Alors que Bercy veut intensifier la lutte contre la fraude, la ministre du Budget, Amélie de Montchalin, se déplace, ce lundi, dans les locaux de Tracfin à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Créé par un décret du 9 mai 1990, le service de renseignement financier du ministère de l’Économie fête ses 35 ans ce printemps.
À compétence nationale depuis 2006, Tracfin compte environ 200 agents. Plus de six sur dix sont des fonctionnaires, en provenance notamment de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) ou des Douanes et des Droits indirects (DGDDI). Les autres agents sont des contractuels.
À quoi sert Tracfin ?
Tracfin mène de front trois missions principales : la lutte contre la criminalité économique et financière, la chasse à la fraude aux aides publiques et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. Dans le viseur du service de renseignement financier figurent, en autres, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Comment opère le service ?
L’objectif des agents de Tracfin est d’exploiter « tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination délictueuse d’une opération financière », prévient le ministère de l’Économie.
Pour effectuer ses missions, le service s’appuie sur les informations émanant de professionnels contraints à la transmission de données par la loi (50 professions, 230 000 personnes) — à l’instar des notaires, banquiers, greffiers de tribunaux de commerce, etc. —, mais aussi des administrations publiques — telles que l’Assurance maladie, la Caisse d’allocations familiales, les Finances publiques, etc. —, et des services de renseignement étrangers.
En 2023, Tracfin a reçu 190 653 informations. Parmi ses informations, 186 556 constituaient des « déclarations de soupçon », en hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Une écrasante majorité de ces signalements (94 %) émane du secteur financier, et en particulier des banques.
En revanche, « Tracfin n’est pas habilité à recevoir et à traiter les informations transmises par des particuliers », rappelle Bercy.
Quels sont les pouvoirs de Tracfin ?
Pour mener à bien ses enquêtes, le service de renseignement dispose d’un droit de communication auprès des professionnels concernés par la lutte antiblanchiment (CMF, art. L561-25). Tracfin peut, par exemple, demander les pièces nécessaires à la reconstitution de transactions opérées par une personne ou une société. Ce droit de communication s’applique aux organismes financiers (banques, société de gestion, etc.).
Seule exception : « Les avocats bénéficient d’un régime dérogatoire », souligne Bercy. Pour obtenir des documents, les agents doivent formuler une demande « au bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit », précise le ministère.
Par ailleurs, le droit de communication de Tracfin existe aussi dans le secteur public (CMF, art. L561-27). Administrations d’État, collectivités territoriales, établissements publics doivent se plier aux demandes d’informations des agents de Montreuil. Et ce, comme l’ensemble des personnes chargées d’une mission de service public.
Autre pouvoir à la disposition des agents : le droit d’opposition à la réalisation d’une opération financière douteuse. Avant même qu’une opération n’ait été réalisée — une transaction immobilière par exemple —, Tracfin a la possibilité de la bloquer en usant de son droit d’opposition. Un droit que le service a utilisé à 132 reprises en 2023. Un chiffre très largement supérieur aux années précédentes (124 oppositions entre 2017 et 2022).
Qui dirige Tracfin ?
Le service de renseignement est dirigé depuis le 1er avril 2024 par un haut fonctionnaire, Antoine Magnant. Énarque, il a réalisé presque l’intégralité de sa carrière au sein du ministère de l’Économie. L’expert des questions fiscales a pris la succession de Guillaume Valette-Valla, dont le management à la tête de Tracfin avait causé des remous en interne ces dernières années. Selon L’Informé, la gestion des ressources humaines de ce magistrat de formation aurait provoqué une augmentation spectaculaire du nombre de départs et des arrêts de travail.
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Jean-Victor Semeraro