C’est l’un des secteurs qui contribue de façon positive à la balance commerciale de la France, comme l’attestent les derniers chiffres publiés par la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) : avec une croissance de 1 milliard d’euros et une part de 35 % des exportations totales en 2024 – à 8 milliards d’euros – le parfum a même réussi la performance de doubler ses exportations en 5 ans. Les données du Syndicat national des ingrédients aromatiques alimentaires le confirment : 56 % des entreprises réalisent plus de 70 % de leur chiffre d’affaires à l’international, alors que pour les 44 % autres, la part s’élève de 30 % à 60 %.
Le parfum, locomotive de l’exportation
Dire qu’elle est surprise par l’annonce de la hausse des droits de douane avec les Etats-Unis est faux. Comme bien des secteurs, les arômes et parfums s’attendaient à ce changement de paradigme. « Nous serons touchés, bien sûr, mais ce sont surtout nos clients américains qui le seront », tempère, d’une certaine façon, Philippe Masse, le président du syndicat des parfumeurs, Prodarom.
Si les parfumeurs exportent partout dans le monde, et pas uniquement outre-Atlantique, il n’en reste pas moins que les Etats-Unis demeurent le premier pays acheteur mondial de cosmétiques français, à 2,8 milliards d’euros. Un marché américain qui a connu en 2024 un regain de croissance après deux années plus atones, enregistrant une croissance de 17,6%, tiré majoritairement par le parfum. Selon la FEBEA, 1 produit de parfumerie sur 5 a été envoyé aux Etats-Unis en 2024.
De fait, nombreuses sont les entreprises de la parfumerie et des arômes à être présentes sur le sol américain. C’est le cas des leaders du secteur, à l’image de Robertet, fournisseur de matières premières naturelles ou de Mane mais aussi de PME, qui, explique Philippe Masse « disposent sur place de salle de mélange et de logistique de production ».
Double effet
Le président de Prodarom de souligner aussi l’aspect Made in France qui obligent les entreprises, même en cas de production aux Etats-Unis, de s’approvisionner avec des matières premières tricolores. Et de s’inquiéter pour l’ensemble de la chaîne de valeur, notamment pour les agriculteurs qui fournissent des acheteurs américains. « Les concurrents américains de certaines matières premières seront eux concernés par la hausse des droits de douane », souligne Philippe Masse. Qui pointe une autre conséquence : les entreprises implantées aux Etats-Unis ont également pour fournisseurs, notamment sur les matières premières de synthèse, des entreprises originaires d’Inde ou de Chine. Or, la taxation imposée à ces « deux plus gros producteurs mondiaux », sont respectivement de 26% et 34%. De quoi peser davantage sur les résultats des PME.
A Grasse, berceau de la parfumerie, Jean-Philippe Clermont est tout aussi philosophe que Philippe Masse. Dirigeant de l’Atelier des Ors (CA non communiqué, 8 salariés, 70 pays), parfum de peau considéré comme produit de luxe, il estime que la taxe appliquée l’est sur « le bas de la structure de prix, avant la marge à l’exportateur et celle du point de vente », notamment avec un effet de produit plus cher que le consommateur est, en quelque sorte, capable d’absorber. Il n’en reste pas moins que s’il reconnaît ne pas « avoir le choix que de subir », Jean-Philippe Clermont se prépare déjà à « trouver des solutions avec nos partenaires commerciaux. Nous allons également travailler sur la structure de prix, repenser les schémas de distribution », comme par exemple, faire parvenir aux Etats-Unis des volumes plus importants de produits pour ensuite pouvoir gagner quelques points de marge sur la logistique. « Nous allons challenger notre mode opératoire ». Bien plus que la hausse des droits de douane, c’est la baisse du dollar qui inquiète davantage le PDG de l’Atelier des Ors. « C’est un second coup de bambou », reconnaît-il. Pour autant, malgré les circonstances, le marché américain « très important, conserve son appétence. Il n’y a pas de raison que cela change ».
Un marché américain toujours appétant
Sur l’approvisionnement des matières premières, de la même façon, il existe des incontournables qui ne pourront pas être remplacées et demeurent des passages obligés. A l’image de la rose centifolia, l’une des plantes à parfum qui a construit la notoriété de Grasse mais qui, parce que la production est moindre que la demande, a été produite aussi au Maroc. Sans en avoir les mêmes propriétés olfactives… « Les tendances actuelles sont au vétiver, au patchouli, au bois de oud… le marché du parfum ne va pas inverser ses tendances pour cause de hausse des droits de douane », commente Jean-Philippe Clermont.
Restent à connaître de quelle façon la France et l’Europe vont rétorquer à Donald Trump. Lequel, espèrent aussi bien Philippe Masse que Jean-Philippe Clermont, pourraient rétropédaler face à l’impact que ses décisions auront sur l’économie américaine…
