Une possible révolution pour éliminer les cancers. Alors que la chirurgie reste la première approche thérapeutique en oncologie, il reste très difficile aujourd’hui pour un chirurgien de différencier le tissu sain du tissu tumoral, et donc d’éliminer toutes les cellules cancéreuses lors d’une opération. L’enjeu, pour le patient comme pour le système de santé, est majeur : si toutes les cellules cancéreuses ne sont pas retirées, le risque de récidive du cancer augmente.
Mais peut-être plus pour très longtemps, grâce à l’innovation de rupture de SurgiMab. La biotech montpelliéraine a mis au point une technologie pionnière dans le développement d’anticorps fluorescents injectables. Traduction : les cellules cancéreuses deviennent fluorescentes, ce qui permet au chirurgien de les identifier facilement et de toutes les retirer lors de l’opération.
Première application dans le cancer colorectal
Cette technologie spectaculaire, et potentiellement révolutionnaire, est le fruit de plus d’une décennie de recherches menées par Françoise Cailler, docteure en biochimie et biologie cellulaire à l’Université de Montréal, et ingénieure à l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Toulouse.
SurgiMab est le fruit de son alliance avec un chercheur de l’Inserm et un oncologue montpelliérain. Leur technologie permet au chirurgien oncologue de visualiser, en temps réel, les contours d’une tumeur, les nodules et les métastases de petite taille, qui sont invisibles à l’œil nu mais qui doivent être éliminés pour obtenir des berges de résection (retrait d’une partie d’organe ou de tissu) saines.
Son produit phare, le SGM-101, cible prioritairement le cancer colorectal, troisième cancer en terme d’incidence mondiale avec deux millions de nouveaux cas par an. Des essais clinique de phase 3, en cours sur plus de 300 patients en Europe et aux Etats-Unis, viennent de confirmer, selon Françoise Cailler, « le bon fonctionnement du produit en chirurgie ouverte, sans aucun effet secondaire ».
En vue de préparer l’essai pivotal multicentrique -un essai sur un groupe de patients plus important- qui pourrait conduire à une autorisation de mise sur le marché en 2029 ou 2030, SurgiMab annonce vouloir lever 30 millions d’euros, dont 10 millions d’euros cette année.
Marché énorme
Pour visualiser ces molécules fluorescentes, seulement visibles dans le proche infrarouge, les chirurgiens utilisent des systèmes de caméras (dans le cadre d’une chirurgie ouverte) ou de laparoscopes (pour une chirurgie mini-invasive).
Mais la molécule de SurgiMab émet de la fluorescence à une longueur d’onde différente du fluorophore majoritairement utilisé (700 nanomètres au lieu de 800). La biotech s’est donc rapprochée de fabricants mondiaux de caméras afin qu’ils développent des systèmes adaptés à son produit et adaptables à tous types de chirurgie.
En parallèle, SurgiMab travaille avec l’un de ces fabricants sur le développement d’un colenoscope (endoscope) souple, outil qui améliorerait la précision diagnostique.
« Lors d’une coloscopie, un gastro-entérologue très bien entraîné passe à côté de 20 à 25 % de polypes,constate Françoise Cailler. Les résultats préliminaires de ce nouvel endoscope sont très intéressants. Cela pourrait nous ouvrir le marché crucial du screening par colonoscopie, à commencer par les Etats-Unis où le dépistage du cancer colorectal est désormais conseillé aux patients dès l’âge de 45 ans. Cela représente quelque 35 millions de procédures chaque année. En touchant 15 % de ce marché, on arriverait à un chiffre d’affaire de 2,5 milliards d’euros. », détaille la dirigeante.
Malgré des perspectives négatives pour la science et la recherche scientifique, avec notamment le retrait de l’aide américaine à des organisations internationales, la biotech montpelliéraine se dit assez sereine, estimant que « l’oncologie ne fera pas partie des premières cibles de l’administration américaine ».
D’autres cancers en ligne de mire
SurgiMab poursuit également ses travaux avec l’hôpital universitaire de Leiden (Pays-Bas) sur le cancer du pancréas, très agressif et difficile à soigner. Une phase 2 clinique est en cours.
La levée de fonds devrait, par la suite, lui permettre d’étendre sa plateforme technologique à d’autres cancers, comme celui du poumon, avec un essai randomisé aux Etats-Unis. Depuis sa création, la biotech a levé 22 millions d’euros auprès de business angels. Elle souhaite cette fois s’adosser à un fonds de capital-risque et, pourquoi pas, à des fonds innovation rattachés aux fabricants de caméras.
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« Tech for Future » est le plus grand concours de startups de France. Organisé par la rédaction de La Tribune, il est soutenu par des partenaires officiels tels que Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia, SNCF Connect & Tech, France Digitale, Deloitte, l’INPI, le ministère des Outre-Mer, Orange et BFM Business. Il se compose d’une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines. Au terme de cette tournée, 51 startups de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé à Paris, le 1er avril, les 10 grands gagnants 2025. Après sa victoire lors de la sélection en région Occitanie, SurgiMab gagne le prix Santé de Tech for Future 2025.
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Valentine Ducrot