics », assure une porte-parole du groupe.
« Aujourd’hui, ce ne sont que des mots. Nous n’avons aucune garantie d’investissements pour mettre en place le test de plaquettes, avertit Sandy Bel, élue CGT. Nous demandons donc à la direction des plans d’investissements et des échéances précises ».
Selon la syndicaliste, le site de Crolles 200 mm emploie aujourd’hui un millier de personnes – le groupe n’a pas souhaité donner de chiffres. Une partie des emplois du 200 mm seront transférés sur la ligne 300 mm et sur le EWS. « Nous espérons vraiment que le projet de test plaquettes voit le jour, poursuit l’élue CGT. Mais nous sommes assez sceptiques ».
La « Megafab » à l’arrêt
Sur le site isérois se pose également la question de la « Megafab », ce projet d’une nouvelle unité de production conjointe avec GlobalFoundries, annoncé à l’époque par Emmanuel Macron en grande pompe et soutenu par l’Etat français. Avec à la clé, 7,5 milliards d’investissements conjoints prévus et la promesse de la création d’un millier d’emplois directs (et de 3.000 emplois indirects).
« Tout est à l’arrêt pour le moment », affirme Sandy Bel. « On nous dit qu’il ne faut pas se faire de soucis, que GlobalFoundries viendra bien un jour, mais on commence à ne plus y croire ! ».
Le groupe américain semble en effet avoir déserté le projet depuis plusieurs mois, alors qu’en parallèle, la concertation publique avait dû être relancée par STMicroelectronics. Si une partie des bâtiments prévus ont bien vu leur construction débuter, tout est aujourd’hui stoppé et les équipements intérieurs n’ont pas été réalisés.
L’État, pour sa part, avait promis 2,9 milliards d’euros de soutien, dans le cadre du volet semi-conducteur du plan France 2030. « Nous n’avons aucune visibilité sur le montant total des subventions perçues pour le moment. Cela nous pose problème, surtout qu’on nous promettait des créations d’emplois et que, deux ans plus tard, on en est à supprimer des postes », complète Sandy Bel.