Après deux ans d’interruption, la Compagnie des Alpes (CDA) relancera son service de train entre Paris et Bourg-Saint-Maurice, dès l’hiver 2025-2026. Avec de nouveau, une commercialisation sous la forme d’un package tout inclus (transport, hébergement, forfaits), qui sera regroupée sous un nouveau nom (Travel Ski Night Express) et qui reposera sur l’arrivée d’un nouveau partenaire, Pegasus Trains.
A deux reprises durant les saisons 2021-2022 et 2022-2023, l’entreprise, détenue à la majorité par la Caisse des Dépôts et à la tête d’une dizaine de stations de ski, avait déjà proposé une solution de voyage tout compris, par le rail, au départ des capitales française et britannique.
Une stratégie qui s’inscrivait dans la feuille de route de décarbonation de la Compagnie des Alpes, alors que le transport des skieurs représenterait entre 50 % et 70 % de l’empreinte carbone des stations [57% pour les stations issues de la Compagnie des Alpes], selon les études.
Or, les deux premiers projets développés en partenariat avec la SNCF et Eurostar n’avaient pas été reconduits, poussant la CDA à lancer un appel à candidatures élargi, en décembre 2023 pour élaborer un nouveau produit. Mais cette tentative s’était elle-même soldée par un échec quelques mois plus tard : il aura fallu attendre 2025 pour que le dossier ressorte finalement des cartons grâce à l’entrée en scène d’un quatrième acteur.
SNCF, Eurostar et maintenant Pegasus Trains
Fondé il y a quelques mois par Guillaume de Marcillac, qui n’est autre que l’ancien directeur général de l’agence de voyages détenue par la CDA, TravelFactory, c’est Pegasus Trains qui a proposé de relancer ce service à son ancien employeur.
« On a eu l’opportunité de pouvoir recommencer à mettre en place une solution de décarbonation du transport, dans des conditions un peu différentes et nous avons saisi cette occasion », explique Nicolas Delors, actuel directeur général de TravelFactory.
Et poursuit : « Guillaume de Marcillac, qui avait monté les deux premières opérations de la CDA, dispose d’un réseau de relation dans le ferroviaire qu’il a pu solliciter pour mener cette opération et cette collaboration avec nous » en quelques mois seulement.
À la clé, une nouvelle offre qui s’appuie toujours sur le triptyque – transport, hébergement et forfait – avec le matériel de ski en option. En décembre 2023, la CDA précisait attendre des opérateurs ferroviaires une à deux rotations par semaine entre mi-décembre et mi-avril, que ce soit en TGV, en liaisons intercités ou en trains de nuit.
L’amplitude est ainsi revue légèrement à la baisse avec 14 rotations prévues entre le 19 décembre 2025 et le 20 mars 2026, avec un départ de Paris le vendredi soir et un retour le samedi soir de la station. Le voyage s’effectuera dans un train de nuit, disposant des emplacements nécessaires au transport de matériel et desservira les gares d’Aime, Moûtiers et Bourg-Saint-Maurice. Les passagers seront ensuite acheminés dans les stations alentours.
« Une solution qui offre huit jours complets de ski avec une arrivée tôt en station le samedi matin et un départ le samedi soir », met en exergue Nicolas Delors. Une proposition qui ne souffre, selon lui, d’aucune concurrence et « vient combler une demande pour lesquelles il n’y a pas nécessairement de l’offre », assure t-il.
Faire ses preuves
« Il y a quatre ans, nous avons proposé une première offre au départ de Londres, avec Eurostar », confirme Nicolas Delors, qui a séduit 5.000 passagers. Et il y a trois ans, dans la même idée, la CDA a proposé une solution à partir de Londres et de Paris qui a comptabilisé 12.000 passagers, poursuit-il. Des chiffres, en apparence, satisfaisants, qui n’ont pas permis de reconduire le service.
Interrogé sur les raisons de cet arrêt, le directeur général balaie rapidement l’argument économique. « On garantissait la rentabilité des opérations aux partenaires. Le sujet portait plutôt sur la disponibilité du matériel pour pouvoir opérer », assure-t-il. Selon nos confrères du Dauphiné Libéré, les raisons invoquées seraient liées à des contraintes administratives, en lien avec le Brexit pour Eurostar et au niveau de réservation trop faible pour la SNCF.
En décembre 2023, la tentative de relancer la ligne, via un appel d’offres européen pour un contrat de trois ans, espérant ainsi un positionnement de la SNCF ou d’Eurostar, était, elle aussi, restée lettre morte. À l’époque, David Ponson, directeur de la division domaines skiables et activités outdoor, estimait alors qu’il s’agissait d’un sujet « vital » pour les destinations neige. « Le principal problème n’est pas un enjeu de disponibilité des sillons, mais un manque de matériel roulant l’échelle française et européenne », glissait-il.
Et ce, alors même Bryce Arnaud-Battandier, directeur de la division distribution et hospitality de la CDA, assurait au futur opérateur « un équilibre économique puisque nous serons en capacité de réserver des rames entières, sans aucun risque pour eux si jamais les volumes fixés n’étaient pas atteints ».
Cette nouvelle tentative interroge donc sur la pérennité de ce nouveau service qui s’inscrit dans la dynamique d’un retour des trains de nuit requis par une partie de la population. Pour l’heure, TravelFactory ne se prononce pas, ni sur le coût pour les voyageurs, ni sur un volume de passagers mais évoque 9.200 places disponibles qui seront mises en vente d’ici à quelques semaines, en mai prochain. Ainsi, le contrat actuellement signé pour une saison, devra faire ses preuves, pour espérer être reconduit.
Retour des trains de nuit : des espoirs jusqu’ici éconduits
La question du train de nuit pour relier les stations de ski n’est pas nouvelle. Elle a même été remise tout récemment à l’ordre du jour par le collectif d’usagers “Oui au train de nuit”, qui déplorent qu’aucun matériel ne soit prévu pour les départements de Savoie et Haute-Savoie, au sein de la dernière commande de matériel pour les trains de nuit.
Le retour des trains de nuit, et notamment du Paris-Bourg Saint Maurice interrompu en 2016, est en effet attendu de pied ferme par les élus locaux et la population depuis plusieurs années. Mais malgré les promesses du président de la République, Emmanuel Macron, qui avait annoncé dès 2020 leur remise sur pied, l’appel public à concurrence (AAPC) pour l’équipement des trains d’équilibre du territoire (TET) n’a affecté aucun matériel dans la région. Et ce, alors que les Jeux Olympiques d’hiver des Alpes 2030 interrogent sur la question de l’accessibilité des vallées alpines, et notamment de la Tarentaise, qui regroupera 6 des 12 sites de compétition.