« Ce ne sont pas les gouverneurs qui gouvernent, mais le peuple des citoyens. Mon idée est de construire, avec eux, cette volonté nationale de rétablissement de l’équilibre productif, et de nos comptes », assure François Bayrou qui est venu, à Marseille, donner le départ des dix semaines de réflexion de la conférence Ambition France Transports qui a pour objectif de définir un nouveau modèle de financement des infrastructures de transports : les services express régionaux métropolitains (SERM), les infrastructures routières, ferroviaires et de marchandises.
Dette grise
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a déterminé trois défis majeurs autour desquels se concentreront élus des collectivités, acteurs privés et publics, experts, opérateurs, fédérations professionnelles, associations environnementales, usagers : moderniser les réseaux qui deviennent vieillissants, augmenter l’offre de transports sur l’ensemble du pays pour lutter contre « une dynamique de fracture entre les territoires » notamment au détriment des villes moyennes et zones rurales, accélérer la transition écologique des mobilités. Car le constat est sans appel : « après des décennies de sous-investissement et d’imprévisions, nos réseaux sont vieillissants », à l’instar des 50% de chaussées du million de kilomètres de routes françaises et des 34% de ponts dégradés – des chiffres en hausse de 4 et 5% entre 2018 et 2022. Une dette grise à résorber, se plaçant comme priorité gouvernementale.
Remettre le citoyen au centre du débat
Pour repenser la manière de financer, collectivement, les mobilités, le gouvernement Bayrou mise sur « la confiance en les acteurs du terrain ». Une stratégie de décentralisation du débat qui se veut plus proche des Français, sûrement moins parisiano-centrée, “Paris, les métropoles et le désert français“, en guise de titre emprunté au géographe Jean-François Gravier. Un parti pris que le Premier ministre assume : « l’un des principaux enjeux de la conférence qui s’ouvre aujourd’hui est donc d’assurer à nos concitoyens qui ne vivent pas dans le centre-ville des grandes métropoles qu’ils ne sont pas délaissés et de leur offrir de nouvelles solutions de mobilité accessibles et bas-carbone ». Une main tendue vers les territoires, Marseille en égérie.. Et François Bayrou de glisser une référence à la crise des Gilets jaunes, où « le sentiment d’enclavement et de déclassement » est né, « entre autres causes, de l’inégal accès aux mobilités, à un cout raisonnable ». Remettre l’usager au centre des décisions, telle est la carte abattue par le gouvernement pour “faire en sorte que chaque euro public, chaque euro payé par les Français, soit efficace“, souligne la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin qui revendique un euro des usagers “marginalement décisif”, utilisé en cas de dernier recours, une fois les autres modes de financement utilisés.
Planifier l’investissement
Une demande de “prise de conscience des citoyens” et “d’effort collectif” formulée, à l’instar de politiques menées dans des pays européens tels le Portugal ou la Suède, alors que la France traverse une crise de ses finances publiques qui diminue ses marges de manœuvre. “Sans possibilité d’augmenter nos recettes, nous devons mieux maîtriser nos dépenses”, martèle le Premier ministre. “Nous avons connu, par le passé, trop de plans, sans financement“, regrette le ministre des Transports Philippe Tabarot, “c’est la crédibilité de la parole publique qui est en jeu“. En toile de fond, le plan d’Elisabeth Borne qui avait promis, en 2023, une enveloppe de cent milliards d’euros débloqués pour le ferroviaire d’ici 2040. Une promesse ayant manqué “d’une loi qui aurait prévu une planification de l’investissement“, mais qui lègue tout de même un héritage selon Philippe Tabarot, notamment dans le fonds de concours de la SNCF.
Autre levier de financement évoqué, outre le financement privé, la fin des concessions autoroutières, programmée entre 2031 et 2036. Une opportunité pour les pouvoirs publics de rediriger les recettes de péage de manière durable vers les projets de transports. Une option déjà demandée par certains acteurs du secteur, à l’instar de NGE, numéro 4 du BTP français.
Mi-juillet, un rapport général devrait être remis au gouvernement, synthétisant les axes dégagés à l’issue de dix semaines de réflexion. A Marseille, a-t-on vraiment assisté à l’esquisse d’une nouvelle ère ?